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Accompagner des jeunes en difficulté vers les métiers de l'animation

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Les équipes de la protection judiciaire de la jeunesse du centre d'action éducative et d'insertion de Paris font appel aux formateurs des CEMEA Ile-de-France pour développer une action d'insertion à destination de jeunes en grande difficulté. En articulant travail éducatif et parcours pédagogique, elles donnent à ces derniers un marchepied pour accéder aux formations des métiers de l'animation.

« Nous voyons arriver des chrysalides. Nous essayons de les aider à se métamorphoser pour qu'elles puissent voler de leurs propres ailes. » Pour Eliane Dargery, directrice du centre d'action éducative et d'insertion  (CAEI) de Paris (1), l'image du cocon et du papillon résume bien les objectifs de l'action d'insertion menée par la protection judiciaire de la jeunesse  (PJJ) et les centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active (CEMEA) d'Ile-de-France (2).

Une action progressive

 Le CAEI accueille depuis 1994 des jeunes de 16 à 21 ans dans le cadre d'une mesure judiciaire (pour les deux tiers) ou orientés par les missions locales. Il a décidé de s'adjoindre, en 2001, les compétences des CEMEA pour permettre, chaque année, à 12 d'entre eux de suivre, durant 11 mois, une formation pré-qualifiante aux métiers de l'animation. Face à un public éloigné des dispositifs de droit commun du fait de ses difficultés sociales, comportementales et en rupture avec l'institution scolaire, les partenaires ont élaboré une action progressive, combinant éducatif et pédagogique, créatif et normatif, et à l'écoute permanente des capacités et motivations des bénéficiaires. « Nous partageons avec nos partenaires une philosophie qui consiste à considérer les jeunes comme des sujets, explique Eliane Dargery. Nous ne sommes pas là pour retenir ceux qui vont le mieux correspondre à nos objectifs, mais pour faire émerger leur parole et les aider à mettre en œuvre leurs désirs. »

Lorsqu'ils poussent la porte du CAEI, les jeunes sont accueillis par les cinq éducateurs PJJ du pôle Ressources, chargés de faire le point sur leur parcours, d'évaluer leurs connaissances et leurs envies et de les orienter au mieux vers les différentes actions proposées. Référent de plusieurs jeunes, chacun de ces professionnels va également les accompagner tout au long de leur circuit et les suivre lors de leur sortie.

Lorsqu'ils entrent dans le module de préformation aux métiers de l'animation, les jeunes disposent d'une période de un mois avant de s'engager officiellement par contrat. Ils sont alors reconnus comme stagiaires de la formation professionnelle, ce qui constitue un levier important pour les inciter à accepter les contraintes d'un cadre bien défini. « Ils savent, par exemple, qu'ils doivent aller voir le coordinateur lorsqu'ils arrivent en retard et qu'ils peuvent se voir retenir une partie de leur rémunération en cas d'absence », précise Eliane Dargery.

Pour amener progressivement les 12 garçons et filles sur le chemin d'une formation qualifiante, l'action animation se déroule en trois phases. De février à avril, une première étape, dite d' « accueil et de dynamisation », doit permettre aux stagiaires de retrouver une image positive d'eux-mêmes et d'intégrer les règles de vie au sein d'un groupe à travers plusieurs ateliers : « masques peints », « jeux de stratégie et de société », « expression et communication ». « Par le biais d'une activité comme la peinture sur masque par exemple, le jeune peut entamer une réflexion sur l'image qu'il renvoie à autrui et s'ouvrir sur l'extérieur et les autres cultures grâce à un travail sur les différentes traditions et rituels », explique Alain Casanova, responsable de formation aux centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active.

