Recevoir la newsletter

Un réseau pour aider les personnes âgées protégées

Article réservé aux abonnés

Trois associations vendéennes gérant des services de tutelles ont décidé d'unir leurs efforts pour créer un réseau d'intervenants. Objectif : mieux prendre en compte les choix de vie des personnes âgées protégées et éviter des placements non désirés. Un projet qui bouscule pratiques et idées reçues.

C'est la situation de Raymond, un homme de 69 ans, souffrant d'un handicap physique, refusant de se soigner et vivant dans une maison vétuste en pleine campagne dans le sud de la Vendée, qui a tout déclenché. En juin 2000, à peine deux mois après sa mise sous tutelle, le maire de la commune suspend l'intervention des aides-ménagères et prend un arrêté d'insalubrité. « A la fin, ne sachant plus quoi faire, il nous a demandé de reloger cet homme immédiatement, malgré la volonté de celui-ci de rester chez lui. C'était assez violent », se souvient Jean-Jacques Geoffroy, directeur du service des tutelles de la Sauvegarde de Vendée.

Après de longues discussions, Raymond acceptera finalement d'être hospitalisé. Mais cette histoire- malheureusement courante pour les délégués à la tutelle -finira de convaincre Jean-Jacques Geoffroy qu'un rapprochement avec l'Union départementale des associations familiales  (UDAF)  85 et ARIA 85, les deux autres grandes associations gérant un service de tutelles dans le département, est devenu nécessaire.

Après plusieurs rencontres, les trois organisations (1) arrivent au même constat : face à l'augmentation du nombre de mesures de tutelles, qui accroît la charge de travail des services, et à la complexité accrue des situations des personnes majeures protégées - où se mêlent souvent difficultés financières, problèmes de santé physique ou psychique, isolement familial et social, conduites addictives, etc. -, il est difficile de concilier l'obligation de porter assistance à des personnes se mettant en danger avec le respect de leur choix de vie. D'autant, soulignent les responsables, qu'il faut souvent intervenir dans l'urgence et sans réelle coordination avec les autres intervenants institutionnels. « Nous nous retrouvons, par exemple, avec des personnes placées sous tutelle qui présentent des pathologies mentales lourdes et ne sont pas suivies en psychiatrie parce qu'elles n'ont pas donné leur consentement. Nous souhaiterions au moins examiner avec les responsables des services psychiatriques la façon d'aborder la situation de ces publics dont les comportements sont parfois très agressifs. Et voir s'il n'existe pas de solutions alternatives de prise en charge », explique Jean-Jacques Geoffroy, aujourd'hui animateur du partenariat interassociatif.

Au cours de l'année 2001, les trois services tutélaires mènent donc une démarche destinée à mobiliser l'ensemble des acteurs médico-sociaux concernés par les mesures de protection juridique des personnes majeures. L'objectif des réunions de sensibilisation et d'information, organisées tout au long de l'année, est de créer un réseau départemental pluriprofessionnel permettant d'anticiper les situations de crise et de coordonner les actions afin de parvenir à des solutions respectant le choix de vie à domicile des personnes âgées ou des adultes présentant des troubles psychiatriques. Et éviter des placements non désirés.

Une première étape a été franchie avec la création de deux comités de pilotage, réunissant, tous les deux ou trois mois, des représentants de l'Etat (direction départementale des affaires sanitaires et sociales), du département (direction solidarité de la famille), des municipalités, des membres d'associations d'usagers (telles que l'Union nationale des amis et familles de malades mentaux), des services de psychiatrie ou encore des associations telles que les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) et l'Union nationale ADMR (Association du service à domicile).

Deux comités de pilotage

Le premier comité de pilotage est chargé d'organiser l'action en réseau des différents acteurs intervenant auprès des personnes âgées ne voulant pas quitter leur domicile malgré des conditions de sécurité, d'hygiène et de soins souvent très précaires. Le second mène une action similaire pour les adultes présentant des troubles psychiques et des comportements parfois dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui. Dans chacun, les membres partagent leurs expériences, pointent les problèmes les plus aigus et essaient de dégager les axes à partir desquels organiser en réseau des solutions alternatives.

Le comité de pilotage en charge des malades psychiatriques a ainsi cerné cinq grands domaines d'intervention : le logement ; les situations de crise ; l'accès à la consommation ; la santé et le bien- être individuel ; la santé et, enfin, le bien-être social. « On est dans la toute première phase du travail de réflexion. Ce public d'adultes souffrant de troubles psychiatriques est très large, très divers et les réponses politiques s'égarent souvent. Il faut donc sortir d'un discours généraliste et définir précisément les catégories de personnes concernées et les axes d'actions à développer pour pouvoir organiser un réseau efficace », explique Mariannick Seys, responsable du service des tutelles de l'UDAF 85.

