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Les comités de coordination départementaux refont surface

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La réforme de la décentralisation va-t-elle redonner vie aux comités départementaux de coordination du travail social ? Ou entraîner leur disparition ? C'est un pari pour les quelques-uns d'entre eux qui font preuve d'un dynamisme méconnu. En silence.

On les avait cru disparus sous les feux de la décentralisation des années 80. Ou bien réduits à l'état de coquille vide. Que l'on se détrompe : il en reste huit, prêts à se battre pour que vive la coordination du travail social. Créés en 1959, les comités de liaison et de coordination des services sociaux (Clicoss), institués dans chaque département pour assurer la répartition des tâches entre les différents services, ont mué au fil des années pour s'adapter aux besoins. En silence. Malgré un statut ambigu, des moyens souvent restreints, et en naviguant, depuis 20 ans, entre des dispositifs successifs qui renvoient sans cesse à une coordination incantatoire.

Visionnaire en son temps, le législateur de l'Après-guerre avait instauré une obligation de coordination entre les services sociaux d'un même département qui consistait essentiellement à utiliser un fichier des usagers et des institutions. « On souhaitait à l'époque réguler les interventions, éviter les doublons, savoir qui faisait quoi et quand. Aujourd'hui, la coordination doit servir à ce que les institutions d'un même département se connaissent et puissent travailler ensemble », assure Christine Garcette, déléguée du Clicoss de la Seine-Saint-Denis. Sur la quarantaine de comités instaurés au départ, « la plupart n'ont pas résisté aux passes d'armes de la décentralisation », explique Carmen Khol-Wahl, déléguée départementale du Codelico du Bas-Rhin, seul de ce nom. « Le rattachement des comités à l'Etat a, de fait, décrédibilisé leur indépendance. Ils ont fait les frais des nouveaux rapports de force entre les conseils généraux qui prenaient les rênes de l'action sociale et les directions départementales des affaires sanitaires et sociales  [DDASS] . »

Aujourd'hui, cette ambiguïté perdure de façon inégale selon les départements et dans les discours. « Certes, on ne peut nier que nous avons une tutelle Etat, même si les comités sont indépendants en raison de la pluralité des partenaires et de leurs financements », fait remarquer Roseline Leplant, présidente du Mouvement national pour la promotion de la coordination du travail social (1) et déléguée départementale de l'Hérault. Originalité en effet, chaque Clicoss peut être composé de multiples adhérents, employeurs de travailleurs sociaux ou non, partenaires de l'action sociale en tout cas, qui acceptent de verser leur obole à la cause de l'information, de la coordination et de la confrontation des pratiques, leurs trois missions phares. Malgré leur étiquette d'origine, ce n'est plus « le truc des services sociaux », tient à souligner Carmen Khol-Whal.

Soucieux de s'adapter aux transformations de l'action sociale, certains comités ont ouvert leurs portes à d'autres professions : depuis 1983, la Moselle accueille les conseillers en économie sociale et familiale, les éducateurs, le personnel de la protection maternelle et infantile, les délégués à la tutelle, les techniciens de l'intervention sociale et familiale. Le Bas-Rhin aussi depuis 1990. La Seine- et-Marne accepte depuis l'année dernière des adhérents qui n'ont pas d'assistants sociaux dans leurs rangs ni même de travailleurs sociaux (association d'aide à domicile, centres communaux d'action sociale...). Et des professionnels qui remplissent des missions d'action sociale définies par son collège technique : par exemple, un médiateur, une infirmière de la protection judiciaire de la jeunesse... Le Clicoss 93 pense à intégrer des associations de bénévoles, moyennant « une exigence de professionnalisation ».

Les configurations varient d'un comité à l'autre selon l'histoire, la mobilisation et la conviction locales. Comme l'interprétation de leurs missions. Dans l'Isère, par exemple, « le comité doit se cantonner à une mission stricte d'information (annuaire, répertoire, information sur les nouveaux dispositifs, etc.) pour respecter un positionnement institutionnel neutre souhaité par la DDASS », explique la déléguée, Anne Bouzigon. Ailleurs, la ligne est moins sage : la réflexion sur les métiers, l'évolution de l'action sociale fait aussi le quotidien des comités.

