« Le Groupe de réflexion sur les incapacités à tout âge (GRITA), issu du comité de vigilance de la prestation spécifique dépendance (PSD) s'est réuni pour la première fois en février 2002. L'année européenne des personnes handicapées en 2003 est l'occasion pour lui de reposer un certain nombre de questions, dont celles de la prise en compte et de la prise en charge des personnes en situation de handicap, quels que soient leur âge et l'origine de leur déficience. Autour de cet enjeu se sont réunis les principaux acteurs du champ du handicap et de la gérontologie : Unccas, Adehpa, Unassad, Fassad de Paris, APF, FEHAP, AFM, Uniopss (1) afin de mettre un terme à la discrimination par l'âge.
L'année 2003 et son actualité réglementaire offre au travers de trois rendez-vous législatifs importants une occasion inespérée de faire évoluer les dispositifs existants. Le GRITA saisit cette opportunité et revendique le droit pour toute personne en situation de handicap, quel que soit son âge, de bénéficier d'une compensation intégrale de ses incapacités, dans le cadre d'un régime national de protection sociale.
Première rendez-vous : la remise du rapport du conseil scientifique de l'évaluation à l'Assemblée nationale qui était prévue pour le 31 janvier 2003. En effet, la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, repose sur une grille nationale d'évaluation et institue un comité scientifique dans l'objectif de faire évoluer les outils d'évaluation. Ce comité s'est vu doublement missionné. En dressant le bilan de l'utilisation de la grille nationale AGGIR, il doit faire des propositions d'adaptation et doit par ailleurs conduire une réflexion sur le rapprochement des outils d'évaluation du secteur des personnes âgées et de celui des personnes handicapées.
Pour la première fois, une loi inscrit un rendez- vous destiné à affiner les outils d'évaluation des individus potentiellement bénéficiaires d'un dispositif. Pour la première fois aussi, un dispositif spécifique à destination des personnes “dites” âgées (plus de 60 ans) tente le rapprochement avec les personnes “dites” handicapées.
Deuxième rendez-vous : la révision en cours de la loi du 30 juin 1975, loi d'orientation en faveur des personnes handicapées. Le président de la République, dans son discours du 31 décembre 2002, formulant les vœux pour 2003, a fait du handicap un chantier prioritaire. Les médias annonçaient ces jours derniers le calendrier de la révision de la loi de 75 qui devrait voir le jour avant l'été 2003 ! Si l'on se réfère à l'esprit de la loi votée en 1975 aucune limite d'âge pour l'accès à différentes prestations n'avait été instituée, ni pour l'entrée en structure spécialisée du type foyer pour personnes handicapées. Peut- on imaginer que la révision de 2003 saura ré- insuffler l'esprit de 75, alors même que la mise en place de la prestation spécifique dépendance en 1997 a institué une ségrégation entre les personnes, selon l'âge et l'origine de la déficience, ségrégation qui demeure dans l'allocation personnalisée d'autonomie ?
Troisième rendez-vous : la clause de revoyure en juin 2003 prévue par la loi du 20 juillet 2001 (article 15).
Le 20 juillet 2001 était votée l'allocation personnalisée d'autonomie qui pérennisait la discrimination introduite par la prestation spécifique dépendance en 1997. Rarement, occasion aura été donnée, dans le calendrier législatif, de traiter des questions aussi segmentées que les personnes âgées et les personnes handicapées, portant ainsi l'espoir de concevoir la problématique dans une société de la prise en compte des personnes en situation de besoin d'aide indépendamment de l'âge de survenue du handicap.
Comment en est-on arrivé là sans interroger la notion de handicap ? Comment des personnes en situation de besoin d'aide peuvent-elles être traitées différemment, qu'elles aient plus ou moins de 60 ans ?
Déjà, le livre noir et le livre blanc de la prestation spécifique dépendance avaient mis en lumière cette ségrégation par l'âge. Déjà, ils avaient proposé, avant le vote de la prestations spécifique dépendance, l'instauration d'une prestation faisant fi de l'âge. Mais le législateur n'en a pas tenu compte.
La classification internationale des handicaps, adoptée en 1980 par l'Organisation mondiale de la santé, a suggéré que la notion de handicap ou de désavantage social était le résultat d'une dynamique, c'est-à-dire d'une interaction entre des déficiences physiques et/ou psychiques de l'individu, et un environnement social, et culturel.
Le handicap n'est donc pas “un état”, mais un résultat : d'où l'émergence de la notion de situation de handicap. La classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF), adoptée en 2001, est venue accroître considérablement la place accordée aux facteurs environnementaux en les introduisant plus clairement dans le schéma conceptuel et en proposant une classification de cette dimension.
On remarque bien que dans cette notion du handicap, ou du désavantage social, les paramètres biomédicaux, psychologiques et sociaux, qui vont entraîner un besoin d'aide plus ou moins important, sont innombrables : les déficits et les incapacités vont se révéler très différemment, selon ce que la nouvelle classification (CIF) appelle aujourd'hui “les facteurs contextuels”, c'est-à-dire les facteurs environnementaux externes et les facteurs personnels internes. Et l'âge ne fait-il pas partie intégrante de ces facteurs personnels internes ?
Le lancement de l'année européenne des personnes handicapées est l'occasion de revenir sur cette barrière inique de l'âge. Un de ces objectifs n'est-il pas “la sensibilisation aux droits des personnes handicapées, à la protection contre la discrimination et au plein exercice de leurs droits dans l'égalité” ? Le Groupe de réflexion sur les incapacités à tout âge a décidé d'aller jusqu'au bout de cette logique et de faire de 2003 une année de lutte contre la discrimination par l'âge, reprenant en cela l'esprit de l'article 13 du traité d'Amsterdam qui met en relief la lutte contre toutes les formes de dis- crimination. »
Florence Leduc Directrice générale adjointe de l'Unassad, membre du GRITA . Unassad : 108/110, rue Saint-Maur 75011 Paris - Tél.01 49 23 82 52.
(1) NDLR : Union nationale des centres communaux d'action sociale ; Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées ; Union nationale des associations de soins et services à domicile ; Fédération des associations de soins et services à domicile de Paris ; Association des paralysés de France ; Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif ; Association française contre les myopathies ; Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux.