Concluant à Rouen, le 28 février, les 26es « Assises des libertés locales » tenues depuis octobre 2002 pour débattre d'une nouvelle étape de décentralisation, Jean-Pierre Raffarin a précisé - encore à très gros traits - le contenu de son projet. Le Premier ministre distingue, dans l'organisation de la « France décentralisée », « deux couples ». Celui de l'Etat et de la région, « échelons de la cohérence », « en charge de la stratégie ». Celui du département et des communes, « échelons de la proximité », « en charge de la gestion des services publics ». Plus concrètement, le chef du gouvernement a annoncé les transferts de pouvoir qu'il envisage de l'échelon national vers les autres collectivités.
En matière d'action sociale, le Premier ministre a confirmé la vocation des départements à « gérer les politiques de solidarité ». A charge de ces « chefs de file » d'être, eux aussi, « décentralisateurs, c'est-à-dire capables de déléguer » aux grandes agglomérations et aux intercommunalités. Pour sa part, l'Etat, a complété le Premier ministre, « doit définir les normes, évaluer l'action des collectivités et rester en charge des populations fragiles qui vivent en marge des territoires » comme les étrangers, les sans domicile fixe et les gens du voyage.
L'insertion sera de la « responsabilité pleine et entière » du département. Il gérera les fonds d'aide aux jeunes et les divers fonds de solidarité pour le logement. Surtout, il sera désormais « le vrai pilote du RMI », seul à « décider l'admission, veiller aux conditions de versement de l'allocation, assurer l'insertion ». Les caisses d'allocations familiales (CAF) continueront de calculer et de verser l'allocation, dont le montant et les conditions d'attribution resteront, « bien sûr », fixés au plan national. Mais « parce qu'il faut sortir de la logique d'assistance », le gouvernement continue de réfléchir à la création d'un revenu minimal d'activité (RMA) qui « pourra compléter le RMI ». Sans nouvelle précision pour le moment.
Les personnes âgées seront entièrement de la compétence des départements. Sans autre précision, là encore.
En matière de handicap, « selon que vous êtes majeur ou mineur, que vous travaillez ou non, [...] que vous cherchez un auxiliaire de vie ou un hébergement », vous devez vous adresser à différents interlocuteurs : Etat, département, assurance maladie, Cotorep... « La logique voudrait que, par délégation de l'Etat, l'ensemble de ces actions soit coordonné par le département », qui pourrait gérer les auxiliaires de vie, les ateliers protégés et les centres d'aide par le travail. D'autres points doivent encore être « étudiés », comme ceux du financement et de l'évaluation. « La concertation avec les associations et les élus doit se poursuivre », notamment dans le cadre de la révision de la loi de 1975, qui « cheminera en parallèle » avec la décentra-lisation.
Pour la protection de l'enfance en danger, le Premier ministre a demandé au ministre de la Justice, Dominique Perben, « d'organiser des expérimentations pour rapprocher l'action de la protection judiciaire de la jeunesse [PJJ] et celle des départements ».
La médecine scolaire et les assistantes sociales en milieu scolaire seront aussi transférées au département, déjà compétent en matière de protection maternelle et infantile. Par contre, les infirmières scolaires, « qui assurent l'éducation à la santé et sont intégrées au projet pédagogique des établissements », restent dans le giron de l'Education nationale.
Le réseau des missions locales, des permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), des centres d'information et d'orientation (CIO), des conseillers psychologues sera réorganisé et placé sous la responsabilité des régions.
La formation des travailleurs sociaux fera partie (avec celle des personnels paramédicaux notamment) des domaines dans lesquels les régions « pourront s'investir dans des formations spécifiques ».