« Outre les journées débat, l'animation de groupes de travail (sur les personnes handicapées de moins de 60 ans, la place des services sociaux dans la politique de la ville, etc.), les échanges entre professionnels contribuent au décloisonnement des institutions et à leur mise en réseau », estime Christine Garcette. En Seine-et-Marne, les « petits déjeuners » entre partenaires du Clicoss sont très appréciés. « Grâce à un logiciel de mutualisation des expériences locales, on a vite fait de croiser les demandes et de réunir dix personnes d'institutions différentes, intéressées par un même thème. Elles vont ainsi trouver l'occasion de s'informer et de se connaître », affirme Jacqueline Valiergues, déléguée départementale. Il faut dire que ce Clicoss fait figure de star au regard de ses voisins :composé de six personnes, il est le seul doté de moyens importants, destinés pour l'essentiel à gérer un centre de documentation informatisé.

Au-delà de leurs missions officielles, les comités ont des fonctions induites non négligeables. « C'est un lieu où les partenaires peuvent s'exprimer sans se sentir piégés par leur appartenance institutionnelle. Il arrive même que des conflits puissent se dénouer à l'occasion de ces échanges », considère Jacqueline Valiergues. Lieu d'expression certes, mais « on ne peut rien en faire », nuance Anne Bouzigon. Pour Roselyne Leplant, « le comité a aussi pour rôle de faire remonter les difficultés des travailleurs sociaux et des institutions ». Atout majeur : la transversalité. « On connaît tous les partenaires, on fait gagner du temps à nos interlocuteurs. Le Clicoss a une capacité d'expertise reconnue dont témoigne notre participation à de multiples dispositifs départementaux », reprend pour sa part la responsable de Seine-et-Marne.

Mais pour d'autres, la reconnaissance n'est pas forcément acquise. « Il faut se battre pour avoir sa place », rectifie la présidente du Mouvement. Et l'expertise peut se décliner autrement. La commission d'action sociale d'urgence (CASU) du Bas-Rhin a confié au Codelico depuis deux ans la gestion de la commission de coordination des aides financières. « Il fallait un support qui connaisse l'ensemble des partenaires ;les politiques sont venus nous trouver naturellement », se souvient Carmen Khol-Whal. Cette coordination des interventions sociales pourrait-elle servir à donner une visibilité aux comités ?Quelle articulation alors à trouver avec tous les autres dispositifs et dispositions qui ne cessent d'en prôner les vertus ? « Il y a une certaine confusion entre les différents registres de coordination », répond Roselyne Leplant. « Les Clicoss n'ont pas vocation à coordonner des dispositifs ni à se transformer en ingéniéristes sociaux, même si nous pouvons apporter notre contribution. Pour nous, favoriser la mise en réseau, jouer les relais entre les professionnels et les institutions, c'est notre rôle. Qui d'autre est en mesure de le faire ? » Il faut bien dire que si l'appel à la coordination institutionnelle a fait surface dans les textes ces dernières années - la loi contre les exclusions, celle sur la prestation spécifique dépendance, puis l'allocation personnalisée d'autonomie, la loi du 2 janvier 2002 -, le législateur n'a jamais pris en considération le travail réalisé par les comités, trop timides, trop peu nombreux et insuffisamment inscrits dans les lobbies qui auraient pu plaider leur cause.

Pourtant, l'enjeu majeur aujourd'hui consiste bel et bien à sortir de l'ombre pour ne pas rater le coche de la décentralisation. Et asseoir un positionnement qui reste sur le fil du rasoir, parfois contradictoire et tributaire du retrait éventuel d'un partenaire/financeur de taille tel qu'un conseil général. « Lorsque la DDASS nous soutient vraiment, c'est tout de même plus confortable », reconnaît une déléguée. Surtout que les utilisateurs les plus nombreux sont les petits services qui sont aussi... ceux qui financent le moins.