Pour l'équipe d'encadrement, (constituée de professeurs de la PJJ et de formateurs des CEMEA), une telle activité permet d'aborder un premier travail autour de l'articulation entre réalité intérieure et extérieure, et de montrer à son bénéficiaire que ses capacités créatrices, sa singularité ne peuvent s'exprimer sans tenir compte des normes et conventions de la société. « Les jeunes qui arrivent ici ont le sentiment d'appartenir à un groupe social connoté négativement. Une activité comme celle des masques peints a aussi pour objectif de les défaire de ce groupe d'appartenance qui leur colle l'étiquette de cas sociaux ou de délinquants, en leur permettant de s'identifier à un autre groupe », souligne Eliane Dargery.

Les savoirs de bases (mathématiques et français) ainsi que les notions de citoyenneté sont également revus lors de cette première étape au cours de laquelle les stagiaires acquièrent les éléments de socialisation et d'autonomie indispensables pour la deuxième partie du parcours : la « phase pré-qualifiante et découverte de l'animation ».

De mai à juillet, les jeunes vont ainsi commencer à sortir du groupe, tant pour s'informer sur les métiers de l'animation et les possibilités d'orientations qui s'offrent à eux à la sortie, que pour passer les épreuves préparant à des diplômes non professionnels tels que le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) et l'attestation de formation aux premiers secours  (AFPS). Une fois la partie théorique du BAFA obtenue, les jeunes valident la deuxième partie de ce brevet, via un stage pratique de un mois en centre de loisirs ou de vacances.

Enfin, dès septembre, ils entament la  « phase de perfectionnement », destinée à leur faire acquérir les principales techniques d'animation à travers divers ateliers (arts plastiques, jeu dramatique, découverte et techniques scientifiques, musique, jeux de société, multimédia, etc.). Lors de cette étape, ils suivent cinq jours de stage pour finaliser leur BAFA. A l'issue de ces 11 mois passés au sein du centre d'action éducative et d'insertion, les jeunes sont normalement prêts pour s'orienter vers une formation qualifiante comme le brevet d'aptitude professionnelle d'assistant animateur technicien de la Jeunesse et des Sports (BAPAAT). « Dans cette action de préformation aux métiers de l'animation, nous recevons des jeunes qui sont persuadés, à force de l'entendre depuis la classe de sixième, qu'ils sont bons à rien. Nous cherchons donc avec eux quels savoirs ils peuvent développer et transmettre. Nous voulons leur prouver qu'ils sont eux aussi capables d'apporter quelque chose aux autres », précise Alain Casanova.

Grâce à cet accompagnement très graduel, cinq jeunes sur sept ont obtenu leur BAPAAT lors de la première année ; seuls cinq d'entre eux ont abandonné au cours des deux sessions organisées jusqu'à présent. Par ailleurs, d'autres ont été réorientés vers des formations différentes pour tenir compte de l'évolution de leur situation. « Chaque professionnel doit s'adapter à la situation singulière des jeunes. Il y a un cadre général, commun à tout le monde, mais nous sommes amenés à faire des dérogations en fonction des changements qui peuvent intervenir pour certains », note la directrice du CAEI. Pour ce faire, des réunions pédagogiques hebdomadaires permettent aux formateurs et au coordinateur d'évaluer la progression de chaque jeune, tandis que des points réguliers sont organisés avec le pôle Ressources pour repérer les difficultés (logement, santé, etc.) qui pourraient freiner la démarche d'insertion de tel ou tel stagiaire. L'équipe a ainsi dû orienter une jeune fille qui venait d'accoucher vers un autre module du CAEI lui permettant d'accéder plus rapidement à un emploi et de régler en priorité ses problèmes d'hébergement ou de crèche. Une autre jeune stagiaire désirant passer son BEPC et travailler dans le secteur de la petite enfance a été dirigée vers un cycle d'insertion professionnelle par alternance  (CIPPA) et n'a finalement préparé que son BAFA au sein du CAEI.

Pierre angulaire de l'action d'insertion menée conjointement par la protection judiciaire de la jeunesse et les CEMEA, cette souplesse se traduit également par des réajustements réalisés d'une année sur l'autre dans les contenus éducatifs ou pédagogiques.

