Recevoir la newsletter

Surendettement : trois associations défendent la faillite civile

Article réservé aux abonnés

Face au nombre toujours croissant de ménages surendettés, la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie  (CLCV), l'UFC-Que choisir et l'Union nationale des associations familiales  (UNAF)   (1) ont demandé, le 3 février, la mise en place d'un système de faillite civile, à l'image de ce qui existe en Alsace-Moselle. Appliquée dans cette seule région de France, la liquidation judiciaire civile permet aux personnes en situation d'insolvabilité notoire d'obtenir l'effacement total de leurs dettes. « Et de sortir de la spirale du surendettement en ayant une seconde chance », défend Michel Knoell, directeur de la chambre régionale du surendettement social (Crésus Alsace).

Lors de la mise en place en 1989 de la loi Neiertz, l'idée de la faillite civile avait été évoquée. Mais elle avait été abandonnée sous la pression de l'administration fiscale, des banques, des établissements financiers et de la chancellerie qui craignait une charge de travail supplémentaire pour les magistrats. « Et puis, on admettait encore difficilement qu'un ménage puisse se mettre en liquidation, à l'inverse d'une entreprise ou d'un agriculteur », explique Reine-Claude Mader, secrétaire générale de la CLCV.

Mais aujourd'hui, force est de constater que, malgré deux modifications intervenues en 1995 et en 1998, la loi Neiertz n'a toujours pas réussi à régler le problème du surendettement. D'autant que le phénomène, qui avait été, à l'origine, analysé comme temporaire, lié à un usage inconsidéré du crédit, a largement changé de nature. Les situations de surendettement « passif », consécutives à des accidents de la vie (chômage, séparation ou divorce, maladie, accidents...), représentent un peu plus de 64 % des dossiers. Et le surendettement « actif », dû à un excès de crédit, ne serait plus à l'origine que de 19,6 % des cas (2).

« Dans plus de 20 % des situations, les capacités de remboursement du débiteur sont inexistantes. Pour certaines familles, il n'y a pas d'autre solution que la faillite civile », estime Reine-Claude Mader. Les associations dénoncent ainsi «  la proportion croissante de plans irréalistes et utopiques  », qui traînent sur de nombreuses années, élaborés par les commissions de surendettement. Lesquelles proposent parfois des reports de dette «  dont on sait très bien qu'ils ne serviront à rien  », car la situation n'a aucune chance de s'améliorer, déplore Nicole Pérez, présidente de la commission finances à l'UFC-Que choisir. « On ne fait alors que maintenir les personnes dans un état de précarité préoccupant. » Sans compter la disparité géographique dans le traitement des dossiers, variable d'une commission à l'autre. Autre critique : la détermination du « reste à vivre » calculé à l'aune du revenu minimum d'insertion. « On arrive à faire vivre pendant des années des ménages avec l'équivalent des minima sociaux », souligne-t-on à la CLCV.

Les associations réclament donc l'extension à tout le territoire national de la faillite civile, mais avec des adaptations. Elles souhaitent notamment que la vente de tous les biens ne soit pas systématique. « Il faudra revoir la liste des biens insaisissables. Il faudra également que le juge ait la possibilité de soustraire de la vente un bien essentiel à la survie économique de la famille, comme la voiture, bien souvent sans grande valeur marchande », estime l'UNAF. Les associations demandent également qu'il n'y ait pas d'inscription de la mesure au casier judiciaire. Car sa finalité est « de permettre aux gens de réintégrer la vie civile et non de les stigmatiser », insistent-elles. Autre problème : la procédure de la faillite civile, telle qu'elle existe en Alsace-Moselle, a un coût élevé : 2 300  € en moyenne à la charge du débiteur. Les organisations voudraient voir son montant atténué par la prise en charge par un fonds ou par le recours à l'aide juridictionnelle. Enfin, elles proposent la mise en place d'un suivi pédagogique du débiteur ainsi que la faculté d'imposer aux personnes qui ont des revenus suffisants de rembourser certaines dettes.

« Un moyen supplémentaire »

Pas question pour autant de supprimer les commissions de surendettement, défendent les associations. Celles-ci doivent être aménagées. La faillite civile est « un moyen supplémentaire à prendre en compte », juge l'UNAF. Pour laquelle elle ne ferait que remplacer le système actuel, lourd et peu utilisé, de l'effacement des dettes institué par la réforme de 1998.

Quelles sont les intentions du gouvernement en matière de surendettement ? En août dernier, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en faisait « une préoccupation majeure » en demandant à Benoît Jolivet, président du comité consultatif du Conseil national du crédit et du titre, de se pencher sur cette question. Reste que le rapport de ce comité - qui a son siège à la Banque de France - remis en décembre (et non rendu public) est jugé très décevant par les associations. « Il n'approfondit aucune de nos suggestions », regrette Reine- Claude Mader. « Ce document fait des propositions qui, en pratique, se traduiront essentiellement par une énième série de recommandations ! Or on ne peut plus se contenter d'aménagements de forme. »

Au sein du gouvernement, la question n'est pas tranchée. Le cabinet de Jean- Louis Borloo, ministre délégué à la ville, veut étendre la procédure de faillite civile à l'ensemble du territoire. Il a préparé un texte en ce sens qu'il espère présenter en réunion interministérielle. Cette idée est néanmoins d'ores et déjà rejetée par le ministère de la Justice qui craint un engorgement accru des tribunaux. « On a soumis le dossier à la présidence de la République », rétorque-t-on à la CLCV qui demande « un arbitrage au plus haut niveau » sur le surendettement.

I. S.

Notes

(1)  C/o UNAF : 28, place Saint-Georges - 75009 Paris - Tél. 01 49 95 36 00.

(2)  Selon l'enquête réalisée par la Banque de France en 2001.

LE SOCIAL EN ACTION

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur