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« Française, musulmane et moderne... »

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Seule femme à siéger- sur proposition de Nicolas Sarkozy et en tant que personnalité indépendante - au bureau du Conseil français du culte musulman, l'instance représentative des musulmans de France dont la plupart des membres ont été élus les 6 et 13 avril, Dounia Bouzar a été éducatrice pendant 15 ans, dont 10 à la protection judiciaire de la jeunesse  (PJJ).

Pour l'état civil, elle est Dominique Amina Bouzar. Un double prénom, reflet d'une origine métissée. Mère française (corse), père italo-algéro- marocain. Un jour, un jeune qu'elle suivait en tant qu'éducatrice lui a suggéré de réconcilier ces prénoms sur lesquels ses parents ne s'étaient pas mis d'accord. Il lui a proposé « Dounia ». En arabe : « la vie », « le monde »... A présent, c'est tout simplement la France et l'islam que Dounia Bouzar, 39 ans, souhaite réconcilier, par son travail, par ses écrits (1), par son rôle au sein du Conseil français du culte musulman...

Son enfance et son adolescence, pourtant, ne l'y prédisposaient pas : « J'ai grandi dans un milieu aisé, universitaire, de culture française, sans aucune référence religieuse. » Son entrée dans le métier d'éducateur -  « par vocation », précise- t-elle, ne supportant pas l'idée que l'on puisse « passer le concours de la PJJ en même temps que celui des impôts »  - change la donne. Ses collègues la voient comme une personne ressources pour les aider à comprendre ces adolescents en difficulté issus de l'immigration, avec lesquels elle n'a rien en commun. Quant à ces jeunes, « eux aussi me fantasmaient comme une beurette qui a réussi à s'en sortir ». « Il devenait professionnellement indispensable pour moi de m'intéresser à la culture arabe, à l'islam... ». Depuis, Dounia Bouzar s'est convertie - il y a 12 ans. Et elle s'est passionnée, forcément, pour la construction identitaire, l'assignation des places, les conséquences du regard que l'on porte sur les gens...

Ces questions sont au cœur de la mission qu'elle mène pour le compte du Centre national de formation et d'études de la PJJ sur le thème « islam et travail social », depuis 2001 et pour trois ans. Elle vise à promouvoir, au sein de l'institution PJJ, les valeurs communes entre islam et Occident, à harmoniser les discours des professionnels relatifs à cette religion et, à terme, à constituer un réseau ressources pour les travailleurs sociaux désemparés lorsqu'un jeune met en avant sa foi musulmane. Cette mission lui a été proposée par son administration à la suite de la publication de L'islam des banlieues. Ouvrage dans lequel elle s'interrogeait sur les raisons qui poussent certains jeunes en grande difficulté à accorder aux prédicateurs musulmans le crédit qu'ils ont retiré aux travailleurs sociaux et plaidait pour que ces derniers ne diabolisent pas la relation à l'islam (2).

De fait, ils n'échappent pas, regrette- t-elle, aux graves malentendus qui troublent les relations entre l'islam et la société française. « En France, dans l'inconscient collectif, il faut se dégager de toute référence religieuse pour accéder à la modernité. Alors que dans l'inconscient musulman, c'est le contraire : pour être un bon musulman, il faut s'instruire le plus possible. » Autre malentendu : « La visibilité musulmane est toujours perçue comme un refus de l'intégration et de la République. Or,  pour certains jeunes, revendiquer toutes les références qui les fondent est précisément un signe d'intégration : ils sont chez eux en France et savent que l'individu peut s'y épanouir. » Sans compter que pour certaines jeunes filles, le retour à l'islam est « une façon de remettre en question la tradition familiale, de dire “je”, et de ne pas laisser le clan décider à leur place ». Ce qui n'est pas souvent compris ainsi. D'où l'importance que Dounia Bouzar attache à la « définition de valeurs communes, sans que soit imposé un modèle unique pour y accéder ».

Un message qu'elle essaiera de faire passer au sein du Conseil français du culte musulman. Car elle rejette toute notion de « modèle unique », qu'il s'agisse d'être français ou d'être musulman (e). Saura-t-elle se faire entendre dans cette instance ? Les débats promettent d'être houleux. « Les Arabes aiment bien, dans leurs discours, faire 50 000 détours. Or, je prends toujours le plus court chemin. Il risque de se produire un choc culturel... »

Céline Gargoly

Notes

(1)  Ses trois derniers ouvrages parus sont : A la fois française et musulmane, Ed. La Martinière jeunesse, 2002 ; Etre musulman aujourd'hui, Ed. La Martinière, février 2003 ; L'une voilée et l'autre pas, coécrit avec Saïda Kada, Ed. Albin Michel, avril 2003.

(2)  Voir ASH n° 2234 du 26-10-01.

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