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« Les stages parentaux sont des simulacres »

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Le 21 février, le tribunal correctionnel de Toulon a condamné à un an de prison ferme une mère de famille qui ne s'était pas présentée au stage obligatoire organisé pour les parents de mineurs primo- délinquants et n'avait pas répondu aux convocations (1). Cette peine - la première du genre - illustre bien l'ambiguïté d'un dispositif censé, dans un cadre pénal, responsabiliser les parents. Joël Henry, président d'honneur du Carrefour national de l'action éducative en milieu ouvert (2), pointe, à titre personnel, les dérives.
Que vous inspire cette condamnation ?

Malheureusement, elle ne m'étonne pas puisque, par définition, « les stages parentaux », inscrits dans une procédure pénale (3), secrètent ce type d'alternative.

Au greffe du tribunal, on explique que cette peine était « juridiquement nécessaire pour délivrer un mandat d'arrêt et obliger la mère à comparaître »...

Avec ce type d'argument, on peut envoyer des gens aux galères en leur expliquant qu'ils doivent passer par là pour s'en sortir. C'est excessif !

Mais pour certains parents de mauvaise volonté, ces stages ne sont-ils pas une bonne solution ?

Pour moi, il ne s'agit pas de stages parentaux, mais de simulacres. Ce sont des audiences où l'on sermonne les parents. S'il suffisait de surveiller et de punir pour que tout aille bien, cela se saurait. De même que l'absentéisme scolaire est le symptôme, l'effet de souffrances ou de désordres plus fondamentaux, les stages parentaux sont révélateurs d'un malaise dans la civilisation plus profond, multiforme et mis en scène par l'idéologie dominante. Les maîtres mots du moment :efficacité, responsabilité, cachent en réalité un retour de la répression et de la suspicion.

Dans un courrier aux « ASH »   (4), vous dénonciez d'ailleurs, à travers ces stages, une conception répressive de l'assistance éducative…

Il n'est pas inintéressant de pointer, avec ces stages, un retour du balancier vers la surveillance éducative d'avant 1958, dans le perpétuel mouvement pendulaire entre mauvais parents à punir/bons parents à aider. Mais ces stages procèdent également de la lente implantation des modèles anglo-saxons de type communautaire pas forcément adaptés à notre culture latine. Je pense par exemple aux « Community Conferences » aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, qui regroupent jusqu'à 70 personnes autour du mineur fautif confronté publiquement à sa victime.

Les travailleurs sociaux doivent donc refuser ces stages ?

Je pense qu'il faut résister et ne pas s'embarquer dans ces simulacres qui trouvent toujours des alliés dans la place - vrais ou faux naïfs - prêts à l'ingénierie ou au bricolage adaptatif.

Que proposez-vous ?

Ces stages sont imposés, parfois, m'a-t-on dit de bonne source, en lieu et place d'une mesure d'AEMO, en raison de l'existence de listes d'attente : pourquoi alors ne pas fournir plutôt des moyens en personnel supplémentaire afin d'y faire face ? Ces stages peuvent aussi survenir à la suite d'échecs des mesures d'AEMO. Des mesures que j'imagine « brèves », c'est-à-dire fonctionnant - je le déplore - sur des référentiels techniquement comportementalistes et administrativement centrés sur des objectifs-symptômes seulement ponctuels. Tout cela nous invite à poursuivre et accentuer la recherche-formation sur les configurations multiples des services d'AEMO - notamment au niveau des instances professionnelles nationales - mais aussi sur les limites à ne pas franchir, entre aide et surveillance, par exemple, et sur les confusions à éviter. Au-delà, il importe, sur le plan éthique, comme nous y invite le philosophe Alain Badiou, de résister aux simulacres, au renoncement pour le plus petit bénéfice, mais aussi au totalitarisme, par désir de maîtrise du champ social et de la liberté d'autrui. Propos recueillis par Isabelle Sarazin

Notes

(1)  www.ash.tm.fr, rubrique « ça se passe près de chez vous ».

(2)   « Valmeray »  : 14 370 Airan - Tél. 02 31 23 91 25.

(3)  L'article 227-17 du code pénal punit de deux ans d'emprisonnement et de 30 000  € d'amende le père ou la mère qui se soustrait à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant.

(4)  Voir ASH n° 2296 du 31-01-03.

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