Les dénégations ministérielles répétées - la dernière en date, par François Fillon, devant l'Assemblée nationale, le 8 avril (1) - n'ont en rien rassuré les associations qui dépendent des subventions du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild) ni l'intersyndicale CGT- CFDT de cet établissement public. Toutes appelaient à une manifestation (et à une grève pour les personnels) le 10 avril, à l'occasion de la réunion du comité interministériel à l'intégration. Car, selon elles, il manque bien, à ce jour, 74 millions d'euros (sur un total de 185) pour boucler le budget 2003 dudit Fasild (2). Certes, un collectif budgétaire peut, en juin, revenir sur la ponction opérée par le ministère des Affaires sociales. Mais le gouvernement le veut-il ? Le Fasild existera-t-il encore l'an prochain ? Rien n'est moins sûr. Les mesures qui devaient être annoncées officiellement le 10 avril sur la réorganisation de l'accueil des immigrants et la réorientation d'une grande part des financements vers la formation linguistique de base des nouveaux arrivants font croire à l'intersyndicale que l'on assiste à un « démantèlement prémédité » du Fasild.
6 000 associations ont bénéficié en 2002 des subventions du fonds et sont les premières touchées par le gel des crédits d'intervention diminués, à ce jour, de 65 %. Le Collectif des associations agissant dans le champ de l'immigra-tion (3) se mobilise, rejoint par les associations d'éducation populaire comme la Ligue de l'enseignement, ou encore par la Fédération des centres sociaux et socio- culturels de France. Leurs activités et des milliers d'emplois se trouvent directement menacés. « C'est la mort assurée pour six associations sur dix », assurent-ils, et la fin de beaucoup d'actions qui, bien au-delà de la formation linguistique, tissent du lien social dans les quartiers difficiles. « Où de telles décisions risquent de mettre le feu », prévient Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP.
« Comme la réduction ou la réorientation des crédits pour la politique de la ville, cela participe d'un choix clair. Il n'y a pas d'économies sur les budgets de la police ni de la justice », commente Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH). « C'est tout une nouvelle politique, élitiste, de l'immigration qui se met en place, ajoute Mouloud Aounit. On va former des primo-arrivants dociles, sélectionnés selon les besoins à court terme de l'économie et les souhaits du Medef, en sacrifiant le “stock” des étrangers déjà sur place. » « ... Et tous ces jeunes chômeurs de la 2 e ou 3 e génération décidément trop imprégnés d'idées “droits-de-l'hommistes” », ironise Hubert Prévot, qui, comme le MRAP ou la LDH, insiste sur la « très grande cohérence » de la politique gouvernementale, même annoncée « par tronçons ». Selon le président de la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), au-delà du Fasild, c'est bien l'ensemble du mouvement associatif qui se sent menacé, avec le désengagement du budget de l'Etat dans de nombreux secteurs, les gels de crédits gouvernementaux se portant partout, en priorité, sur les interventions extérieures. Même dans le cas d'engagements pluriannuels antérieurs. « Les associations n'intéressent le gouvernement que si elles jouent les courroies de transmission de ses politiques », juge Michel Tubiana, très inquiet de l'effet d'un « double discours permanent » sur le fonctionnement de la démocratie. M.-J. M.
(1) Voir aussi ASH n° 2305 du 4-04-03 et n° 2304 du 28-03-03.
(2) Le Fasild émarge sur la ligne 46-81 du budget de l'Etat consacrée à la santé et à la solidarité (d'un total de 1,4 milliard). Bercy l'a amputée de 12,5 % et le ministère des Affaires sociales a fait des choix : il a réduit de 50 % la subvention de 170 millions du Fasild. Même s'il a, depuis (par courrier en date du 27 mars), retrouvé 11 millions à lui affecter, le solde n'a rien d'assuré. Entretemps, les crédits auraient été consacrés au financement des CADA et à des mesures du plan Versini.
(3) Qui regroupe désormais 80 associations. C/o ATF : 130, rue du Faubourg-Poissonnière - 75010 Paris - Tél. 01 45 96 04 06.