Le gouvernement accélère le pas sur le dossier de l'immigration. Cinq jours après le comité interministériel à l'intégration (voir ce numéro), et en attendant le projet de loi de Nicolas Sarkozy durcissant les conditions d'entrée et de séjour des immigrés (1), le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, a présenté le 15 avril, en conseil des ministres, un projet de loi opérant une « réforme d'envergure du dispositif d'asile ». Un texte qui inquiète les associations (voir ce numéro) et sur lequel un avis de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme est attendu le 24 avril. Répondant au vœu présidentiel, le projet entend remédier au « cumul des procédures », au « détournement croissant des procédures d'asile au profit de l'immigration irrégulière », mais aussi, et surtout, à « l'allongement excessif des délais de traitement des dossiers ». Des délais que le gouvernement espère ramener à deux mois « d'ici l'année prochaine ».
Il s'agira tout d'abord de simplifier les procédures, en faisant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le guichet unique de traitement de toutes les demandes d'asile. Y compris celles déposées par des victimes de persécutions non étatiques, qui sont actuellement du ressort des préfectures. Contrairement à ce qui avait été envisagé à l'origine, l'organisme resterait sous tutelle des Affaires étrangères. La commission des recours des réfugiés (CRR) deviendrait, quant à elle, la seule voie de recours pour les déboutés du droit d'asile.
Au-delà des modifications touchant aux instances administratives, le projet de loi prévoit d'introduire dans la législation plusieurs innovations majeures, d'inspiration européenne. Et en premier lieu, le remplacement de l'asile territorial par la « protection subsidiaire » , pour les étrangers ne pouvant prétendre au statut de réfugié au titre de la convention de Genève. Son bénéfice serait accordé pour une période de un an. Les critères retenus seraient plus précis que ceux de l'asile territorial : la protection subsidiaire concernerait, en effet, les personnes exposées à un risque grave dans leur pays (peine de mort, tortures, peines ou traitements inhumains ou dégradants). Elle viserait également, dans les situations de conflits armés, les civils sur qui pèserait une menace grave, directe et personnelle. Autre nouveauté : la notion d' « asile interne » , qui permettrait à l'OFPRA de rejeter la demande d'une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine. A condition toutefois, précise le texte, que l'intéressé n'ait « aucune raison de craindre d'y être persécuté ou d'y être exposé à une atteinte grave » et qu'il soit « raisonnable d'estimer qu' [il] peut rester dans cette partie du pays ».
La réforme introduit enfin, dans la même logique, le concept de « pays d'origine sûr » comme motif de rejet d'une demande. Le soin d'établir la liste de ces pays est laissé aux instances européennes. Mais le projet de loi propose d'ores et déjà une définition : serait considéré comme tel le pays qui « respecte les principes de la liberté, de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ». Leurs ressortissants verraient leur demande tout de même examinée, mais dans des délais plus rapides, dans le cadre d'une « procédure prioritaire ».
En contrepartie de l'accélération des délais de traitement des dossiers, les budgets de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la commission des recours des réfugiés ont été accrus en 2003 (2) et des moyens nouveaux seront, « le cas échéant », « proposés à l'approbation du Parlement à l'automne prochain », promet le gouvernement.
Les députés devraient plancher sur la réforme du droit d'asile à partir du mois de juin.
(1) Dont la présentation en conseil des ministres est attendue pour le 30 avril.
(2) Voir ASH n° 2279 du 4-10-02.