Rien ne change. Le député socialiste Louis Mermaz, en 2000, avait décrit les zones d'attente comme « l'horreur de notre République » (1). C'est encore une fois l'impression que l'on a à la lecture des trois rapports rendus publics le 6 mars par l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) (2) et Médecins du monde (3) concernant la zone d'attente de l'aéroport de Roissy. « Violations récurrentes et délibérées des droits fondamentaux, refus manifestes et répétés d'enregistrement des demandes d'asile, procédures traitées avec le plus grand mépris, obstructions et restrictions au droit d'accès des associations habilitées, tentatives et refoulements quotidiens de personnes dont la demande n'a pas été prise en compte [...] », tels sont leurs constats communs.
L'ANAFE se penche particulièrement sur les violences policières. Les témoignages qu'elle reproduit l'attestent : « Les brutalités physiques sont courantes et nombreuses, de même que les pressions psychologiques et les humiliations. » Ces récits « démontrent qu'il ne s'agit pas d'actes isolés mais bien de comportements répétés, survenant essentiellement à l'arrivée des étrangers à l'aéroport ou lors de tentatives de réembarquement vers les pays de provenance. » D'ailleurs, en mai 2002, période pendant laquelle le ministère de l'Intérieur a autorisé, à titre exceptionnel, les associations habilitées à se rendre presque quotidiennement dans la zone, il n'y a que deux visites sur 29 au cours desquelles il n'a pas été fait état de violences. Lesquelles sont tellement généralisées que « le médecin présent dans le principal centre d'accueil, ZAPI 3, peut remettre, en cas de doléances formulées par un étranger, un certificat qui a l'aspect d'un formulaire type et qui comporte la mention “auteur des violences” ». Les violences peuvent aussi être collectives : dans certains lieux de la zone d'attente, les associations ont constaté des privations de repas ou un accès limité aux sanitaires... Au centre ZAPI 3, il arrive que l'on procède à des appels en pleine nuit par haut-parleurs, « à un volume excessivement élevé » et que l'on oblige tout le monde à descendre dans le hall... Autant de constats qui conduisent l'ANAFE à dénoncer une « violation non pas seulement des droits fondamentaux[...] mais également des garanties que la France s'est engagée à respecter par le biais de conventions internationales, telles que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qui prohibe les traitements inhumains et dégradants ».
L'insuffisance flagrante du dispositif médical, mise en évidence par Médecins du monde, ne peut elle aussi que susciter l'indignation. 20 000 personnes transitent chaque année par la zone d'attente, dont la capacité d'accueil au jour le jour est d'environ 300 places. Pour prendre soin de leur santé : un médecin à mi- temps et une infirmière à temps plein. Aucune permanence n'est prévue la nuit, le week-end et pendant les congés des soignants. Certes, les policiers peuvent réquisitionner les services de santé de Roissy, mais ils ne sont évidemment pas formés à repérer les urgences. Une telle situation entraîne « des difficultés en termes de suivi médical pour les plus fragiles : personnes âgées, enfants, femmes enceintes de plus de huit mois... », souligne Fabrice Giraux, responsable de la mission « zone d'attente de Roissy » de l'association. « Il arrive que des personnes soient fouillées et séparées de leur traitement sans qu'une consultation médicale soit systématiquement programmée avec le médecin de la zone d'attente », ajoute-t-il.
Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que l'ANAFE et Médecins du monde demandent, une nouvelle fois (4), un droit de visite permanent pour les associations dans la zone d'attente (5), ce qui apporterait « plus de transparence dans un système insuffisamment ouvert aux regards extérieurs ». Il apparaît d'autant plus utile que la plupart des étrangers ne comprennent absolument pas la procédure, que personne ne prend d'ailleurs la peine de leur expliquer...
C.G.
(1) Voir ASH n° 2189 du 17-11-00.
(2) « Violences policières en zones d'attente » et « Zones d'attente : dix ans après, les difficultés persistent. Visites quotidiennes à Roissy en mai 2002 ». ANAFE : 21 ter, rue Voltaire - 75011 Paris - Tél. 01 43 67 27 52.
(3) « La zone d'attente à Roissy, une zone de non-droit, 2002 ». Médecins du monde : 62, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 44 92 15 15.
(4) Voir ASH n° 2241 du 14-12-01 et n° 2243 du 28-12-01.
(5) Actuellement, le cadre réglementaire précisant la présence des huit associations habilitées dans les zones d'attente est très strict : nomination de dix visiteurs au plus par association, accès de chacune d'entre elles limité à huit fois par an et par zone, visites entre 8 et 20 heures, avec une autorisation préalablement accordée par le ministère...