« A la différence de ce qui s'est fait avec l'allocation personnalisée d'autonomie, nous ne décentralisons pas des déficits ni des charges galopantes », assure le Premier ministre. Les transferts de compétence seront « financés loyalement », non par des dotations mais par des transferts de fiscalité. Une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers sera attribuée aux départements et aux régions dès 2004. A terme, les régions devraient pouvoir moduler le taux de cette taxe. Quant au système de péréquation vis-à-vis des territoires les moins favorisés, il sera amélioré, pour le rendre « plus efficace et plus lisible ». Une fois de plus, sans autre précision. La pression fiscale ne devrait pas augmenter du fait d'une décentralisation qui « rationalise » et « simplifie », professe Jean-Pierre Raffarin. Elle devrait même baisser ! Un « observatoire pluraliste, ouvert aux élus locaux et aux forces vives » sera chargé de veiller « au respect de cet engagement ».
Au total, plus de dix milliards d'euros de crédits d'intervention sont en jeu, soit l'équivalent du budget actuel des régions. Au final, 150 000 fonctionnaires de l'Etat devraient rejoindre la fonction publique territoriale, estime le Premier ministre.
Est-ce parce que la grande annonce du Premier ministre confirme, pour l'essentiel, des informations déjà distillées ? que, sur beaucoup de points, elle est encore très floue ? Ou bien est-ce le fait qu'institutions et associations sont partagées entre Girondins et Jacobins ? Beaucoup de parties concernées continuent de s'interroger.
« Ce n'est pas très clair, estime Hubert Allier, directeur général de l'Uniopss. Sauf sur le RMI où les questions semblent tranchées, je ne vois pas encore quels seront exactement les transferts de compétences dans notre secteur. Par exemple, pour les personnes handicapées, la responsabilité du département s'étendra-t-elle aux instituts médico-éducatifs et aux instituts médico-professionnels ? avec les transferts afférents de l'assurance maladie ? » S'interrogeant sur la façon dont le département va gérer ses délégations, il espère que ses interlocuteurs (CAF, Mutualité sociale agricole, associations...) seront traités non en exécutants mais en véritables partenaires. « Plus globalement, martèle Hubert Allier, la décentralisation doit impérativement s'accompagner d'une réforme de l'Etat, de ses modes de fonctionnement. On va dans le mur si certaines directions centrales continuent de penser que tout se décide à Paris et si on ne réfléchit pas en même temps aux moyens de rendre la fonction publique territoriale plus attractive. » Le directeur de l'Uniopss s'inquiète aussi de voir le rôle de l'Etat « n'apparaître qu'en creux » dans les propos du Premier ministre. « Alors qu'il devrait affirmer, bien au-delà de ses missions régaliennes, un projet fort, motivant, de solidarité nationale, de cohésion territoriale, de développement durable... »
Familles rurales juge que la décentralisation, en « rapprochant les centres de décision des citoyens », permettra « leur plus grande participation » à la vie locale. Mais la fédération insiste pour que la décentralisation « prenne en compte et réduise les disparités territoriales » par une plus forte péréquation et maintienne l'accès de tous aux services publics.
Daniel Hoeffel, président (UMP) de l'Association des maires de France, attend aussi plus de précisions pour se prononcer définitivement, mais « reste sur sa faim » quant au rôle de la commune, reconnue, notamment en matière d'action sociale, comme possible « sous-traitant » du département et de la région plus que comme « collectivité de plein exercice ».
L'Assemblée des départements de France (ADF) exprime, pour sa part, sa satisfaction de la « reconnaissance » du département - un échelon administratif que beaucoup auraient volontiers condamné. Mais elle veut, elle aussi, une réforme de l'Etat « ambitieuse » et s'inquiète surtout des moyens financiers qui seront alloués aux collectivités. Elle demande une avancée concomitante du chantier de la péréquation, de la réforme des dotations de l'Etat et de la fiscalité directe :elle réclame notamment - l'action sociale participant de la solidarité nationale - l'attribution d'une part de la contribution sociale généralisée (CSG), le tout devant faire l'objet « d'une expertise partagée et préalable » aux transferts de compétences. On le voit, l'enthousiasme reste très conditionnel.
