Faut-il ou non conduire contre leur gré les personnes sans abri vers les centres d'hébergement en période de grand froid ? La polémique, qui ressurgit avec plus ou moins de force chaque hiver en fonction du niveau des températures, n'a pas manqué de réapparaître cette année, alimentée par ce scandale absolu : neuf personnes sans logis sont mortes de froid en France au cours des deux dernières semaines. Ainsi, le mercredi 8 janvier, le préfet de police de Paris, Jean-Paul Proust, a donné la consigne aux pompiers et aux policiers, de prendre en charge « d'autorité » les personnes à la rue, au nom du devoir d'assistance à personne en danger, et de les amener temporairement dans un local des services de police ou de pompiers avant de leur faire intégrer un centre d'hébergement provisoire. Le préfet des Bouches-du-Rhône a fait de même le lendemain.
Les réactions, d'ailleurs très contrastées, ne se sont pas fait attendre. Ainsi, le président de la Croix-Rouge française, Marc Gentilini, s'est déclaré favorable à cette conception du devoir d'assistance. Celui du Samu social de Paris, Xavier Emmanuelli, en revanche, s'y est montré opposé. La secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, Dominique Versini, a quant à elle, le 9 janvier, lors d'une réunion rassemblant notamment préfecture de police de Paris, pompiers, Samu social (115) et médical (15), réaffirmé sa position, déjà exprimée dans sa circulaire du 13 septembre 2002 relative à l'hébergement d'urgence (1) : les personnes doivent être « orientées avec conviction » par les agents de police ou les pompiers vers des « lieux adaptés » - centres d'hébergement ou tout autre lieu ouvert pour la nuit - et non des commissariats de police. Du dialogue, donc, et non de la contrainte, qui risquerait de pousser certains à se mettre à l'abri des regards... et de toute possibilité de secours. En cas de doute sur l'état sanitaire d'une personne refusant d'être prise en charge - par peur de perdre son « territoire », crainte du vol, fréquent dans les centres, de la promiscuité des dortoirs ou par perte de la notion de danger - , les pompiers ou le 15 doivent être appelés et décider, ou non, d'une hospitalisation.
Dominique Versini a par ailleurs lancé le 14 janvier une campagne - par voie de presse, affiches, spots télé -, pour réveiller la « vigilance citoyenne » et inciter la population à appeler le 115 pour venir en aide aux sans-abri. Déjà, depuis la fin de l'année dernière, les présentateurs des bulletins météo télévisés délivrent ce message. « Il s'agit, à travers le choc du grand froid, d'inciter nos concitoyens à être attentifs tout au long de l'année », a insisté la secrétaire d'Etat. Les spécialistes de l'urgence sociale le répètent en effet : on meurt plus de froid au printemps, quand l'organisme a été affaibli par les mois d'hiver, que pendant les périodes de grand froid. Mais alors qui s'en soucie ?
C.G.
(1) Voir ASH n° 2281 du 18-10-02.