La Cour des comptes a présenté, le 29 janvier, son « rapport public 2002 » (1). Cette année, ses recommandations sur les politiques sociales menées par les collectivités publiques portent notamment sur les contrats emploi consolidé (CEC), le Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et les stages pour demandeurs d'emploi organisés par l'Etat.
Alors que des obligations en matière de professionnalisation pèsent sur les employeurs recrutant des salariés en contrat emploi consolidé et que l'Etat peut prendre en charge tout ou partie des frais de formation professionnelle dans la limite de 400 heures, la Cour des comptes s'étonne du recours limité aux actions de formation professionnelle, qui n'intéressent « qu'un peu plus d'un salarié sur dix ». Et estime que, « s'agissant de publics dont on vise l'insertion professionnelle, cet aspect du dispositif mériterait ainsi d'être nettement amélioré ».
Mais la cour s'interroge sur le véritable but recherché par l'Etat avec les CEC : vise-t-il seulement un effet sur la demande d'emploi ou bien veut-il réellement agir sur l'insertion professionnelle et sociale des publics les plus en difficulté ? Les objectifs de résultats qu'il fixe à ses services déconcentrés dans le cadre des circulaires sur la globalisation des aides à l'emploi, notamment en termes de réduction de certaines catégories de demandeurs d'emploi (2), s'inscrivent plutôt dans la recherche d'une inflexion du taux de chômage, relève le rapport.
La cour note également une contradiction entre l'absence patente de moyens d'action et de suivi relatifs à l'insertion professionnelle des salariés en CEC et le fait que l'Etat recommande un « traitement plus individualisé des demandeurs d'emploi en grande difficulté, auquel le cadre rigide des aides à l'emploi ne répond que très imparfaitement ». Selon elle, « un suivi qualitatif plus développé permettrait de mieux identifier les conditions d'une insertion réussie et d'adapter la structure du dispositif afin d'atteindre l'objectif d'insertion dans la longue durée d'un public dénué de toute perspective d'emploi ». Elle prône,
en outre, la fusion des dispositifs contrat emploi-solidarité et contrat emploi consolidé qui pourrait « opportunément accroître la flexibilité des mesures d'aides à l'emploi dans le secteur non marchand ». Sur ce point, répondant à la Cour des comptes, le ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité confirme que « la proposition d'un contrat unique du secteur non marchand [...] représente une piste de travail retenue par le gouvernement ».
S'agissant des stages pour demandeurs d'emploi pris en charge par l'Etat - stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE), individuels et collectifs, et stages d'accès à l'emploi (SAE) -, la Cour des comptes pointe en particulier les difficultés de coordination des nombreux acteurs impliqués dans la politique de l'emploi. Difficultés qui aboutissent à ce que des organismes proches de l'Etat, tels l'Agefiph ou le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild), mettent en œuvre à destination de publics particuliers - handicapés, illettrés, immigrés - des actions comparables à celles financées par le service public de l'emploi sans qu'elles soient prises en compte dans les programmes globalisés . De même, l'Etat et les régions mènent parfois des actions « de façon totalement indépendante, au risque de voir se développer des politiques de formation différentes, voire concurrentes ». Autre exemple : alors que les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) figurent parmi les publics cibles des SIFE, les crédits d'insertion du RMI, qui relèvent des départements, sont rarement mobilisés à cette fin.
Autre champ d'intervention de la Cour des comptes :l'Agefiph. En contrôlant ses comptes et sa gestion, elle s'est aperçue que le fonds avait accumulé des réserves qui atteignaient 330 millions d'euros fin 1998 et qui s'élevaient encore, en 2002, à près de la moitié de cette somme, ce bien qu'il « mette en œuvre, depuis 1999, un programme exceptionnel de dépenses visant à réduire les disponibilités inemployées ». Pour la cour, « les causes de cette situation apparaissent structurelles tant l'Agefiph semble avoir, dès l'origine, privilégié une conception minimale de son rôle vis-à-vis de partenaires qui, en matière d'insertion professionnelle des handicapés, sont en position de juge et partie puisqu'ils disposent de la majorité des sièges au conseil d'administration de l'Agefiph et qu'ils sont, par l'intermédiaire des organisations patronales et, à un degré moindre, syndicales, les principaux opérateurs des actions de l'association en direction des entreprises ». Cela étant, l'Etat, qui donne chaque année son aval au budget d'intervention de l'Agefiph, ne saurait s'exonérer de sa responsabilité dans cette situation, note la Cour des comptes. « Dans ces conditions, les observations faites au sujet de l'Agefiph n'apparaissent pas dissociables d'une politique publique qui souffre de l'absence de volontarisme des pouvoirs publics. »
(1) Les éditions des journaux officiels - La Documentation française : 124, rue Henri- Barbusse - 93308 Aubervilliers cedex - Tél. 01 40 15 70 00 - 13,35 €.
(2) En dernier lieu, voir ASH n° 2288 du 6-12-02.