Pour sa part, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) - où sont engagés une soixantaine de départements et une cinquantaine d'agglomérations - avait rendu publiques, le 27 février, lors d'une rencontre nationale organisée à Paris, ses propositions pour « clarifier les responsabilités ». Elle concordent largement avec les orientations retenues le lendemain par le Premier ministre. Un point n'était pas tranché : la prise en charge des enfants handicapés, que l'observatoire était plutôt tenté de laisser à l'Etat, la tâche principale revenant à l'Education nationale. Les débats ont laissé apparaître d'autres questions ouvertes. Le président (UDF) du conseil général du Rhône (et président de la commission des affaires sociales de l'ADF), Michel Mercier, s'est prononcé pour la fongibilité des crédits d'allocation et d'insertion du RMI. Ce qui a fait réagir d'autres intervenants comme Christian Proust, son homologue (MRC) du Territoire de Belfort. Michel Mercier a aussi demandé au passage que les CAF continuent d'offrir aux départements, pour le versement de l'allocation, « le même service qu'elles rendaient à l'Etat pour le même prix ». Beaucoup de questions de frontières entre les collectivités et les organismes de sécurité sociale, notamment l'assurance maladie, restent aussi en suspens.
La région sera chef de file pour les interventions économiques et la gestion des aides aux petites et moyennes entreprises. Elle aura la pleine responsabilité de la formation professionnelle, de l'information sur la formation et de l'orientation. Elle arrêtera, de concert avec le recteur, la carte des formations professionnalisantes jusqu'au niveau bac + 3. Elle sera partie prenante dans la définition de la politique d'offre de soins, dans le schéma régional d'organisation sanitaire et aura sa place au sein des agences régionales de l'hospitalisation. Elle pourra définir des programmes de santé publique spécifiques et participer au financement de l'investissement hospitalier.
Le département voit ses attributions élargies en matière d'action sociale (voir ci-contre). Il aura aussi (avec les agglomérations) à individualiser les opérations de construction aidées, la répartition des aides à la pierre étant désormais confiée aux préfets de région.
Les agglomérations pourront recevoir la responsabilité des opérations de construction aidée et du logement étudiant.
L'Etat reprend, par contre, aux départements certaines compétences de santé publique comme les politiques de vaccination et de lutte contre la tuberculose et les maladies sexuellement transmissibles.
Des expérimentations - finalement peu nombreuses -, pour « tester avec pragmatisme des solutions dans des domaines complexes », seront lancées en matière d'éducation (nouveau statut donnant plus d'autonomie à des collèges et lycées), de culture, de santé et de protection de l'enfance (voir ci-contre).
Par contre, quelques points ont semblé faire consensus, y compris avec les membres de l'Etat présents (voir l'interview ci-contre). Tout le monde s'accorde, par exemple, sur la nécessité de faire avancer parallèlement décentralisation et déconcentration, afin que les collectivités aient, sur place, des interlocuteurs dotés de marge de manœuvre et capables d'initiative. Ou bien sur le souhait de ne pas voir la subsidiarité s'arrêter à l'échelon départemental. Même s'il n'y a « pas de réponse unique » à la question du territoire pertinent pour l'action sociale, beaucoup ont plaidé pour la véritable proximité que représente l'agglomération ou l'intercommunalité. Mais c'est aussi un élu décentralisateur, le sénateur (non inscrit) Bernard Seillier (par ailleurs chargé de mission sur le RMA), qui a rappelé les risques de politiques locales dictées par « les égoïsmes » ou « les priorités médiatiques », sachant que les associations n'exercent pas partout un lobbying aussi puissant que celui qu'elles pratiquent au plan national...
