Le gouvernement n'en a pas fini avec la question des emplois-jeunes - dont les derniers contrats expirent en 2007. « La bataille ne fait que commencer », a même déclaré, le 12 décembre, Hubert Prévot. En présence de plusieurs représentants de coordinations associatives et de fédérations de syndicats d'employeurs (1), le président de la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) (2) a réclamé, non pas la reconduction du programme dont la fin était connue, mais la pérennisation des emplois à laquelle l'Etat s'était engagé. Car celle-ci est loin d'être assurée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2003. En effet, 36 443 emplois-jeunes arriveront à leur terme d'ici à la fin de 2003. Or, selon les estimations de la CPCA, les 40 millions d'euros pour la prime à l'épargne consolidée et les 10 millions d'euros de soutien financier exceptionnel pour les conventions triennales, qui ont été prévus, ne couvriraient respectivement que 28 % et 2,7 % des besoins.
Dès le mois d'août, la CPCA avait lancé une campagne nationale (3) pour alerter le gouvernement sur les conséquences dramatiques d'une sortie trop brutale du dispositif pour les publics, les activités et les associations. « Pour beaucoup d'entre elles, l'emploi-jeune a constitué le premier emploi. Les associations sont dans une phase d'apprentissage de la fonction d'employeur. Les laisser au milieu du gué serait une catastrophe », prévient Martine Gaudin, secrétaire nationale de la vie associative à la Ligue de l'enseignement. Depuis le mois d'octobre, François Fillon a reçu environ 500 lettres d'associations de toute la France pour lui signifier l'utilité d'un dispositif novateur qui subordonne l'emploi des jeunes à la création d'activités nouvelles. Et une dizaine de courriers continuerait d'arriver chaque jour sur son bureau. Certaines régions seraient prêtes à se mobiliser :la CPCA Picardie pourrait organiser une journée d'action si elle n'obtenait pas de réponses sur les demandes de pérennisation. Quant à la CPCA Bretagne, elle s'inquiétait, lors d'une conférence de presse organisée le 10 décembre, du sort des petites associations, à qui l'on doit la création de la moitié des emplois- jeunes.
Par ailleurs, de nombreux parlementaires et élus locaux ont été interpellés, faisant remonter le débat au niveau politique. Une pression qui, selon Hubert Prévot, commencerait à donner des résultats puisque le gouvernement qui « faisait la sourde oreille jusqu'ici » semblerait prêt à amorcer le dialogue.
L'Etat est libre d'inventer de nouvelles modalités d'action en créant le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) ou le contrat jeune en entreprise. Encore faut-il qu'il veille à une certaine stabilité des choix budgétaires pour ne pas entrer en contradiction avec la logique associative qui se construit dans la durée. Surtout, estime Hubert Prévot, « ce qui est choquant, c'est qu'il n'y a aucune concertation avec ceux qui pourraient contribuer au succès des nouvelles politiques mises en places ». « Les associations, déplore Bruno Grouès, conseiller technique à l'Uniopss, n'ont pas été consultées sur la pérennisation des emplois-jeunes. Elles ne le sont pas davantage sur le CIVIS ou le revenu minimum d'activité. »
Ce sentiment de mise à l'écart est d'autant plus mal ressenti que François Fillon a répété à plusieurs reprises qu' « il n'y a pas d'avenir professionnel en dehors de l'économie marchande ». « Autant dire qu'entre le secteur public et l'entreprise de capitaux à but lucratif il n'y a pas de place pour un tiers secteur », s'insurge Hubert Prévot, qui se demande s'il faut voir dans les propos du ministre des Affaires sociales un esprit de polémique ou une soumission à l'idéologie du Medef. « Personne ne semble avoir compris que le secteur associatif [qui emploie 1,6 million de salariés et aura été le premier créateur d'emplois dans les dix dernières années] avait une fonction d'employeur », ironise Frédéric Lefret pour l'Unifed. Les 11,3 % de voix remportées aux prud'homales (voir ci-contre) par l'Association des employeurs de l'économie sociale, devenue la seconde force patronale, seront-elles suffisamment explicites ?
I. S.
(1) Le Cnajep, la Ligue de l'enseignement, l'Uniopss, le Celavar, l'Usgeres et l'Unifed.
(2) CPCA : 14, passage Dubail - 75010 Paris - Tél. 01 40 36 80 10.
(3) Voir ASH n° 2279 du 4-10-02.