Il fallait s'y attendre. Dans la mesure où le plan présenté le 25 mars par Dominique Versini (voir ce numéro) n'est guère différent de son pré-projet de décembre, les réactions associatives sont dominées par le même sentiment qu'alors : la déception (1). Renforcée encore par le fait qu' « aucun des thèmes dont Alerte avait demandé l'introduction - demandeurs d'asile, prostitution, insertion par l'activité économique pour n'en citer que quelques-uns - n'a été pris en compte, aucune des lacunes sectorielles n'a été comblée », souligne Jean-Paul Péneau, directeur général de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) (2).
Il conteste, au passage, que le Conseil national de lutte contre l'exclusion (CNLE) ait, comme l'affirme Dominique Versini (voir ce numéro), rendu un avis clairement favorable sur ce plan. « Le CNLE s'est gardé de le qualifier positivement ou négativement. Il a apprécié d'être consulté, mais a rendu 10 ou 15 pages de propositions visant à remédier aux carences du projet » (3).
« Ce plan est un peu décevant car il n'est pas de grande envergure mais est composé de nombreuses petites mesures », estime de son côté Bruno Grouès, conseiller technique à l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) (4). Cette organisation, il est vrai, reconnaît l'existence de dispositions « intéressantes », telles celles relatives à l'accès aux droits, à la campagne de communication - atten- due depuis 1998 -, à l'opposabilité du droit au logement... « La critique portant sur l'absence d'un volet “emploi” tombe après les annonces de François Fillon le 18 mars, ajoute Bruno Grouès. Même s'il aurait été plus heureux qu'il n'y ait pas de césure entre les mesures pour l'emploi et celles contre l'exclusion... »
Cependant l'Uniopss relève notamment l'absence d'objectifs chiffrés en matière de création de logements so- ciaux : « Il en manque aujourd'hui un million. Tant qu'on ne sortira pas de cette situation, on ne sortira pas de l'exclusion. »
Quant au financement du program- me, il laisse les associations très dubitatives. « Un milliard d'euros, c'est deux fois plus que le plan cancer que vient de présenter Jacques Chirac [voir ce numéro, page 8], qui a fait de ce sujet l'une des priorités de son quinquennat. L'effort n'est donc pas négligeable et montre que le gouvernement prend la lutte contre l'exclusion au sérieux », constate Bruno Grouès. Soulignant aussitôt l'impossibilité de se prononcer sur les montants globaux qui ont été rendus publics : « Nous demandons des chiffres détaillés, mesure par mesure, ainsi que des précisions sur la part des crédits déjà votés et de ceux qui sont effectivement nouveaux ». « Les chiffres ne sont pas interprétables, renchérit Jean-Paul Péneau. Par exemple, de quoi parle-t-on quand on prévoit 700 millions d'euros pour l'hébergement et le logement ? D'investissement ? De fonctionnement ? »
Le directeur général de la FNARS relève également qu'en l'absence de débat parlementaire et de loi de programmation budgétaire, ce plan ne fait l'objet d'aucun engagement formel du gouvernement, qui aura tout loisir de revenir dessus. Le contexte actuel de gels budgétaires et d'annulations de crédits n'incite pas, il est vrai, les associations à l'optimisme : « 20 % des crédits de l'urgence sont gelés, il y a une incertitude sur ceux finançant les centres d'accueil pour demandeurs d'asile... Quant aux subventions destinées aux têtes de réseaux dans le secteur de l'exclusion, elles sont totalement gelées, selon les informations qui nous sont transmises oralement », s'alarme Jean-Paul Péneau.
C. G.
(1) Voir ASH n° 2295 du 24-01-03.
(2) FNARS : 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. 01 48 01 82 00.
(3) Voir ASH n° 2296 du 31-01-03 et n° 2301 du 7-03-03.
(4) Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.