Intéressant, aussi, d'avoir le point de vue des représentants de l'Etat sur le terrain… L'Association des directeurs des affaires sanitaires et sociales (Adirass) (1) - c'est-à-dire des DRASS et des DDASS - ne conteste pas la poursuite de la décentralisation, au contraire. Mais elle suggère que l'Etat évolue également. C'est le sens des propositions remises, à la mi-février, aux cabinets des deux ministres de tutelle, François Fillon et Jean-François Mattei. Un texte non encore rendu public, mais dont le président de l'Adirass, Ramiro Pereira, livre les grandes lignes.
Actualités sociales hebdomadaires :Quel bilan tirez-vous de la première phase de décentralisation de l'action sociale et de la répartition actuelle des compétences ?
Ramiro Pereira : Globalement, la décentralisation de l'aide sociale est une réussite aux plans politique et administratif. Au départ, beaucoup craignaient que les disparités ne se creusent entre les départements. Elles subsistent, mais ont plutôt tendance à se réduire. Cependant, l'actuelle répartition des tâches a ses limites, qui tiennent d'abord aux règles adoptées et aux conditions de leur mise en œuvre. La réforme a ignoré les communes et les régions. L'approche par blocs de compétences nous paraît peu opérationnelle. Il y a trop de responsabilités croisées. Nous constatons aussi l'insuffisante évaluation des politiques publiques, une faiblesse de l'encadrement et du contrôle des opérateurs, notamment associatifs, enfin un contrôle de légalité insuffisant. Et cela, souvent faute d'effectifs et parfois de technicité. Mais aussi parce qu'il est parfois difficile pour le représentant de l'Etat d'être à la fois partenaire et contrôleur.
Vous constatez une insuffisante maîtrise des coûts...
- Malgré le principe « qui paye décide » affirmé au départ en matière d'action sociale, beaucoup de décideurs ne sont pas les payeurs. Par exemple, pour l'aide sociale à l'enfance, c'est le juge qui décide souverainement et le département qui exécute. De même pour les Cotorep, dont les décisions sont opposables aux départements. Je citerai aussi les conventions collectives applicables aux personnels des établissements ou de l'aide à domicile, qui font l'objet d'un agrément national...
Les rapports entre l'Etat et les départements n'ont-ils pas évolué dans le temps ?
- Les politiques sociales elles-mêmes ont changé, et d'abord sous la pression des besoins, avec le développement de la précarité, l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile, l'allongement de l'espérance de vie des personnes âgées ou handicapées... L'action sociale des départements a très largement dépassé l'aide sociale qui leur était à l'origine dévolue. Par ailleurs, l'attitude de l'Etat a évolué au fil du temps : il n'est pas resté constamment décentralisateur. On l'a vu quand il a mis en place le revenu minimum d'insertion, le fonds d'aide aux jeunes et leurs dispositifs de cogestion, ou quand il a repris la main par la loi de lutte contre les exclusions. Le message s'est brouillé, les politiques ont perdu de leur lisibilité et le système a encore gagné en complexité. Il n'est que de voir la loi de lutte contre les exclusions qui a dû créer un comité des comités de coordination... L'enchevêtrement général des compétences, qui s'est traduit, comme l'avait déjà souligné le rapport Mauroy, par des « partenariats brouillés », est aussi difficile à vivre pour les services de l'Etat que pour leurs partenaires. A fortiori dans un contexte marqué par l'insuffisance des effectifs.
Que proposez-vous ?
- Les DRASS et les DDASS sont convaincus de la nécessité de rebattre les cartes. Et d'abord de redéfinir le rôle de l'Etat. Il nous semble qu'il devrait éviter de gérer des situations individuelles et de s'engager dans des copilotages, dont on voit bien, à l'expérience, qu'ils sont souvent synonymes de doublons, de complications et de confusion. Pour chaque dossier, il faut définir un chef de file unique et que l'on sache clairement qui fait quoi. Par contre, l'Etat devrait développer ses fonctions d'observation des besoins et de veille. Il doit aussi assumer pleinement ses pouvoirs régaliens d'inspection, de contrôle, d'évaluation externe, y compris sur la portée des politiques locales. Le contrôle de légalité nous semble devoir être rénové. Ne faudrait-il pas surtout vérifier la bonne application du principe d'égalité d'accès aux droits sur l'ensemble du territoire ? Pour cela, nous proposons d'évoluer vers un « contrôle d'effectivité » des politiques mises en œuvre. Dans le champ sanitaire et social, l'Etat devra donc être prudent quand il sera question des transferts de personnels. Il faut préserver la mémoire des services et leur capacité d'expertise.
