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Des studios pour l'insertion des jeunes

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Pour aider les jeunes en difficulté à devenir autonomes, la ville de Gonesse a développé un dispositif d'insertion par le logement. Mise à disposition temporaire de studios et accompagnement social permettent aux bénéficiaires d'acquérir une plus grande stabilité et d'accéder par la suite à un logement traditionnel.

Située dans l'un des départements français comptant la plus grande proportion de jeunes (plus de 20 % de la population du Val-d'Oise a moins de 20 ans), la ville de Go- nesse (Val-d'Oise) dispose d'un parc de logements composé essentiellement de F3, F4 et F5 (pour les 1 800 logements de La Fauconnière et de Saint- Blin, les deux grandes cités de la ville) et de pavillons. « Il n'y a pas eu, au cours des 25 dernières années, une évolution du parc locatif de la ville permettant de répondre au besoin de décohabitation familiale des jeunes », explique Marie- Michelle Pisani, directrice de la mission locale de Gonesse. Impossible dans ces conditions pour un jeune en difficulté d'accéder à cette étape importante de l'apprentissage de l'autonomie que constitue l'entrée dans un premier logement.

C'est pour tenter d'apporter une nouvelle réponse à ces situations que la municipalité a pris l'initiative de créer, en 1999, un dispositif d'insertion par le logement. Dispositif fondé sur le partenariat entre le centre communal d'action sociale (CCAS)   (1), la mission locale, le service du logement de la ville, le service social départemental et le bailleur social (en l'espèce, la société Espace habitat).

Ces institutions proposent à des jeunes en difficulté, de 18 à 25 ans, des logements « semi-autonomes » - trois studios loués par le CCAS à Espace habitat)  - afin de leur permettre de se prendre en charge.

Lorsqu'un jeune en difficulté est repéré par l'un des partenaires, sa situation est examinée par une commission d'admission. « Outre les critères d'âge et de résidence, le jeune doit avoir un minimum de ressources fixé à 304,90  par mois. Nous n'exigeons pas un contrat de travail à durée indéterminée, mais il faut qu'il soit engagé dans une démarche d'insertion, avec un projet professionnel », souligne Brigitte Courbez, chef du service développement social local au CCAS.

Le candidat retenu signe alors une convention pour six mois, renouvelable une fois, avec le CCAS. Il s'engage à verser à ce dernier un loyer (entre 245  € et 260  € par mois, hors aides au logement). Le CCAS est lié par contrat au bailleur et il est redevable des loyers et des réparations courantes. L'entrée dans le studio est également soumise à l'acceptation par le futur locataire d'un accompagnement social assuré, dès l'arrivée dans les lieux. « L'objectif, c'est de faire un bout de chemin avec le jeune pour qu'il devienne autonome. C'est aussi de lui montrer que s'il ne parvient pas, malgré toutes les aides, tous les filets prévus par cette action, à intégrer les règles du système, ce lui sera très difficile d'assumer plus tard les responsabilités inhérentes à la location d'un logement traditionnel », indique Nono Musoki, responsable de la circonscription d'action sociale de Gonesse.

Les travailleurs sociaux du CCAS, en lien avec les autres partenaires, habituent ainsi les nouveaux locataires à effectuer les démarches administratives, à gérer un budget ou encore à s'occuper des problèmes liés à la santé (contrôle des vaccinations, suivi dentaire, etc.).

Cet accompagnement social amène progressivement les jeunes à ne plus vivre uniquement dans l'immédiateté et à anticiper davantage pour éviter d'être confrontés à des lettres de rappel qui s'entassent ou encore aux problèmes administratifs, résultat de déclarations de ressources non remplies. « Leur apprendre à prévoir, c'est aussi les pousser à faire des projets qui dépassent l'aspect purement professionnel, précise Brigitte Courbez. En ce moment, un jeune réussit à mettre un peu d'argent de côté tous les mois pour se payer des vacances l'an prochain. »

Les fondations d'un parcours professionnel

Au-delà de l'accompagnement social, ce premier accès à un logement offre aux jeunes un cadre suffisamment solide pour leur permettre de poursuivre, dans de bonnes conditions, leur parcours professionnel. « Il est très important pour eux de ne pas avoir, en plus des recherches d'emploi et de formation, à se soucier de savoir où ils vont dormir le soir, de disposer d'une adresse où recevoir leur courrier et qu'ils peuvent mettre sur un CV en sachant qu'elle sera encore valide trois mois après. C'est une stabilité matérielle et psychologique importante », apprécie Marie-Michelle Pisani.

Cette période est également l'occasion d'instaurer un climat de confiance entre les locataires et le bailleur, ce dernier s'étant en effet engagé à leur fournir un logement social à la sortie du dispositif. C'est ainsi qu'une jeune fille a pu quitter en décembre le studio qu'elle occupait pour accéder à un appartement autonome traditionnel. Mais cet exemple ne saurait occulter les problèmes rencontrés, en particulier pour mobiliser les bailleurs autour de cette opération. Seul, aujourd'hui, Espace habitat a accepté de jouer le jeu, mais il ne dispose que d'un nombre limité de logements autonomes adaptés à ces jeunes. « Voici six à huit mois déjà que cette jeune fille, qui travaille à temps partiel comme caissière et comme animatrice, aurait pu sortir du dispositif. Mais, le bailleur n'avait pas à ce moment-là de petits logements disponibles et il a fallu attendre jusqu'à aujourd'hui », regrette Françoise Hennebelle, maire adjointe chargée de la solidarité et de l'emploi.

