Nous avons connu, ce qui est normal, six mois de flottement pendant les élections et la mise en place du nouveau gouvernement. Nous avons surtout été confrontés à des rumeurs de remise en cause de la loi Besson de juillet 2000 (2) - propagées par des élus qui la souhaitaient. Nous avons alors senti un net ralentissement des négociations des schémas départementaux d'implantation des aires d'accueil, puis un redémarrage après la mise au point du ministre de l'Intérieur, le 27 septembre, demandant aux préfets d'activer les discussions.
En ce début 2003, un an après l'échéance fixée par la loi, 34 schémas sont signés et beaucoup d'autres sont en débat. Quant aux places de stationnement, en 2002, il n'en existait que 2 700 aux normes et moins de 1 200 conventionnées. Les demandes de crédits enregistrées au ministère de l'Equipement (qui finance les créations et les rénovations à 70 %) permettent de penser qu'on en comptera bientôt 5 000. Les départements ont eux-mêmes chiffré les besoins à 38 000 places d'accueil permanentes. Il reste beaucoup à faire, mais cela pourrait être réalisé rapidement, même si les terrains sont rares ! Il faudrait surtout une forte impulsion politique. L'amendement introduit dans le projet de loi sur la sécurité intérieure, qui interdit les demandes d'expulsion en l'absence de places installées, pourrait avoir un rôle incitatif, à condition qu'il joue à l'échelon du département, pas de la commune.
Ce climat ne pouvait pas ne pas nous atteindre, quand le moindre incident est monté en épingle et que l'on mélange tout, les problèmes traditionnels des gens du voyage avec ceux des réfugiés d'Europe de l'Est, dont certains sont peut-être des Roms mais pas, ou plus, des gens du voyage. Trop de citoyens - pire, d'élus -réagissent de manière affective, sans recul. Beaucoup d'amalgames ou d'idées fausses sont répandus et il y a grand danger à voir ainsi nourrir une forme de racisme. De leur côté, les gens du voyage, enfermés dans des rapports de force perpétuels sur le stationnement, ont tendance à les transposer à l'ensemble de leurs relations avec la société. Il faut casser ce cercle vicieux.
L'Education nationale a fait preuve d'ouverture dans la recherche de solutions adaptées à la scolarisation des enfants des gens du voyage et publié une importante circulaire, le 25 avril 2002, notamment pour faciliter leur accès au collège. Par ailleurs, l'étude sur les métiers et la formation professionnelle, un temps différée faute de budget, a finalement été lancée par les services de l'emploi. Nous en attendons beaucoup. Mais il faut d'abord résoudre les problèmes de stationnement pour avancer sur la scolarisation et la formation. La commission a aussi formulé des propositions de révision du code électoral. Le gouvernement s'y est montré favorable, c'est une question de tempo législatif. La modification annoncée de la loi électorale pourrait offrir une opportunité. Nous avons également le souci de prévenir les difficultés. Aussi avons-nous travaillé avec l'Education nationale et la sécurité routière sur les conséquences de la réforme du permis de conduire, applicable en 2004, qui impose d'être titulaire d'attestations scolaires de sécurité routière pour passer le permis et risque d'exclure les jeunes du monde du voyage. Dans ce domaine comme dans d'autres, la commission- qui devrait être bientôt renouvelée - s'attache à établir les conditions dans lesquelles les spécificités des gens du voyage peuvent être prises en compte dans le droit commun. Propos recueillis par Marie-Jo Maerel
(1) Disponible à la Commission nationale consultative des gens du voyage : 25/27, rue d'Astorg - 75008 Paris - Tél. 01 40 56 68 14.
(2) Voir ASH n° 2173 du 30-06-00 et n° 2225 du 24-08-01.
(3) Voir ASH n° 2243 du 28-12-01.