HUIT COMITÉS

Les huit comités de liaison et de coordination des services sociaux  (Clicoss) relèvent encore aujourd'hui du décret n° 59-146 du 7 janvier 1959 et de la circulaire du 28 février 1959 (2) . Ce sont des structures partenariales, dotées de la capacité juridique et d'un budget propre financé par les employeurs adhérant aux comités, au moyen d'une « redevance » obligatoire. Mais les contrats de travail des salariés de ces établissements publics administratifs dépendent du droit privé. Présidés par le préfet, avec le directeur de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales  (DDASS) pour secrétaire général, les comités comprennent des membres de droit (préfet, DDASS notamment), des représentants des services déconcentrés de l'Etat, des collectivités territoriales, des élus locaux, et de tous les services sociaux publics ou privés du département, polyvalents ou spécialisés et des services intervenant dans le champ de l'action sociale. L'assemblée générale élit en son sein une commission permanente pour quatre ans qui comporte entre autres des représentants des travailleurs sociaux et des usagers (familles et syndicats).

Décentralisation  :risque ou chance ?

Même si l'action sociale relève essentiellement des conseils généraux, pas question pour les comités de changer de tutelle. « Celle de l'Etat nous garantit actuellement une liberté de parole précieuse », affirme Christine Garcette. Sauf si, dans l'éventualité d'une réforme poussée de la décentralisation, les services de l'Etat ne conservaient qu'une mission d'inspection et de contrôle, ou si les Clicoss passaient tout bonnement à la trappe. Un risque que ne leur a pas caché la direction générale de l'action sociale. Appelée à plancher sur la simplification des dispositifs dans le cadre du projet de réforme, cette dernière pourrait pourtant avoir intérêt à s'appuyer sur de telles instances pour trouver ses marques face à l'appétit des collectivités territoriales. Ce serait aussi l'occasion de dépoussiérer leur statut et leur mode de financement, en particulier « la redevance », franchement désuète, due par les employeurs en fonction du seul nombre d'assistants sociaux dans leurs services. La solution retenue en Seine-et-Marne qui conjugue mutualisation des moyens et engagements réciproques pourrait de surcroît améliorer le fonctionnement des comités. L'instauration en 2002 d'un contrat d'objectif pour trois ans entre les principaux financeurs (3)  et le Clicoss va permettre de développer la conduite de projets, d'améliorer la communication et la production de certains services (publications, site Internet...) et de pérenniser ses financements.

LES ACTIVITÉS DU CODELICO DU BAS-RHIN

 Des outils d'information tels que l'annuaire des services sociaux, les guides de l'accompagnement des personnes en situation de précarité, des aides financières de la commission d'action sociale d'urgence  (CASU), l'annuaire des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, également disponible sur CD-Rom, un bulletin régulier destiné aux adhérents…

 Des journées d'information et de formation (sur la prostitution, l'accueil des primo-arrivants, la gestion des situations d'agression...).

 La gestion de la commission de coordination des aides financières de la CASU.

 La bourse aux emplois : les employeurs adressent leurs offres au Codelico qui prend contact avec les travailleurs sociaux inscrits sur son fichier de recherche d'emploi. Contact : 14, rue du Maréchal-Juin - 67084 Strasbourg cedex -Tél. 03 88 76 79 91.

« Les Clicoss doivent conserver une taille modeste pour maintenir souplesse et réactivité », juge Christine Garcette. C'est un de leurs atouts. Pour preuve : ces derniers se sont engagés à servir de relais locaux pour la préparation des futurs états généraux du travail social (4).

Dominique Lallemand

Notes

(1)  Mouvement national pour la promotion de la coordination du travail social : 85, avenue d'Assas - 34000 Montpellier - Tél. 04 67 04 29 09 - E-mail : clicoss- herault@wanadoo.fr. Site à découvrir en mai prochain : www.coordination-social.org.

(2)  Bas-Rhin, Gard, Hérault, Indre-et-Loire, Isère, Moselle, Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis.

(3)  L'Etat - Affaires sociales, Justice, Education nationale -, le département, la caisse d'allocations familiales, la MSA, la Cramif, l'Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence.

(4)  Voir ASH n° 2296 du 31-01-03 et n° 2294 du 17-01-03.

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