Mobiliser davantage les bailleurs

S'il est indispensable de travailler plus en amont avec Espace habitat pour préparer l'accès à un logement de droit commun le plus tôt possible, il faut surtout changer le regard que portent sur ces jeunes encore bon nombre de bailleurs. « Les bailleurs extérieurs au dispositif trouvent trop risqué de leur proposer un logement. A mon sens, ils n'assurent pas la partie sociale qui leur incombe », estime Brigitte Courbez. Un travail d'information et de sensibilisation auprès d'eux est donc indispensable, affirme Nono Musoki, même si, reconnaît-il, c'est « une action de longue haleine qui ne peut porter ses fruits que dans un ou deux ans ».

Pour améliorer l'efficacité de ce type d'insertion, les partenaires ont déjà procédé à quelques ajustements par rapport aux règles de fonctionnement initiales. Après discussion, ils ont décidé de ne plus exiger des bénéficiaires qu'ils accomplissent les tâches de « l'engagement citoyen » prévues dans la convention relative au dispositif. Le jeune s'engageait en effet à consacrer, une heure par semaine, une part de son temps à différentes actions (auprès d'associations de la ville, de personnes âgées ou handicapées ou à l'occasion de manifestations caritatives) en contrepartie de l'accès au dispositif. Trop lourd, ont jugé les travailleurs sociaux, à l'instar de Brigitte Courbez : « Le principe de cet engagement reste inscrit dans la convention, mais on a réalisé qu'avec les difficultés qu'ils ont déjà et tout le travail qu'ils ont à faire pour s'en sortir, il aurait été mal venu de leur imposer en plus ces interventions. »

De même, la durée maximale de un an établie au départ a dû être réexaminée et fait l'objet d'une plus grande souplesse. Ainsi les séjours des trois locataires actuels dépassent tous ce délai de 12 mois. Cette rigidité a volé en éclats sous le coup des réalités. « La plupart des dispositifs existants ont établi des critères très restrictifs. On voit bien que ça ne peut pas marcher avec un public de jeunes engagés dans une démarche d'insertion qui est longue et fluctuante, parfois du fait du comportement du locataire, mais aussi à cause de l'environ- nement économique particulièrement dur », explique Marie-Michelle Pisani. Là encore, les équipes sociales ont fait évoluer la pratique sur le terrain sans modifier pour autant le délai inscrit dans la convention, afin de ne pas installer le dispositif dans un système d'assis- tance.

Malgré ces réglages successifs, celui-ci ne parvient pas toujours à remettre les bénéficiaires sur la voie de l'autonomie. C'est le cas de l'un des six jeunes retenus depuis le lancement de cette action : les responsables ont finalement été contraints d'envisager une procédure d'expulsion deux ans après son arrivée dans le dispositif . « C'est un jeune qui travaillait dans la restauration et qui a connu, il faut le reconnaître, une grande instabilité professionnelle et donc des ruptures de salaires. Dans la mesure où nous l'avons déjà repêché une fois et où, malgré nos tentatives de reprise de contact, nous n'avons plus aucunes nouvelles depuis six mois, nous estimons qu'il ne remplit plus son contrat », indique Françoise Hennebelle.

Se refusant à qualifier ce parcours d'échec- notion qui ferait l'impasse sur l'ensemble du travail d'accompagnement réalisé pendant le séjour du jeune et qui pourra peut-être porter ses fruits ultérieurement -, les partenaires voient néanmoins dans cet exemple l'occasion d'interroger leurs pratiques, notamment la manière d'instruire les dossiers de candidatures au sein des commissions d'admission. « Cela pose des questions sur notre niveau de connaissance d'un jeune,  sur le partage d'informations et d'éléments de diagnostic avec les autres partenaires et finalement sur notre capacité à apporter des garanties pour tel ou tel postulant », souligne Marie-Michelle Pisani.

Ces interrogations relatives au travail partenarial renvoient aussi à celles sur la nature et l'ampleur du dispositif lui-même. Est-il possible, avec trois studios seulement, de maintenir une collaboration partenariale serrée, régulière et enrichissante et d'approfondir les méthodes de travail à travers des rencontres et des réunions suffisamment nombreuses et formalisées ? Davantage de studios ne permettrait-il pas de changer le degré d'implication de chacun ?, se demande Marie-Michelle Pisani.  « Le nombre restreint de logements n'a pas permis à la ville, très présente dès le démarrage du projet, de céder progressivement la place aux techniciens. On est encore aujourd'hui dans une organisation très institutionnelle. » Difficile d'accroître de façon significative la quantité de lo- gements semi-autonomes, rétorque de son côté la municipalité.

Si l'ouverture d'un quatrième studio est d'ores et déjà prévue pour 2004, il n'est pas question pour la ville, seule institution à assumer les risques d'impayés de loyer, de pren- dre en charge des dizaines de studios. Outre le risque financier, la municipalité, via le centre communal d'action sociale, n'a pas les moyens de supporter seule le poids d'un suivi social très exi- geant.

Enfin, une telle montée en charge du dispositif paraît peu réaliste au vu de la pénurie de logements à Gonesse. Comment en effet fournir régulièrement des dizaines d'appartements traditionnels aux jeunes sortant de ce dispositif d'insertion, alors que 750 deman- des de logements sociaux sont déjà en attente ? Peut-être en ouvrant le dispositif à d'autres partenaires et « en entrant dans une intercommunalité qui existe alentour », suggère Françoise Hennebelle.

Henri Cormier

Notes

(1)  CCAS de Gonesse : 66, rue de Paris - 95500 Gonesse - Tél. 01 34 45 10 90.

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