« Impliqué dans les domaines économiques et politiques traditionnels, le Medef se positionne aujourd'hui en acteur global de la société et en théoricien de sa refondation dans un monde d'incertitudes. Tête pensante de l'ultra libéralisme, il plaide désormais pour un droit d'ingérence dans le champ de l'économie sociale et solidaire afin de la faire basculer dans le principe des mécanismes du marché dont on ne saurait attendre qu'ils produisent la loi, si ce n'est celle de la jungle.
Ainsi, il vient de marquer sa volonté d'investir directement l'action sociale, essentiellement gérée par le secteur associatif sans but lucratif, et dont le premier principe est la redistribution des bénéfices au service d'un projet. Pour la première fois d'ailleurs, les employeurs de l'économie sociale, en mal de reconnaissance, sont venus concurrencer la liste monopoliste de la représentation employeur aux élections prud'homales.
La réalité de la démarche patronale...
Bien que cautionné par une surdose de bons sentiments, le Medef reste le défenseur d'un système sociétal qui vante l'assurance privée plutôt que la solidarité nationale, le marché financier plutôt que l'Etat régulateur, l'individualisme forcené pour qui la fin justifie les moyens plutôt que le sens commun de l'intérêt collectif. Il représente ces décideurs qui croient pouvoir s'affranchir de la nécessaire solidarité avec autrui, faisant du social une charge et non une exigence. Autrement dit ceux qui sont partout bien placés pour profiter de tout, de la croissance comme de la crise, des catastrophes industrielles et de leurs réparations, qui courent après toutes les richesses et stigmatisent l'Etat protecteur, quand tout va bien, mais qui se tournent vers celui-ci dès qu'il y a un problème, lui demandant toujours plus de subventions et d'allégements d'impôts et de charges. Les vertus du réalisme économique et de l'individualisme jouisseur et triomphant, qui ne l'est pas pour tout le monde, représentent ses valeurs absolues et sont naturellement incompatibles avec les principes humanistes dans un secteur où l'exigence d'équité, de qualité et de continuité ainsi que la non-discrimination constituent des principes inaltérables.
Le travail social, promu par des acteurs associatifs courageux, disponibles et désintéressés, centre son action sur l'être humain et se déploie autour de la notion de besoins, avec des exigences de contenus et de moyens humains, financiers et matériels. Ses professionnels, réputés peu dociles quelle que soit leur fonction, dont l'image est si souvent caricaturée, agissent quotidiennement pour comprendre la souffrance et être présents, écouter, encourager, inventer et proposer des solutions à des personnes en grande difficulté et qui vivent des situations sociales dramatiques.
Cependant, on ne doit pas ignorer la puissance de feu de l'organisation patronale et surtout sa capacité à séduire notamment ces “managers” tentés de gérer les institutions médico-sociales sur le modèle de l'entreprise privée, mais avec les deniers publics dont une masse importante est d'ailleurs vampirisée par les puissances financières.
Le rapport du Medef : analyse de la rédaction et premières réactions associatives ASH n° 2270 du 5-07-02, page 36 ASH n° 2271 du 12-07-02, page 5 ASH n° 2272 du 19-07-02, page 29 ASH n° 2275 du 6-09-02, page 37
Sous la plume du philosophe Saül Karsz... ASH n° 2274 du 30-08-02, page 23
... du sociologue, Joseph Haeringer et du docteur en philosophie, Laurent Ott... ASH n° 2275 du 6-09-02, pages 25 et 36
... du sociologue Raymond Curie... ASH n° 2276 du 13-09-02, page 23
... du directeur de l'Uriopss Aquitaine, Henri Rami... ASH n° 2277 du 20-09-02, page 33
... et de Didier Martinelli, directeur d'IME ASH n° 2283 du 1-11-02, page 23
Le secteur de la formation professionnelle n'est pas le moindre à subir les pressions du Medef avec celui des formations initiales au travers du dispositif d'apprentissage mis en place de façon expérimentale, en concomitance avec la validation des acquis, et qui vise à favoriser les compétences au détriment de la qualification. Cette expérimentation, sous la responsabilité des employeurs, sera- t-elle à la hauteur des enjeux avec le risque d'une opérationnalité, certes immédiate, mais au détriment d'un travail sur soi et de ce qui fait sens dans les actes professionnels ?
Les intervenants socio-éducatifs ont besoin d'avoir des connaissances et des savoirs situés à l'intersection des différents champs des sciences humaines et juridiques tout en étant capables de s'intégrer rapidement et sereinement dans une équipe pluridisciplinaire.
Comme l'éducation, le social a deux ennemis :l'uniformisation de l'individu et l'argent. L'arrivée d'une élite patronale prédatrice ne ferait que renforcer une violence envers les usagers et les professionnels parce que la notion d'individu standardisé réduit ce dernier à une marchandise, où l'épanouissement de chacun est troqué contre l'idée de réussite. Alors ne laissons pas le libéralisme pur et dur phagocyter littéralement les sciences de l'être au moment même où, comme par hasard, un ex-haut fonctionnaire jette le discrédit sur la gestion associative du secteur du handicap (1). »
Laurent Gavelle Cadre de direction : 42, rue Jean-Jacques-Rousseau - 92130 Issy-les-Moulineaux -Tél. 01 46 48 85 85.
(1) Voir ASH n° 2285 du 15-11-02.