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Droit au secret de la mère contre droit à l'identité de l'enfant

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La décision a, manifestement, été très disputée. Par dix voix contre sept, la Cour européenne des droits de l'Homme a donné raison à la France qui préserve l'anonymat de la femme accouchée sous X contre le souhait de l'enfant de connaître son origine . Pratique intéressante : la cour publie, outre son arrêt, les opinions discordantes de ses membres. Les arguments échangés, moraux autant que juridiques, résument bien les enjeux soulignés par les associations.

Ainsi, Pascale Odièvre, 37 ans, n'aura- t-elle pas accès à l'intégralité de son dossier d'ancienne pupille du service de l'aide sociale à l'enfance. En tout cas pas aux « éléments identifiants » sur ses mère et père naturels et les trois frères qu'elle y a trouvés en 1990. Empêchée de « découvrir la vérité concernant un aspect important de son identité », elle reprochait à la France de ne pas assurer « le respect de sa vie privée », au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Dans son arrêt, la cour relève que sont en présence « deux intérêts difficilement conciliables »  : celui de la mère et celui de l'enfant, entre lesquels la législation française a tenté « d'atteindre un équilibre ». Les sept juges minoritaires estiment au contraire qu'il n'y a pas «  de pondération d'intérêts possible » car « la loi accepte, comme un obstacle absolu à toute recherche d'information, [...] la décision de la mère », même après sa mort. Pour eux, ce « droit de veto pur et simple reconnu à la mère entraîne pour effet que les droits de l'enfant [...]sont entièrement négligés, oubliés ». Alors même que « le droit à l'identité [...] fait partie du noyau dur du droit au respect de la vie privée » que protège la convention.

« L'intérêt général est également en jeu », indique aussi l'arrêt, dans la mesure où la loi française a pour objectif de protéger la santé de la mère et de l'enfant à naître, « d'éviter des avortements en particulier clandestins et des abandons “sauvages”. Le droit au respect de la vie n'est ainsi pas étranger aux buts recherchés. » Autant d'arguments rejetés par les minoritaires selon lesquels aucune donnée sérieuse ne permet de soutenir que la suppression de l'accouchement sous X ferait augmenter le nombre des avortements et que le droit au respect de la vie est moins bien assuré dans les pays (majoritaires en Europe) où la maternité anonyme n'existe pas (1).

L'arrêt de la cour renvoie Pascale Odièvre au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) « pour solliciter la réversibilité du secret de l'identité de sa mère sous réserve de l'accord de celle-ci ». Il précise lui-même qu'il n'est « pas exclu, encore que cela soit peu probable », qu'elle « puisse obtenir ce qu'elle recherche ».

Les ministères français des Affaires étrangères et de la Famille se félicitent d'un « arrêt important et attendu qui consacre la conformité de la loi française [...] à la Convention européenne des droits de l'Homme ». Au nom du droit des femmes, le Planning familial se réjouit aussi de voir reconnaître une loi « qui permet à une femme d'accoucher dans le secret de son identité tout en lui permettant à tout moment de sa vie de lever ce secret, notamment si elle sait que l'enfant qu'elle a mis au monde la recherche ».

Pour sa part, Claude Sageot, membre du CNAOP en tant que président de l'Association du droit des pupilles de l'Etat et des adoptés à leurs origines, estime « qu'il faut désormais concentrer les efforts sur le CNAOP. Qu'il ne se contente pas de réponses évasives, que l'Etat lui donne les moyens de travailler, qu'il n'oppose pas le secret à des situations anciennes ». Quant à la Coordination des actions pour le droit à la connaissance des origines, elle indique qu'elle continuera à se battre « pour faire admettre qu'avoir une identité est un droit fondamental de l'Homme ». Estimant le CNAOP « vidé de toute crédibilité » dans sa composition actuelle (2), elle persistera « à utiliser tous les moyens que donne le droit » pour « accompagner des milliers de personnes en souffrance ». Y compris, éventuellement, en portant une nouvelle affaire en justice.

Marie-Jo Maerel

Notes

(1)  En France, selon les sources, de 300 à 700 enfants naîtraient chaque année sous X. Les pouvoirs publics ont promis de fournir bientôt un chiffre précis.

(2)  Voir ASH n° 2273 du 23-08-02 et n° 2274 du 30-08-02.

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