Le département est-il le bon échelon pour l'action sociale ?
- La décision relève clairement d'un arbitrage politique. Le département était déjà le chef de file de l'action sociale et il semble qu'il sera conforté sur ce point. Mais d'autres réalités locales doivent être prises en compte comme les communautés de communes ou d'agglomération, qui pourraient agir par délégation. Nous sommes convaincus que l'efficacité de la réforme reposera largement sur la capacité du département à travailler avec les collectivités locales. Il devra aussi collaborer avec tous les autres partenaires, par voie de convention ou de contrat. Il reste que si l'essentiel de l'action sociale nous semble aujourd'hui décentralisable, l'Etat doit garder - dans leur intérêt - la charge de populations parfois « indésirées » comme les demandeurs d'asile, les sans-papiers, les gens du voyage ou les personnes sans domicile fixe. Nous souhaitons aussi qu'il conserve la responsabilité des personnes handicapées. Au total, la décentralisation nous semble un phénomène irréversible. L'Etat n'a plus les moyens de tout faire. Il n'en a pas non plus la légitimité. Il doit clarifier ses stratégies et tirer pleinement les conséquences de ses choix, y compris dans l'organisation de ses propres services, administrations centrale et déconcentrées.
Des réactions plus ponctuelles se sont aussi exprimées.
Dans l'Education nationale - qui, avec le départ des personnels techniques, ouvriers et de service, des conseillers d'orientation psychologues, de la médecine scolaire et des assistantes sociales, fournirait le gros des transferts de fonctionnaires -, les syndicats s'opposent à ce qui leur apparaît comme le premier pas « d'un abandon progressif du cadre national de l'éducation », selon l'expression de la FSU . Le Syndicat national des assistants sociaux de l'Education nationale (Snasen- UNSA) aussi bien que le Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUASFP-FSU), « mis devant le fait accompli », découvrent, « par presse interposée », leur transfert au 1er janvier prochain. « Pour quelles missions ? », demande le Snasen. « Rien n'est dit ». Pourtant, défend-il, les travailleurs sociaux jouent « un rôle central dans la lutte contre l'absentéisme, la délinquance, la violence, la maltraitance, les inégalités et l'exclusion » au sein des établissements. Ils apportent en outre « soutien et conseil technique » aux autres personnels des équipes éducatives dont ils sont membres. Pour sa part, le SNUASFP craint la transformation profonde des missions et la « disparition totale ou partielle » des assistantes sociales des établissements. Il redoute, surtout, des politiques très différentes selon les territoires, « avec leur lot d'injustices sociales et de services publics “à la carte”, selon les orientations des élus locaux ». Pour beaucoup, le sort différent fait aux médecins et aux infirmières scolaires ne semble pas non plus prometteur de bon fonctionnement.
