Les sévices sexuels contre des enfants ne constituent pas « un phénomène plus courant en France que dans d'autres pays européens. On constate toutefois que de nombreuses personnes ayant une responsabilité dans la protection des droits de l'enfant, en particulier dans le système judiciaire, continuent de nier l'existence et l'ampleur de ce phénomène », observe Juan Miguel Petit, rapporteur spécial de la Commission des droits de l'Homme de l'ONU sur le problème de « la vente et la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants », qui a effectué une visite en France en novembre 2002 (1). Dans sa note préliminaire -préfigurant son rapport intégral qui devrait être publié au cours de l'été 2003 et présenté à la Commission des droits de l'Homme en 2004 -, ce juriste uruguayen précise que « les personnes qui soupçonnent et signalent des cas de sévices à enfant peuvent se voir accuser de mentir ou de manipuler les enfants concernés et risquent des poursuites ou des sanctions administratives pour diffamation si leurs allégations n'aboutissent pas à des poursuites suivies de la condamnation de l'auteur présumé des sévices ». C'est le cas notamment des médecins dont « rien n'indique [qu'ils] bénéficient de l'aide et du soutien du Conseil de l'ordre ». Lequel « doit de toute urgence revoir ses procédures ».
D'une façon générale, Juan Miguel Petit ne croit pas au développement massif des fausses allégations de sévices sexuels contre des enfants dans le cadre de séparations de couples. S'il estime « possible » que ce soit parfois le cas, « après avoir examiné les preuves concernant les affaires portées à son attention, [il] a pu conclure que ces allégations étaient sérieuses et fondées et que la suite qui leur avait été donnée ne correspondait pas à l'intérêt supérieur de l'enfant ». Fort de ce constat, il recommande donc, « étant donné le nombre de cas laissant apparaître un grave déni de justice pour les enfants victimes de sévices sexuels et les personnes qui tentent de les protéger », qu'un organe indépendant « mène de toute urgence une enquête sur la situation actuelle ». De préférence la Commission nationale consultative des droits de l'Homme. Les services de la défenseure des enfants, en outre, devraient « être dotés de moyens humains et matériels suffisants, qui leur permettront de recevoir des plaintes et de mener des enquêtes lorsqu'il y a des signes d'un déni de justice concernant les droits de l'enfant ».
Par ailleurs, il regrette une application défaillante, en France, de l'article 12 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui affirme notamment « la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant ». Or, « bien que les tribunaux civils puissent entendre l'enfant à la discrétion du président du tribunal, [il] n'est quasiment jamais entendu », y compris lorsqu'il s'agit d'attribuer sa garde, déplore le rapporteur de l'ONU.
(1) Au cours de laquelle il a rencontré notamment le ministre délégué à la Famille, des représentants des ministères des Affaires étrangères, de la Justice et des Affaires sociales, la défenseure des enfants, des membres d'associations et des universitaires...