Confrontés en 2002 à des conduites addictives perturbant le parcours de nombreux stagiaires, les partenaires ont décidé ainsi de s'ouvrir à une approche autour de la santé. Entretiens avec le psychologue du pôle Ressources, actions d'information et de prévention ou encore opérations de sensibilisation à l'hygiène alimentaire par le biais de petits déjeuners sont désormais organisés. « C'est une action recherche permanente. Nous remanions nos méthodes, notre cadre d'une année sur l'autre en fonction de ce que les jeunes nous apprennent. Cette flexibilité est possible dans la mesure où les domaines d'intervention des deux partenaires sont respectés. Je suis une spécialiste de l'éducation, non de l'insertion et je laisse toute latitude aux formateurs des CEMEA pour conduire leur pédagogie », assure Eliane Dargery.

UN CENTRE QUI MULTIPLIE LES PARTENARIATS

Le centre d'action éducative et d'insertion  (CAEI) de Paris peut accueillir entre 120 et 140 jeunes orientés par les centres d'action éducative et les missions locales. Dépendant de la protection judiciaire de la jeunesse, le CAEI a développé ses propres modules d'insertion (masques peints, informatique, français langue étrangère) dirigés par des professeurs techniques et s'est appuyé sur plusieurs partenaires pour accroître son éventail d'actions envers les jeunes en difficulté. Outre la préformation aux métiers de l'animation, ces derniers peuvent être orientés vers des modules tels que « élaboration d'un projet professionnel », « entrée dans le monde du travail », « jeunes errants sans référents parentaux » et « aide à la personne » (en partenariat avec la Croix-Rouge). Leurs parcours est évalué par le pôle ressources en fonction de leur situation et leurs capacités. Toutes ces actions en partenariat (à l'exception de l' « élaboration d'un projet professionnel » ) bénéficient d'un financement du Fonds social européen porté par la Croix-Rouge.

Pluralisme et complémentarité

Reste qu'au-delà de ces savoir-faire spécifiques et de la différence de culture, les équipes ont su faire de l'articulation de leurs compétences un atout pour cette action d'insertion. « C'est vrai qu'il y a encore des résistances et que les représentations erronées que nous avons des uns et des autres peuvent parfois susciter un sentiment de crainte, poursuit Eliane Dargery. Mais, ce qui compte c'est cette multiplicité de regards apportée par ce partenariat. Elle permet de réduire les risques d'erreur, et surtout d'éviter de réduire le jeune à un objet. » Pour Alain Casanova, l'efficacité de l'action tient tout autant à la possibilité d'associer l'éducatif et le pédagogique qu'aux moyens matériels et humains développés au sein du CAEI. « La PJJ nous offre un cadre de travail très intéressant, avec des moyens et du temps pour atteindre nos objectifs. Le fait de pouvoir mener les différentes activités au sein même du CAEI et surtout d'avoir pratiquement un an pour accompagner le jeune vers une formation qualifiante constituent des atouts incontestables par rapport à certains dispositifs de droit commun où les temps de parcours sont souvent très courts, le partenariat plus éclaté et le suivi des jeunes envoyés dans des centres de formation extérieurs, plus difficile à mettre en place. » Des moyens indispensables, estiment les responsables, pour offrir à des jeunes parfois en grande souffrance la possibilité de se reconstruire. Comme pour ce jeune garçon, victime de violences sexuelles et complètement introverti lors de son arrivé au CAEI début 2002. « Depuis le mois de décembre, il commence à sourire, à dire qu'il a envie d'aller travailler, rapporte Alain Casanova, même s'il veut encore garder un pied au centre parce que c'est un repère rassurant. »

Henri Cormier

Notes

(1)  CAEI de Paris : 25, rue de la Fontaine-au-Roi - 75011 Paris - Tél. 01 49 23 70 90.

(2)  CEMEA Ile-de-France : 50, rue de la République - 95100 Argenteuil - Tél. 01 30 25 89 20.

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