Le 3 mars, 30 Sénégalais et 24 Ivoiriens ont été renvoyés dans leurs pays d'origine dans un avion spécialement affrété à partir de Roissy. Tous s'étaient vu refuser l'entrée sur le territoire français - faute de papiers en règle ou parce que leur demande d'asile avait été rejetée -, sauf un Sénégalais, expulsé par l'Allemagne, qui l'a acheminé vers l'aéroport parisien. Nicolas Sarkozy a, le lendemain, justifié les « vols groupés » : « Nous refusons l'“immigration zéro”, qui n'a aucun sens, mais nous sommes décidés à appliquer la loi : ceux qui n'ont pas de papiers n'ont pas vocation à rester sur le territoire national », a-t-il expliqué devant l'Assemblée nationale, évoquant également la suroccupation de la zone d'attente de Roissy « où se trouvent 500 personnes pour 275 places ». Les retours collectifs sur vols spéciaux avaient été initiés par Charles Pasqua en 1986, puis poursuivis jusqu'en 1991 sous le gouvernement Cresson. Ils avaient repris sous le gouvernement Juppé entre 1995 et 1997.
Pour les associations, c'est le « retour des charters de la honte », selon les termes du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples. Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l'Homme, dénonce quant à lui une pratique qui « a pour conséquence une diminution des garanties de respect des procédures » en matière d'éloignement. Amnesty International, de son côté, rappelle que les expulsions collectives sont condamnées par la Convention européenne des droits de l'Homme « si un examen raisonnable et individuel n'a pas été effectué ». « C'est la première fois que l'on utilise un charter pour des étrangers qui viennent d'arriver et non pour des étrangers présents sur le territoire et condamnés à l'éloignement. [...] Ils arrivent, ne connaissent pas leurs droits sont refoulés sans avoir eu de contact avec personne d'autre que la police. Aujourd'hui, on ne sait pas qui sont ces Ivoiriens que l'on renvoie », ajoute l'organisation, par la voix de Patrick Delouvin.
L'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), qui regroupe une vingtaine d'associations, consciente de la probabilité de la reprise de tels éloignement collectifs, pointait par ailleurs, dès le 28 février, « le risque de dérapages [...] accru » du fait de l'absence de témoins. Autre danger : la « recherche abusive d'étranger “à refouler” afin de rentabiliser le vol ». Une crainte fondée sur un programme d'action de l'Union européenne récemment adopté, prônant, souligne l'ANAFE, « la généralisation des opérations de retour communes (qui) non seulement présenterait des avantages financiers mais adresserait aussi un signal plus fort ». Le Conseil européen de Séville, en juin 2002, a proposé la mise en place d'un programme de rapatriement communautaire des clandestins visant à améliorer l'efficacité, le coordination et la logistique des retours. Trois mois plus tard, au sommet de Copenhague, la France s'est portée candidate pour coordonner des éloignements groupés d'illégaux (1). Le charter du 3 mars, conjoint avec l'Allemagne, n'est d'ailleurs pas une première pour la France, qui a par exemple récemment participé à un rapatriement groupé de Bulgares avec les Pays-Bas.
(1) Voir ASH n° 2277 du 20-09- 02.