Une revendication ancienne des associations habilitées à intervenir dans les zones d'attente est en passe d'être satisfaite. Nicolas Sarkozy a annoncé le 11 mars à l'Assemblée nationale qu'il leur proposerait le 14 mars, lors d'une rencontre avec l'Association nationale d'as- sistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) (1), une présence permanente dans ces lieux. A condition qu'elles s'en tiennent à un « soutien humanitaire et social et pas à des conseils juridiques pour détourner les lois de la République ».
Difficile de ne pas voir dans ce geste l'effet, à la fois, des rapports sur l'accueil réservé aux étrangers dans la zone d'attente de l'aéroport de Roissy et les témoignages de violences policières rendus publics par l'ANAFE le 6 mars et des réactions de protestations contre l'expulsion par « charter », le 3 mars, de 54 Sénégalais et Ivoiriens (2). Déjà, le soir de la présentation des rapports, le locataire de la place Beauvau s'était rendu dans la zone d'attente de Roissy, annonçant qu'il avait demandé qu'un médecin et une infirmière y soient présents jour et nuit. Une permanence médicale maintes fois réclamée par l'ANAFE, sans succès malgré les « promesses plusieurs fois renouvelées lors de rencontres au ministère de l'Intérieur ces dernières années », rappelle-t-elle.
Autre annonce de Nicolas Sarkozy : une place sera réservée à un représentant d'une des associations sur chaque avion, afin qu'elles puissent s'assurer elles- mêmes que les « vols groupés », auxquels il n'a nulle intention de renoncer, « se dérouleront dans des conditions strictement conformes à la législation ». A cette présence, l'ANAFE pose deux préalables. D'une part, l'accès permanent aux zones d'attente pour « garantir la transparence dans le traitement des procédures de non-admission des étrangers sur le territoire », que le ministre semble donc décidé à accorder. D'autre part, « des réponses plus précises sur les allégations de violences » qu'elle a recueillies. Les associations n'ont, sur ce point, obtenu jusqu'à présent de la part de Nicolas Sarkozy qu'une simple dénégation des accusations portées contre les forces de l'ordre. Ce qu'elles ont évidemment mal supporté. « Nous faisons depuis des années un travail sérieux, quotidien, dans la zone d'attente. Il y passe un soir et conteste tout, c'est humiliant et inquiétant », explique Patrick Delouvin, d'Amnesty International et l'un des porte-parole de l'ANAFE. Celle-ci a par ailleurs souligné dans un communiqué que, tout en reconnaissant la difficulté de la tâche de la police aux frontières, « elle ne peut pour autant accepter l'attitude des responsables du ministère de l'Intérieur qui, en niant l'évidence, [...] ne peuvent qu'encourager certains fonctionnaires à poursuivre leurs pratiques inadmissibles ».
Par ailleurs, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho), une organisation non gouvernementale basée à Dakar, a annoncé, le 10 mars, « rechercher les moyens pratiques [...] de porter plainte contre l'Etat français », auprès de la justice hexagonale et/ou de la Cour européenne des droits de l'Homme, pour la manière « inhumaine » dont il a expulsé les immigrés sénégalais et ivoiriens.
(1) Qui regroupe une vingtaine d'organisations parmi lesquelles six des huit habilitées à visiter les zones d'attente.
(2) Voir ASH n° 2301 du 7-03-03.