Le Conseil national du sida s'est prononcé, dans un avis du 12 décembre, sur la question du dépistage du VIH chez une personne suspectée d'un viol. Une décision qui intervient dans un contexte particulier, puisque le 20 novembre, deux semaines après une recommandation de l'Académie de médecine allant dans ce sens, le garde des Sceaux, Dominique Perben, avait annoncé à l'Assemblée nationale l'intention du gouvernement d'introduire dans le droit « l'obligation d'un test de dépistage du VIH sur tout agresseur sexuel ».
Dans son avis, le conseil relève qu'après un viol, la première urgence est la prise en charge médicale de la victime sous 48 heures et l'administration d'un traitement contre le VIH pendant 28 jours. Par ailleurs, tout en reconnaissant l'intérêt de l'information acquise par le dépistage pratiqué sur la personne suspectée pour décider d'arrêter le traitement, il en dénonce les limites. Il note, en effet, qu'en raison du délai entre le moment de la contamination par le VIH et la séroconversion (1), un résultat négatif du test de dépistage ne garantit pas l'absence d'infection. En outre, si l'agresseur présumé n'est pas interpellé rapidement, son dépistage effectué dans une période éloignée du moment de l'agression perd de son intérêt pour la victime : celle-ci aura continué à prendre le traitement, voire l'aura déjà mené à son terme.
Surtout, l'instance réaffirme son attachement de principe au consentement du suspect au dépistage de l'infection au VIH. En sus, elle rejette toute analogie entre le dépistage du VIH/sida d'un suspect et la procédure d'identification par l'ADN, mise en place par la loi du 17 juin 1998 portant création du fichier national automatisé des empreintes génétiques. Pour elle, ces deux démarches ont notamment des finalités différentes : la première vise exclusivement à proposer le traitement le mieux adapté à la victime, tandis que la seconde s'inscrit dans une procédure d'administration de la preuve et de recherche de la vérité propre à l'enquête judiciaire.
Dès lors, le Conseil national du sida plaide en faveur de l'amélioration de la procédure de prise en charge physique et psychologique de la victime. A cet effet, un accueil médico-psychologique spécifique, conduisant in fine à un médecin compétent dans le domaine du VIH, doit être proposé. Parallèlement, une procédure de recueil du consentement du suspect, conforme aux principes du dépistage du VIH/sida (libre consentement et confidentialité), doit, selon lui, être prévue dans les délais permettant une éventuelle suspension du traitement. A cette fin, il préconise qu'un médecin soit requis par l'autorité judiciaire pour une visite médicale qui pourrait avoir lieu dès la première heure de la garde à vue, pour proposer et expliquer le dépistage du VIH au suspect afin d'obtenir son consentement et de prescrire le test sérologique. Le praticien devrait alors informer, dans le respect des règles de confidentialité, le médecin de la victime de la possibilité de suspendre son traitement ou de le poursuivre jusqu'à son terme, voire de le modifier. Et, le cas échéant, communiquer à la personne gardée à vue sa séropositivité.
Au final, l'instance s'interroge sur « l'utilité d'une mesure de dépistage obligatoire, d'autant qu'on ne saurait aller jusqu'à imposer un dépistage sous la contrainte physique, contraire à tous les principes d'éthique et de droit internationaux et à toutes les règles de déontologie médicale ».
(1) La séroconversion est l'apparition dans le sang d'anticorps en réponse à l'entrée d'un agent infectieux dans l'organisme ou après une vaccination (passage d'une séronégativité à une séropositivité).