Pour la protection de l'enfance, les personnels s'interrogent sur la portée d'un projet à ce jour « complètement flou ». La chancellerie revient-elle à l'idée, évoquée à l'automne dernier, de confier les missions d'assistance éducative et d'investigation actuellement exercées par la protection judiciaire de la jeunesse aux départements ?, demande Claude Beuzelin, secrétaire générale du SNPES-PJJ. Ce « recentrage exclusif sur le pénal », qui serait un « retour à la configuration d'antan », signerait « encore plus l'abandon par l'Etat de ses missions éducatives » au profit de la seule répression des mineurs délinquants, estime-t-elle. Au SPJJ-UNSA, on s'étonne d'une orientation qui serait « contraire aux récentes assurances » de la chancellerie et on refuse « tout démantèlement » de services. Pour sa part, l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) estime n'avoir pas assez d'éléments pour se déterminer, mais constate qu'elle n'est pas associée à la réflexion du ministère et le regrette. Son président, Thierry Baranger, ajoute que « la double compétence, administrative et judiciaire, est une richesse du système français » - d'autant qu'elle concerne souvent successivement les mêmes jeunes - et qu'il lui paraît « fondamental de la préserver ». Du côté des départements, si certains, comme la Moselle, proposent carrément de prendre en charge la PJJ, d'autres sont beaucoup plus réservés. Mais tous souhaitent une amélioration de l'information réciproque et de la coordination et une réflexion commune sur la pré-vention.
Pour les missions locales et PAIO, le Syndicat national du réseau d'accueil et d'insertion des jeunes (Synarij-CFDT), a « l'impression que l'Etat s'apprête à brader un réseau » qui avait « sa cohérence nationale » et qui « ne rentre déjà plus dans ses préoccupations ». Si une « territorialisation plus importante » des politiques publiques le réjouit, « surtout si elle permet une harmonisation du travail des différents acteurs de la lutte contre les exclusions », il lui semble nécessaire que l'Etat continue de s'impliquer dans ce dossier d'intérêt national et évite l'instauration de fortes inégalités entre régions. « Nous n'avons pas d'hostilité à dire qu'il faut repenser l'information et l'orientation, indique pour sa part Jean-Marie Terrien, président de l'Association nationale des directeurs de missions locales et PAIO. Mais comment ? Le Comité de coordination des programmes régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle (CCPR) est chargé de faire des propositions. L'Union nationale des missions locales (UNML) est associée à la réflexion, notre association va l'être aussi. Il est donc trop tôt pour nous prononcer. »
Enfin, pour la formation des travailleurs sociaux, l'annonce d'une possible intervention des régions, « pas nouvelle », semble encore « très imprécise », tant au président de l'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social (Aforts), Christian Chasseriaud, qu'à celui du Groupement national des Instituts régionaux du travail social, Hugues Dublineau. Ce qui est « à l'étude », et que « l'on sent venir », disent-ils, c'est un Etat qui garderait la définition des programmes et le financement des postes d'enseignants mais qui pourrait confier l'infrastructure -bâtiments et agents - aux régions, comme pour les lycées. Cependant, si Christian Chasseriaud « ne perçoit pas une mobilisation sur la question », Hugues Dublineau connaît quand même des conseillers régionaux demandeurs, en Ile-de-France notamment. Sans vouloir « tout centraliser », estime l'Aforts, il faut « éviter l'émiettement » et conserver, pour la formation des travailleurs sociaux comme pour toutes les grandes politiques d'action sociale, un pilotage national.
Marie-Jo Maerel
Pour la suite de la réforme de la décentralisation, le gouvernement annonce le calendrier suivant :
17 mars 2003 : la loi constitutionnelle relative à la décentralisation, adoptée le 11 décembre 2002, est soumise aux deux chambres réunies en Congrès à Versailles ;
Avril : dépôt des quatre projets de lois organiques encadrant le droit à l'expérimentation, les référendums locaux, l'accompagnement financier et l'organisation des collectivités d'outre-mer ;
Durant l'été : dépôt du projet de loi sur les transferts de compétences et les expérimentations. Les débats parlementaires devraient se poursuivre jusqu'à l'automne ;
Automne 2003 : définition des cahiers des charges pour le transfert des moyens humains et financiers. Dépôt des candidatures pour les expérimentations.
1er janvier 2004 : premiers transferts (non précisés) et début des expérimentations.
(1) Adirass : 85, avenue d'Assas - 34967 Montpellier cedex 02 - Tél. 04 67 14 19 02.