Selon l'Education nationale, près de 1 % des élèves du second degré sont concernés par l'absentéisme parce que, selon la définition légale, ils sont absents sans justification de leur établissement au moins quatre demi-journées par mois. D'autres sources administratives relèvent des taux de 2 à 2,5 %. Certains chercheurs vont jusqu'à 5 %. C'est dire que l'absentéisme est mal cerné, et c'est la première remarque du groupe de travail sur les manquements à l'obligation scolaire constitué le 1er octobre. Animé par Luc Machard, délégué interministériel à la famille, il a remis, le 21 janvier, un volumineux rapport (1) aux trois ministres commanditaires, Luc Ferry et Xavier Darcos, pour l'Education nationale, Christian Jacob, pour la Famille. Ce dernier, reconnaissant la nécessaire « actualisation » des règles de droit et des pratiques administratives, indique que le gouvernement « fera part de ses décisions » dans un mois .
S'il fait l'objet d'une évaluation quantitative incertaine, le non-respect de l'obligation scolaire pâtit plus encore de pratiques administratives très hétérogènes, cloisonnées et parfois inappropriées. L'une des 29 propositions formulées vise donc à favoriser une coopération accrue des acteurs concernés au sein d'une instance partenariale départementale, qui serait chargée de l'observation du phénomène, de l'impulsion d'actions de prévention et d'information, enfin du suivi et de l'évaluation des mesures adoptées.
Le groupe de travail suggère aussi de moderniser les textes en distinguant trois niveaux d'intervention. L'établissement scolaire serait chargé d'informer les familles dès le constat des premières absences, de « nouer avec elles une relation de confiance » pour trouver des solutions adaptées et, le cas échéant, de les orienter vers un soutien à l'exercice de la fonction parentale (en partenariat avec les associations concernées). A cet effet, les services de vie scolaire devraient être équipés de moyens informatiques et d'outils de communication plus performants. Un guide « concret et opérationnel » devrait être rédigé pour les personnels de direction. Enfin, il est rappelé que le chef d'établissement peut se rapprocher des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance lorsque les contacts avec la famille se révèlent difficiles. Les modalités de contrôle et de mesure de l'assiduité doivent être revues, suggère aussi le rapport, et le seuil de quatre demi-journées supprimé. La transmission du dossier à l'inspecteur d'académie devrait avoir lieu dès que le dialogue avec la famille est rompu et, en tout cas, dans un délai de un mois si les premières démarches sont restées sans effet.
Après avoir adressé aux familles un avertissement, l'inspecteur d'académie pourrait diligenter une enquête sociale ou saisir le parquet en vue d'une mesure d'assistance éducative. Il pourrait aussi proposer une ré-orientation ou convoquer la famille pour suivre un « module de responsabilisation parentale », mis en place avec les acteurs impliqués dans le soutien à la parentalité (caisse d'allocations familiales, union départementale des associations familiales, fédérations de parents d'élèves...).
Dans une « phase ultime et pour un nombre infime de parents récalcitrants », le recours à la sanction devrait être envisagé. En aucun cas par la suspension des allocations familiales : le groupe
de travail estime cette mesure infondée, inefficace et inéquitable et demande son abrogation. Par contre, il propose la modernisation des sanctions, soit en mobilisant l'article 227-17 du code pénal qui condamne les parents manquant à leur devoir d'éducation au point de mettre leur enfant en danger (2), soit en conservant une infraction spécifique, qui pourrait prendre la forme d'un délit ou d'une contravention de 5e classe.
Enfin, le rapport suggère que l'emploi illégal des mineurs soumis à l'obligation scolaire soit considéré comme une circonstance aggravante au délit de travail dissimulé. Car, à côté du phénomène de fréquentation irrégulière du système scolaire, il pointe aussi l'existence de jeunes « ascolarisés », notamment parmi les populations immigrées en situation irrégulière, et d'enfants brutalement déscolarisés et « perdus de vue ». Il en signale parmi les gens du voyage et les étrangers, mais aussi parmi les élèves poly-exclus, les jeunes délinquants en rupture sociale, les enfants subissant des placements successifs, les handicapés attendant une place dans un établissement spécialisé...
Le texte préconise enfin la mise en place d'un groupe interministériel de suivi et d'évaluation des mesures retenues.
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(2) Récemment modifié par la loi Perben, voir ASH n° 2276 du 13-09-02.