Que faudrait-il réussir à faire en matière d'aide psychologique - et que doit-on absolument éviter - pour soutenir efficacement les femmes qui ont été victimes de violences sexuelles ? C'est à cette double interrogation que répond, de façon très claire et argumentée, ce document élaboré par un groupe de spécialistes- militantes féministes et praticien (ne) s -engagés dans l'accompagnement des victimes de viol. Adapter les thérapies aux besoins des femmes agressées ne peut se faire sans remettre en question un certain nombre de fondements théoriques des pratiques issues de la psychanalyse, expliquent les auteurs. Ainsi les concepts d'écoute passive et de neutralité bienveillante leur semblent particulièrement dommageables à la prise en charge des victimes. Lesquelles sont nombreuses en effet à consulter sans parvenir à confier l'origine de leur mal-être. Aussi les praticiens doivent-ils développer leur capacité à repérer les signaux envoyés par la consultante à travers ses comportements et déclarations, et trouver le moyen de lui signifier qu'elle peut parler : ses dires ne seront pas mis en doute. Reste qu'il ne suffit pas de favoriser, activement, cette prise de parole dénonciatrice. Une fois la réalité objective de la violence reconnue, la question qui se pose immédiatement est celle du rapport du thérapeute à la loi. Lorsque celle-ci a été transgressée, il n'est plus possible d'être neutre, soulignent les auteurs :l'énoncé explicite de la loi pénale par le thérapeute qui représente la loi symbolique est indispensable, et celui-ci doit aborder, clairement, la perspective judiciaire. « Le travail thérapeutique ne se déroule pas hors citoyenneté. Si le thérapeute ne prend pas parti pour la personne victime d'une action criminelle, on peut dire que cette neutralité est tout à fait malveillante puisqu'elle est symboliquement et de fait, un acte de non-assistance à personne en danger », insistent les experts. A contrario, une prise de position nette constitue un repère objectif sur lequel fonder le travail de déconditionnement que la victime doit accomplir pour rompre l'emprise de l'agresseur. Du point de vue thérapeutique, il faut aussi se prémunir contre l'idée que les soins sont plus importants que le soutien social et judiciaire. La tentative de destruction que constitue le viol ne peut pas être traitée uniquement dans le huis clos de la relation thérapeutique, précisent les auteurs. Pour être réellement efficace, le thérapeute doit orienter la consultante vers les interlocuteurs à même de l'aider à affronter les multiples embûches rencontrées pour faire reconnaître la réalité de sa position de victime. Et pouvoir alors en sortir.
L'aide aux femmes victimes de viol. Les conditions d'une aide psychologique adaptée - Sous la direction de Catherine Morbois et Marie-France Casalis - L'Esprit du Temps -12 € .