Au terme de trois ans de discussions, et plusieurs débats (1), les quinze ministres de la justice et des affaires intérieures sont finalement parvenus, le 27 février, à un accord politique sur la directive relative au droit au regroupement familial.
Le texte consacre un principe : l'étranger en situation régulière disposant d'un titre de validité supérieure ou égale à un an et ayant une perspective fondée d'obtenir un droit de séjour permanent a droit au regroupement familial. L'Etat membre peut imposer une durée minimale de résidence légale d'au maximum deux ans. Ce droit s'étend également au réfugié, sous certaines réserves (condition de liens antérieurs avec la famille...) et assouplissements (notamment en matière de preuve et de condition de résidence).
Le demandeur peut ainsi faire venir son conjoint, ses enfants mineurs (2), y compris les enfants adoptés, ainsi que ceux de son conjoint. Lorsque l'enfant a plus de 12 ans et qu'il arrive indépendamment du reste de sa famille, l'Etat peut le soumettre à un « critère d'intégration ». Afin de prévenir les mariages forcés, un Etat peut également imposer un âge minimal - au maximum 21 ans - à l'épouse (3). Enfin, le regroupement n'est pas permis quand le demandeur a déjà une épouse vivant avec lui sur le territoire d'un Etat membre (polygamie). Interdiction qui peut s'appliquer également aux enfants issus de ce mariage.
A l'inverse, un Etat membre peut décider d'étendre le droit au regroupement :
au partenaire non marié avec lequel le demandeur « a une relation stable et durable dûment prouvée » ou par lequel « il est lié par un partenariat enregistré » - ainsi qu'à ses enfants ;
aux ascendants en ligne directe « lorsqu'ils sont à sa charge et qu'ils sont privés du soutien familial nécessaire dans le pays d'origine » ;
aux enfants majeurs célibataires « lorsqu'ils ne peuvent pas subvenir objectivement à leurs propres besoins en raison de leur état de santé ».
Dans tous les cas, le demandeur pourra être tenu de fournir la preuve qu'il dispose :
d'un logement « considéré comme normal pour une famille de taille comparable dans la même région et qui répond aux normes générales de sécurité et de salubrité en vigueur » ;
d'une assurance maladie « couvrant l'ensemble des risques normalement couverts » ;
de ressources stables, régulières et suffisantes « pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat concerné ». L'évaluation de ces ressources se fait « par rapport à leur nature à leur régularité et [peut] tenir compte du niveau des rémunérations et des pensions minimales nationales ainsi que du nombre de membres » de la famille.
Une demande peut être rejetée - ou le titre de séjour retiré - pour des raisons d'ordre public, de sécurité ou de santé publique. La survenance de maladies ou d'infirmités après la délivrance du titre de séjour ne justifie cependant pas à elle seule ce refus, précise le texte. La directive dresse enfin une liste des motifs de refus ou de retrait d'un titre de séjour (conditions non remplies, absence de vie conjugale ou familiale effective, relation durable avec une autre personne, informations fausses ou trompeuses, mariage blanc...). Elle indique aussi que « la nature et la solidité des liens familiaux de la personne et sa durée de résidence dans l'Etat membre ainsi que l'existence d'attaches familiales, culturelles ou sociales avec son pays d'origine » doivent être prises « dûment en considération ».
Si la demande est acceptée, l'Etat doit accorder toute facilité pour délivrer les visas et octroie un premier titre de séjour d'une durée d'au moins un an et renouvelable. La période de validité du titre accordé ne dépassera pas « en principe » la date d'expiration de celui du regroupant. Au plus tard après cinq ans de résidence, le conjoint ou le partenaire non marié et l'enfant devenu majeur ont droit, sur demande, et si nécessaire, à un titre de séjour autonome. De même, en cas de veuvage, divorce, séparation et de décès d'ascendants ou de descendants directs au premier degré, un titre de séjour autonome peut être délivré sur demande aux personnes entrées au titre du regroupement familial. Enfin, un titre de séjour autonome doit être octroyé « en cas de situation particulièrement difficile ».
Les personnes qui bénéficient du regroupement familial ont droit, au même titre que le regroupant : à l'éducation ; à l'orientation, à la formation, au perfectionnement et au recyclage professionnels ; et à l'accès à un emploi salarié ou à une activité indépendante. Si la situation du marché du travail le justifie, un Etat peut cependant limiter cet accès à l'emploi pendant une période (qui ne peut excéder 12 mois).
Cette directive doit encore être adoptée formellement par le conseil des ministres et devra être transposée dans un délai de 24 mois au plus tard après sa publication au Journal officiel.
(1) Voir notamment ASH n° 2269 du 28-06-02.
(2) Au sens de la majorité légale dans le pays concerné. Mais un Etat membre peut imposer une limite maximale de 15 ans. L'enfant doit être célibataire.
(3) Des dérogations jugées « regrettables » par le Réseau européen contre le racisme (ENAR).