Après l'intégration (1) et le droit d'asile (2), le gouvernement pose la dernière pierre de son programme en matière d'immigration avec l'adoption, le 30 avril, en conseil des ministres, du projet de loi de Nicolas Sarkozy sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France . Un volet plus répressif destiné à « combler les failles créées par la loi Chevènement du 11 mai 1998 dans le dispositif de contrôle des flux migratoires » et qui soulève déjà l'inquiétude du Groupe d'information et de soutien des immigrés (voir ce numéro). Le ministre de l'Intérieur aura toutefois profité de ce texte pour lâcher du lest sur un point : la double peine.
Première « faille » identifiée : les attestations d'accueil validées en mairie et qui ne sont, selon le ministre, « jamais vérifiées ». Ces justificatifs d'hébergement, qui permettent aux étrangers qui viennent en visite pour un séjour de moins de trois mois sur le territoire français de se voir délivrer un visa de court séjour, pourraient devenir plus difficiles à obtenir. Le projet de loi prévoit en effet la possibilité pour les maires de refuser de valider l'attestation s'ils soupçonnent une fraude. Le cas échéant, l'Office des migrations internationales pourrait contrôler le logement de l'hébergeant pour vérifier si les conditions d'accueil sont réunies. En cas de refus de visite, l'attestation d'accueil ne serait pas validée.
Le projet entend, par ailleurs, créer un fichier des empreintes digitales des demandeurs de visas de tourisme :les consulats relèveraient les empreintes digitales des étrangers non communautaires qui sollicitent un visa d'entrée en France ou dans l'Espace Schengen. Les empreintes des étrangers sans papiers contrôlés à la frontière seraient également relevées.
Le ministre a, encore, voulu durcir les conditions d'obtention de titres de séjour. La durée de présence obligatoire pour prétendre à une carte de résident serait ainsi portée de trois à cinq ans. Cette même carte serait, en outre, subordonnée à « l'intégration satisfaisante de l'étranger dans la société française » . Une condition qui serait appréciée sur la base d'un faisceau d'indices, notamment la scolarisation, l'apprentissage de la langue, le suivi d'une formation professionnelle, la participation à la vie associative ou encore le suivi du contrat d'accueil et d'intégration.
Nicolas Sarkozy a souhaité, par ailleurs, encadrer davantage le regroupement familial. Ainsi, un étranger qui arrive en France dans le cadre du rapprochement familial ne bénéficierait plus de plein droit d'une carte de résident. Les « membres regroupés de la famille » recevraient désormais une carte de séjour temporaire et ne pourraient prétendre à une carte de résident qu'au bout de cinq ans et sous condition d'intégration.
Dans le collimateur du ministre également : les « mariages blancs » . Le projet de loi prévoit tout d'abord que la durée de vie commune nécessaire à l'époux du conjoint français pour obtenir la carte de résident serait désormais de deux ans, et non plus de un an. Autre mesure : en cas de mariage mixte célébré à l'étranger, la présence des deux époux serait requise pour les formalités en France, permettant ainsi aux autorités consulaires de « déceler d'éventuels indices d'un mariage forcé ». Et en cas de mariage célébré en France, le projet de loi prévoit que l'officier d'état civil devra vérifier la situation administrative de l'étranger. Si celui-ci n'est pas en règle, le préfet sera informé de cette situation et le maire pourra saisir le procureur de la République aux fins d'enquête sur les intentions réelles des futurs époux. Il pourrait être sursis à la célébration du mariage pendant une durée de 75 jours et, dans ce délai, le procureur pourrait y faire opposition. Le texte institue enfin un délit d'organisation ou de participation à un mariage de complaisance, sanctionné au maximum de cinq ans de prison et 30 000 € d'amende. Sur un autre terrain, le ministre entend endiguer ce qu'il nomme les « reconnaissances en paternité de complaisance » . Les pères étrangers d'enfants français devraient ainsi, pour obtenir une carte de résident, prouver à la fois qu'ils exercent, même partiellement, l'autorité parentale et qu'ils subviennent effectivement aux besoins de l'enfant.
Au cœur du projet de loi également : la réforme de la rétention, préalable à l'exécution forcée des mesures d'éloignement. La durée maximale de rétention varierait désormais de 26 à 32 jours (contre 12 aujourd'hui) : 48 heures, auxquelles s'ajouteraient 15 jours autorisés par le juge des libertés et de la détention, renouvelables une fois si l'étranger fait obstacle à son éloignement. Une « commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention » serait par ailleurs créée. Composée de hauts magistrats, de représentants d'association et de l'administration, elle serait chargée de veiller au respect des droits des étrangers retenus et aux conditions de leur hébergement.
Petite victoire pour les associations, le texte s'attaque au problème de la « double peine » , en instituant quatre catégories bénéficiaires d'une protection quasi absolue contre l'expulsion et l'interdiction du territoire français :les étrangers nés en France ou arrivés avant l'âge de 13 ans ; ceux résidant régulièrement en France depuis 20 ans ; ceux résidant régulièrement en France depuis 10 ans et mariés depuis 3 ans à un ressortissant français ou à un ressortissant étranger qui a lui-même passé toute son enfance en France ; ceux résidant régulièrement en France depuis 10 ans et parents d'enfants français. Trois exceptions sont prévues : le terrorisme, les atteintes aux intérêts fondamentaux de l'Etat et la provocation à la haine raciale. Dans le même esprit, l'interdiction d'obtenir la nationalité française, qui frappait jusqu'alors les étrangers condamnés à une peine de prison de six mois ferme, quel que soit le délit commis, serait allégée pour ceux qui ont des « liens très importants » avec la France.
Autre mesure : le délai accordé au juge administratif pour statuer sur un recours en excès de pouvoir contre un arrêté de reconduite à la frontière passerait de 48 à 72 heures. Le texte transpose par ailleurs la directive européenne du 28 mai 2001, qui instaure une reconnaissance mutuelle des mesures d'éloignement. Conséquence : un étranger expulsé d'un Etat membre ne pourrait plus tenter sa chance dans un autre pays de l'UE.
Diverses dispositions sont enfin prévues pour « améliorer » le fonctionnement des zones d'attente. Exemple d' « amélioration » proposée : l'installation d'annexes des tribunaux dans l'enceinte des zones d'attente ou encore la possibilité d'utiliser des moyens de vidéotransmission.
Les parlementaires devraient commencer à plancher sur le projet de loi en juin.
(1) Voir ASH n° 2307 du 18-04-03.
(2) Voir ASH n° 2307 du 18-04-03.