Le système français de garde des jeunes enfants est « l'un des plus généreux d'Europe », offrant aux parents « une grande diversité de modes d'accueil ». Mais « il n'est pas parfait pour autant », relève une étude présentée dans la dernière Lettre de l'Observatoire français des conjonctures économiques (1).
Selon son auteur, Hélène Périvier, le dispositif en place ne permet pas, en effet, de couvrir l'ensemble des besoins de la population et les possibilités qu'il offre ne sont pas accessibles à toutes les familles. « Il existe manifestement un décalage entre ce que souhaitent les parents et ce qu'ils obtiennent », remarque-t-elle ainsi, précisant que 43 % d'entre eux disent ne pas avoir accès au mode de garde désiré. La crèche et la garde à domicile sont les solutions les plus prisées et présentent une insuffisance de l'offre relativement à la demande. La première en raison du faible nombre de places disponibles et la seconde, à cause de son coût, qui la rend inaccessible aux familles les plus modestes. S'ajoutent à tout cela des disparités géographiques, les modes de garde n'étant pas répartis uniformément sur le territoire. « En caricaturant, les ménages pauvres habitant en zone rurale n'ont pas de places en crèche faute d'investissements suffisants » et, n'ayant pas les moyens de recourir à une aide à domicile, « doivent se rabattre sur le retrait du marché du travail de la mère, alors qu'un ménage riche habitant en zone urbaine pourra soit obtenir une place en crèche, soit, n'étant pas prioritaire, recourir à l'emploi d'une personne à domicile », résume l'auteur. D'où la nécessité, selon elle, de « réformer le système ». Ce que le gouvernement a promis de faire avec la mise en place d'une allocation unique - la « prestation d'accueil du jeune enfant » (PAJE) (2) destinée à remplacer toutes celles qui sont liées à la petite enfance - et qui, a priori, serait versée sans conditions de ressources ni de situation. Améliorera-t-elle le système actuel ? Elle en offrira, en tout cas, selon l'auteur, une « simplification drastique ». Pour le reste, deux scénarios sont envisagés.
Si la nouvelle prestation était appliquée à tout le dispositif, elle supprimerait les modulations de coûts en fonction des salaires. Conséquence : « Les ménages modestes qui utilisaient la crèche verraient leurs frais de garde augmenter [...]d'environ 400 € selon leur situation. » En outre, « le coût de la garde d'enfant, rendu quasi forfaitaire quel que soit le mode choisi, conduirait à un dispositif inéquitable, puisque certaines familles n'auraient pas les moyens financiers de faire garder leur enfant ». Et « les femmes faiblement qualifiées seraient incitées à cesser leur activité jusqu'aux trois ans de leur enfant ». En fait, seules les mères n'ayant jamais travaillé ou les parents utilisant des modes de garde informels gratuits (comme les grands-parents) y gagneraient.
Si la tarification progressive des crèches était conservée et que l'allocation unique ne s'appliquait qu'aux autres modes de garde, la crèche deviendrait alors le système le moins cher. Mais du coup, « la demande de places en crèche risquerait d'exploser ». Autrement dit, le libre choix ne serait toujours pas garanti.
Conclusion de l'auteur : la réforme, telle qu'elle se profile, s'annonce difficile à appliquer. Mais une première nécessité apparaît : « celle d'accroître l'investissement public afin d'augmenter la capacité d'accueil sur l'ensemble du territoire des établissements collectifs ».
(1) Lettre de l'OFCE n° 28 du 7 janvier 2003.
(2) Voir ASH n° 2282 du 25-10-02.