Le combat, à coups d'amendements et de motions de procédure, mené par l'opposition, n'a pas porté ses fruits : le Parlement a également entériné, le 19 décembre, le projet de loi de François Fillon « portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques ».
Sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel qui pourrait être saisi par les parlementaires des groupes PS et PC, ce texte, pour l'essentiel, revient sur une série de dispositions du volet anti-licenciements de la loi de modernisation sociale. Lequel, pour mémoire, avait essentiellement pour objectif de lutter contre les licenciements dits boursiers (1). En outre, des amendements portant notamment sur les contrats à durée déterminée et le harcèlement moral ont été adoptés.
Neuf articles de la loi de modernisation sociale seront suspendus pour une durée maximale de 18 mois à compter de la promulgation de la loi :
l'article 96 (obligation pour l'employeur d'avoir négocié les 35 heures avant de procéder à un plan social) ;
l'article 97 (consultation obligatoire du comité d'entreprise [CE] avant toute cessation d'activité entraînant la suppression d'au moins 100 emplois ; obligation d'une étude d'impacts social et territorial ) ;
l'article 98 (étude d'impact pour tout projet de développement affectant les conditions d'emploi et de travail de l'entreprise) ;
l'article 99 (obligation de réunir et de consulter le CE ou les délégués du personnel en cas de licenciements économiques dans une entreprise d'au moins 50 salariés) ;
l'article 100 (information, par l'employeur, des élus du personnel avant une annonce publique ayant des conséquences pour l'emploi) ;
l'article 101 (obligation d'informer et de consulter le CE sur tout projet de restructuration et de compression des effectifs ; droit d'opposition de ce dernier) ;
l'article 106 (possibilité de saisir un médiateur) ;
l'article 109 (suppression du critère de « qualités professionnelles » pour déterminer l'ordre des licenciements lors d'un licenciement économique collectif) ;
l'article 116 (renforcement des prérogatives de l'inspection du travail).
Pendant cette période, les partenaires sociaux sont invités, au niveau national, à conduire des négociations interprofessionnelles. Au vu des résultats, le gouvernement élaborera un autre projet de loi définissant les procédures relatives à la prévention des licenciements économiques, aux règles d'information et de consultation des représentants du personnel et au plan de sauvegarde de l'emploi. La suspension des dispositions précitées sera maintenue pour une durée de un an à compter du dépôt de ce texte.
Dans l'intervalle, ce sont les dispositions du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 qui s'appliqueront.
Enfin, toujours pendant ces 18 mois, la loi Fillon autorise les partenaires sociaux à signer, à titre expérimental, des accords d'entreprise fixant les conditions d'information et de consultation du comité d'entreprise lorsque l'employeur projette de prononcer le licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés sur une même période de 30 jours. Conclus pour une durée n'excédant pas deux ans, ces accords pourront déroger aux dispositions légales. Leurs conditions de validité sont strictement définies.
En vue d'améliorer la formation professionnelle des salariés sous contrat à durée déterminée, une convention ou un accord collectif de branche étendu pourra prévoir de limiter l'indemnité de précarité de fin de contrat à hauteur de 6 % - la loi de modernisation sociale l'avait portée de 6 % à 10 % (2) - dès lors que des contreparties leur sont offertes, « notamment sous la forme d'un accès privilégié à la formation professionnelle ». Dans ce cas, la convention ou l'accord peut prévoir les conditions dans lesquelles les intéressés peuvent suivre, en dehors du temps de travail effectif, une action de développement des compétences ainsi qu'un bilan de compétences. Actions qui sont assimilées à celles réalisées dans le cadre du plan de formation.
La loi instaure également un nouveau cas de recours au contrat à durée déterminée : le remplacement temporaire d'un chef d'exploitation agricole, de son conjoint collaborateur ou d'un collaborateur non salarié.
Enfin, elle revoit certaines dispositions de la loi de modernisation sociale sur le harcèlement moral (charge de la preuve, recours à un médiateur).
(1) Voir ASH n° 2265 du 31-05-02.
(2) Voir ASH n° 2261 du 3-05-02.