Pour ceux en charge des services de tutelles du département, le travail mené jusqu'ici, au sein des comités, a surtout permis d'acquérir une meilleure connaissance des possibilités et des limites d'intervention de chacun. Selon eux, trop de professionnels connaissent mal les dispositifs tutélaires et prêtent aux délégués à la tutelle des prérogatives qu'ils n'ont pas. Il est ainsi une idée, très répandue, selon laquelle un tuteur peut décider à la place de l'adulte protégé du choix de son logement, de ses relations ou des soins à entreprendre. « Récemment, indique Joël Couteau, responsable du service des tutelles d'ARIA 85, une mère de famille m'a demandé de surveiller sa fille à la sortie de l'hôpital psychiatrique, pour être sûr qu'elle prenne bien ses contraceptifs. »

Cette méconnaissance conduit régulièrement les intervenants médico-sociaux à se tourner vers les délégués à la tutelle afin qu'ils règlent, seuls, une situation urgente et difficile. « Parce qu'une décision de justice nous donne la possibilité de gérer l'ensemble des ressources des majeurs protégés, on pense souvent que c'est à nous de trouver une solution pour des personnes âgées qui désirent rester chez elles malgré une grande insalubrité et de très mauvaises conditions d'hygiène ou pour des publics qui ont des comportements violents. Mais, notre marge d'action ne peut entraver la liberté de l'individu dans sa vie privée et se heurte à des limites de responsabilité et de compétence, notamment dans le domaine médical », précise Jean-Jacques Geoffroy. Le travail de concertation mené au sein des comités de pilotage a permis dans un premier temps de modifier les regards des partenaires du réseau et de « sortir des attitudes consistant à se juger les uns les autres », explique Mariannick Seys.

De nouveaux réflexes de coopération

Les pratiques commencent également à évoluer et de nouveaux réflexes de coopération apparaissent, à l'instar des entretiens menés conjointement par les chefs de services de tutelles et des psychiatres pour convaincre un majeur protégé de changer de lieu de vie. Ou avec l'interpellation systématique des CLIC par les délégués à la tutelle, en cas de difficulté avec une personne âgée. En outre, « pour la première fois, les services de tutelles ont été sollicités pour participer à l'élaboration du schéma gérontologique dans le département pour 2003, alors que nous n'étions pas invités les années précédentes », ajoute Jean-Jacques Geoffroy.

Au-delà d'une meilleure concertation et connaissance des différents domaines d'intervention de chacun, les deux comités de pilotage cherchent à créer un maillage du département, en mettant en place des équipes mobiles de professionnels (regroupant par exemple un médecin, une assistante sociale, un représentant de la coordination gérontologique, une aide à domicile et un délégué à la tutelle) dans chaque bassin de vie de la Vendée, de façon à trouver des réponses collectives et d'anticiper les situations de crise.

A terme, les services tutélaires souhaitent s'appuyer sur les associations d'usagers pour étudier les possibilités de faire participer les bénéficiaires au fonctionnement du dispositif. Reste que, selon les responsables des services de tutelles, l'action des comités de pilotage se heurte encore à l'existence de réseaux déjà constitués, comme les centres locaux d'information et de coordination, et à la réticence de certains intervenants : « Plusieurs institutions sont, par exemple, déjà engagées dans des commissions travaillant sur les problèmes des personnes souffrant de troubles psychiques et se demandent parfois à quoi cela sert de venir dans nos comités de pilotage », regrette Joël Couteau. La responsable du service de tutelles de l'UDAF 85 y voit, quant à elle, le signe d'une absence de coordination entre les institutions locales : « C'est un domaine où les compétences municipales, départementales et de l'Etat se télescopent et où apparaissent des problèmes de leadership. Si les représentants du département sont présents dans le comité, ceux de l'Etat se demandent pourquoi y être et si la ville vient, les deux premiers se disent que ce n'est plus de leur compétence. »

Il faut dire que cette initiative, émanant des acteurs de terrain plus que des institutions, est plutôt inhabituelle et a pu surprendre les décideurs politiques et techniques locaux. Il est rare, en effet, que des services de tutelles d'un même département décident de mettre en commun une partie de leurs moyens pour monter une action, note Didier Wustner, directeur général de la Sauvegarde : « Il est certain qu'ils doivent assurer des équilibres économiques et qu'ils sont en situation de concurrence. Mais le partenariat impose de mettre en place une concurrence loyale et encadrée par une volonté permanente de travail en commun. »

Cette démarche collective a été formalisée, en janvier 2002, par la signature d'une charte interassociative et reconnue par la Fondation de France, qui a attribué en début d'année son Grand prix national (dans le cadre de l'appel à projet « Droit au choix, droit au risque » ) aux trois associations vendéennes.

Henri Cormier

DÉVELOPPER DES OUTILS D'INFORMATION

« Aujourd'hui, les différents centres locaux d'information et de coordination ne couvrent que certaines zones de la Vendée, mais, en matière d'information, il n'existe rien au niveau de l'ensemble du département », souligne Jean-Jacques Geoffroy. Forts de ce constat, les trois services tutélaires ont décidé de créer, dans le courant de cette année, un annuaire départemental mettant à la disposition de l'ensemble des professionnels médico-sociaux les renseignements nécessaires à une prise en charge adaptée des personnes âgées souhaitant rester à domicile. Structures d'accueil des personnes âgées dans le département, places disponibles, services de tutelles existants, informations relatives à la législation des tutelles (assez complexe et très souvent méconnue des professionnels)..., l'ensemble des données collectées devrait permettre de mieux connaître les réponses à apporter en termes de services de proximité. Dans un deuxième temps, ces données seront disponibles sur le net via la création par les trois partenaires d'un site commun. A terme, les responsables souhaitent également élargir la diffusion de ces informations aux usagers eux-mêmes.

Notes

(1)  Sauvegarde : Chemin de la Pairette - 85000 La Roche-sur-Yon - Tél. 02 51 44 50 78 ; UDAF 85 : 19,  rue Lafontaine - 85000 La Roche-sur-Yon - Tél. 02 51 44 53 53 ; ARIA 85 : 55, rue Philippe-Lebon - 85000 La Roche-sur-Yon - Tél. 02 51 47 77 09.

LES ACTEURS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur