C'est un « paradoxe » qui court tout au long du dernier numéro de la revue Recherches et Prévisions, éditée par la caisse nationale des allocations familiales, consacré à la médiation familiale (1). « En moins de 15 ans, [elle] est passée du statut de pratique exotique et marginale importée d'outre-Atlantique à celui d'une profession reconnue », notent Laure Cardia-Vonèche et Benoît Bastard. Mais les deux sociologues relèvent aussi que cette pratique s'institutionnalise (2) alors même qu'elle reste peu répandue. Ce numéro spécial a le mérite de faire le point sur l'offre de médiation développée ou soutenue par certaines caisses d'allocations familiales tout en s'interrogeant, plus fondamentalement, sur le succès de la démarche. Celui-ci, estime le chercheur Gilles Jeannot, après une étude menée dans trois caisses, semble moins découler d'une « demande sociale » que du souhait de certains assistants sociaux de retrouver une activité cen- trée sur la relation individuelle et de la démarche militante d'associations.
Malgré le postulat d'un tiers impartial aidant les deux parties à trouver un accord, la pratique de la médiation n'a rien de neutre, souligne également une autre chercheuse, Laurence Dumoulin, observatrice des travaux réalisés dans le cadre du groupe de travail dirigé par Monique Sassier (3). L'exercice véhicule forcément une vision des relations conjugales, parentales et sociales... Laquelle, remarque Gilles Jeannot, est souvent fort éloignée de la réalité des situations conflictuelles où la médiation est censée intervenir (4), souvent dominées par la passion, la rancune, les rapports de domination, que le « travail subtil » de médiation, loin de l'équanimité, tendrait alors à rééquilibrer. Autant de points de vue décapants susceptibles de nourrir la réflexion et le débat.
(1) « La médiation familiale. Premiers éléments d'évaluation » - Recherches et Prévisions n° 70 - Décembre 2002 - CNAF : 23, rue Daviel - 75634 Paris cedex 13 - Tél. 01 45 65 52 52.
(2) Voir ASH n° 2236 du 9-11-01 et n° 2247 du 25-01-02.
(3) Voir ASH n° 2221 du 29-06-01.
(4) Voir aussi la tribune libre publiée à ce sujet dans le n° 2278 du 27-09-02.