Le s représentants de la Coordination française pour le droit d'asile sont inquiets au plus haut point de la possibilité d'une mise sous tutelle du ministère de l'Intérieur du droit d'asile et de la protection des réfugiés », ont réagi les associations membres de ce collectif (1) à la suite d'une entrevue, le 9 janvier, avec une conseillère de Nicolas Sarkozy. Dans le « document de travail » qui lui a été communiqué à cette occasion- et qui devait encore être modifié, notamment à l'occasion d'une réunion interministérielle le 14 janvier -, la coordination décèle une « contradiction avec la philosophie et l'application pleine et entière de la convention de Genève de 1951 » et notamment un « affaiblissement du concept fondamental de “protection” ».
Au nombre de ses préoccupations figure le fait que ce document n'exclut pas que le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) - organisme jusqu'ici placé sous l'égide du ministre des Affaires étrangères - soit désormais nommé par le ministre de l'Intérieur. Ce qui constituerait, selon les associations, une source de confusion entre les missions de police et d'ordre public et « celles qui relèvent de la garantie de la protection ».
Autres motifs d'inquiétude : l'exclusion du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et du représentant des associations du conseil d'administration de l'OFPRA, l'absence de toute référence à l'audition systématique des demandeurs d'asile par l'Office, ou encore de propositions relatives à l'hébergement et à l'accompagnement social et juridique des demandeurs. Le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) (2) insiste, lui, sur les « contours incertains » de la « protection subsidiaire » qui viendrait remplacer l'asile territorial, un flou qui « ouvre la porte à la généralisation des statuts précaires et révocables ». Quant à l'accélération de la procédure d'asile, qui pourra dans certains cas être limitée à 72 heures, elle met en place « un véritable dispositif à débouter et à refouler ». Autre regret, que le projet, en prévoyant que ne seront pas recevables les demandes d'asile de personnes pouvant trouver protection sur « tout ou partie du territoire de [leur] pays d'origine », entérine le principe de l' « asile interne ». Ce qui, selon le GISTI, « permet aux pays signataires de la convention de Genève de se défausser de leur responsabilité à l'égard des populations en quête de protection ». D'une façon générale, l'ensemble des associations dénoncent un alignement par le bas des législations des pays de l'Union européenne sur l'asile.
En parallèle, un conseil interassociatif lyonnais- rassemblant notamment Forum réfugiés, la Cimade, la Croix- Rouge, le Secours catholique (3) - a lancé, le 16 janvier, un appel national pour la création de 15 000 nouvelles places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) dans toute la France, avant l'automne 2003. Ces créations (4) auraient l'avantage de soustraire davantage de personnes « à l'em- prise des trafiquants qui profitent de leur vulnérabilité ». Elles permettraient également de réduire certaines inégalités. Actuellement, par manque de places, la priorité pour l'accès aux CADA est presque systématiquement donnée aux familles, les personnes isolées devant se débrouiller seules. Or « les demandeurs d'asile qui bénéficient d'un accompagnement en CADA obtiennent à plus de 60 % le statut de réfugié, alors que la moyenne nationale est de 20 % », rappellent les organisations. Qui souhaitent que soit porté à 250 le nombre minimum de places par département, de façon à permettre « un redéploiement national et la concrétisation d'une solidarité normale entre les zones de fortes arrivées et les autres ».
(1) Coordination française pour le droit d'asile - Contact : Cimade - 176, rue de Grenelle - 75007 Paris - Tél. 01 44 18 60 50 ou Ligue des droits de l'Homme : 138, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 56 55 51 00.
(2) GISTI : 3, villa Marcès - 75011 Paris - Tél. 01 43 14 84 84.
(3) C/o : Forum réfugiés - BP 1054 - 69612 Villeurbanne cedex - Tél. 04 72 97 05 80.
(4) Qui viendraient s'ajouter aux 10 000 places actuelles et qui iraient au-delà de l'intention du gouvernement d'atteindre le seuil de 17 000 places en CADA d'ici à 2005 - Voir ASH n° 2287 du 29-11-02.