La même semaine où François Fillon et Jean-Paul Delevoye présentaient aux organisations syndicales et patronales leurs propositions concrètes de réforme des retraites , la Cour des comptes appelait, dans un rapport rendu public le 17 avril (1), à une profonde modernisation du régime des retraites des fonctionnaires civils de l'Etat. Et regrettait, par la voix de son Premier président, que le gouvernement n'ait pas pris en compte l'intégralité de ses recommandations, alors qu'il « les connaissait depuis le mois de janvier ».
La Cour des comptes met en lumière, « d errière l'uniformité des règles générales », l'existence de nombreux facteurs « à l'origine de disparités en termes de niveau de pension et de rapport entre celle-ci et la dernière rémunération servie, voire conduisant à l'existence, au sein du code des pensions, de quasi-régimes particuliers applicables à certaines catégories de fonctionnaires ». Aussi, prône-t-elle « u n profond réexamen de certaines [...] r è gles » telles que, notamment, la possibilité offerte, depuis l'entre-deux- guerres, aux mères de famille d'au moins trois enfants de partir à la retraite sans condition d'âge, et « dont la justification s'est étiolée au fil du temps ». Autre règle jugée anachronique et que la cour souhaite voir supprimée : le « versement d'indemnités substantielles s'ajoutant aux pensions pour les fonctionnaires ayant choisi de résider dans certains départements ou territoire d'outre-mer ».
Le classement de certains emplois en services actifs, qui ouvrent droit à la retraite dès 50 ou 55 ans (contre 60 ans en principe), et dont bénéficient, par exemple, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, n'échappe pas non plus à la critique : « attribué en bloc à des catégories d'emploi sans prise en compte de la réalité des fon c tions exercées », ce classement ne fait l'objet « d'aucun réexamen systématique fondé sur des données obje c tives et actualisées relative à la pénibilité », déplorent les hauts magistrats. Ils fustigent également les dérogations accordées au fil du temps et autorisant, pour certains corps seulement, l'intégration d'indemnités dans le calcul de la pension de retraite.
Enfin, s'agissant de la bonification pour enfants, jugée non conforme au droit européen en ce qu'elle ne concerne que les femmes (2), la cour estime que, compte tenu des problèmes financiers auxquels est confronté le régime, « l es seules solutions envisageables consistent soit à en contenir le coût en l'accordant à l'ensemble des fonctionnaires mais sur la base d'un avantage réduit de moitié par rapport à sa valeur actuelle, soit à mettre en œuvre un nouveau dispositif destiné à compenser pour les fonctionnaires concernés - hommes ou femmes, les seules interruptions effectives de carrière liées à l'éducation des e n fants ».
La Cour des comptes trouve également nécessaire de réformer « en profondeur » les articles L. 15 et L. 16 du code des pensions qui, par « une interprétation extensive », permettent de « f aire bénéf i cier les pensionnés de certaines réformes statutaires et, de manière systématique, des revalorisations indiciaires catégorielles conse n ties aux fonctionnaires en activité ». Et sont, de ce fait, à l'origine non seulement de « différences de traitement entre agents difficilement justifiables », mais aussi « de dépenses significatives ».
Enfin, prenant en compte les perspectives de financement à long terme du régime et l'écart actuel entre les cotisations des fonctionnaires et celles du secteur privé (7,85 % contre 10,35 %), la cour recommande, en particulier, de relever le taux de la retenue pour pension à la charge des agents de la fonction publique de l'Etat.
(1) Les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat - Rapport public particulier - Avril 2003 - Les éditions des journaux officiels - La Documentation française : 26, rue Desaix - 75727 Paris cedex 15 - 11,20 €.
(2) Voir ASH n° 2273 du 23-08-02.