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Chantiers d'insertion : de nécessaires clarifications

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Le 12 décembre a eu lieu la première réunion entre acteurs associatifs et délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) sur l'avenir des chantiers d'insertion et leurs difficultés de financement. Une réflexion engagée à la suite des protestations suscitées par une circulaire de septembre du ministère des Affaires sociales restreignant notamment le taux de prise en charge par l'Etat des contrats emploi-solidarité (CES), sur laquelle il est revenu par la suite (1). Cette première prise de contact devrait être suivie d'une seconde réunion le 4 février. Entre temps, à la mi-janvier, les associations (2) devraient se rencontrer pour préparer une évaluation du coût des chantiers d'insertion - plus particulièrement du coût de l'encadrement et de l'accompagnement socio-professionnel - et des préconisations sur les contrats à proposer à leurs publics en lieu et place des actuels CES et contrats emploi consolidé (CEC).

2 300 chantiers d'insertion

Ces réflexions devraient être étayées par une récente étude sur ces chantiers, réalisée par le cabinet lyonnais SILOE pour le compte de la délégation générale à l'emploi, qui dresse un état des lieux complet de ces actions et des difficultés rencontrées. Des chiffres, tout d'abord. On recense environ 2 300 chantiers d'insertion en France, répartis très inégalement. Ils sont ainsi 2 dans le Val- d'Oise, le Tarn-et-Garonne et la Corse- du-Sud et 164 dans le Pas-de-Calais. D'une façon générale, « les pôles de concen-tration importante de chantiers sont également des zones fortement peuplées »  : Ile-de-France, Nord, Rhône-Alpes, vallée du Rhône, arc méditerranéen, Bretagne. L'immense majorité (85 %) des actions sont portées par des associations, 7 % par des communes et près de 7 % également par des établissements publics de coopération intercommunale.

Les filières d'activité les plus représentées, quant à elles, sont l'environnement, les espaces verts, les forêts (49 % des chantiers), le BTP (29 %) et les activités agricoles (7 %). Ces travaux à l'extérieur, souvent proposés car ils permettent de « faire évoluer les personnes dans un espace ouvert sans les oppresser », sont d'ailleurs source de préoccupation. Une étude menée dans les Côtes-d'Armor a montré que des personnes sortant de chantiers d'insertion en plein air se trouvaient souvent, lorsqu'elles étaient recrutées par des entreprises locales du secteur agroalimentaire, dans l'incapacité d' « évoluer dans un univers aseptisé et relativement clos ». D'où un « pourcentage important d'échecs en termes de retour à l'emploi ».

Quelles sont les caractéristiques des publics accueillis, nombreux puisqu'en 2000, environ 40 000 personnes sont passées dans 2 000 structures porteuses de chantiers, selon une estimation de la DGEFP ? Ce sont majoritairement des hommes, même si, « pour répondre aux attentes des pouvoirs publics et aux besoins de la population, les structures porteuses semblent faire des efforts » en direction des femmes.

Surtout, note l'étude, « les structures d'insertion par l'activité économique, et les chantiers d'insertion en particulier, sont aujourd'hui confrontés au noyau dur des personnes les plus éloignées de l'emploi ». De sorte qu'il devient plus difficile de « s'appuyer sur quelques éléments moteurs qui “tirent” le reste de l'équipe ». Autre conséquence, la très grande majorité de ces chantiers sont « positionnés prioritairement sur un traitement de problématiques sociales [comme l'apprentissage ou le réapprentissage des règles de vie en groupe, des contraintes du travail...] et de manière secondaire sur la résolution de difficultés d'ordre professionnel ».

Point faible :l'accompagnement professionnel

De fait, si l'accompagnement social au sein de ces structures, individualisé et fonctionnant en partenariat avec les relais locaux, est jugé efficace, l'appréciation portée sur l'accompagnement professionnel est beaucoup plus sévère. La mise au travail apparaît « relativement statique », avec peu d'évolution. Le recours à des évaluations en milieu de travail et l'aide à l'élaboration d'un projet de formation à la sortie du chantier demeurent assez « sporadiques ». Il est en outre « très rare qu'un travail approfondi soit mené sur le repérage des compétences et savoir-faire acquis et sur leur transférabilité à d'autres secteurs professionnels ». Au final, cet accompagnement est plutôt axé sur une « logique “d'outillage” » - par des techniques de recherche d'emploi, la connaissance des organismes relais... - que sur la construction d'un réel projet professionnel, qui reste l'exception. « Si l'on s'en tient uniquement aux taux de sortie vers l'emploi (aux environs de 30 % dans la plupart des cas), il semblerait peu efficace », souligne l'étude. Laquelle épingle aussi la tendance des structures porteuses « à vouloir elles-mêmes apporter des réponses aux problématiques repérées... sans toujours en avoir la capacité ». Ainsi, les compétences de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) en matière d'aide au retour à l'emploi sont très peu sollicitées. Quant aux relations des chantiers d'insertion avec les autres structures d'insertion par l'activité économique, elles sont rares, obérées par une méconnaissance réciproque, des préoccupations liées à la concurrence, ou de profondes différences culturelles -les entreprises d'insertion ou de travail temporaire d'insertion ayant par exemple des exigences de production.

Cibler sur l'orientation sociale

Face à cette situation insatisfaisante, le cabinet SILOE préconise en premier lieu le maintien du dispositif, qui « concerne un public qui ne trouverait pas de réponse par ailleurs » et « permet d'obtenir des résultats sur la resocialisation des personnes ». Mais « il faut affirmer politiquement [son] intérêt et [son] rôle en redéfinissant peut- être son positionnement prioritaire sur une orientation sociale et comme une étape préparatoire à un travail sur l'insertion professionnelle, en rappelant la pertinence et la complémentarité des différents outils de l'insertion par l'activité économique et en clarifiant notamment la différence et les synergies possibles entre chantiers et entreprises d'insertion ». Ce repositionnement devrait s'accompagner d'un assouplissement de la procédure d'agrément des publics par l'ANPE tenant compte du « rôle de filtre, de diagnostic du niveau des personnes » que jouent les chantiers. L'étude propose une délivrance formelle de l'agrément après une période de présence sur le chantier (par exemple trois mois), ce qui n'exclurait pas la mise en place d'un pré-agrément plus simple pour intégrer le chantier.

Mais c'est aussi à une remise à plat complète des mécanismes de financement des chantiers d'insertion qu'il faut procéder. En effet, si les structures porteuses préfèrent souvent, sans en avoir toujours le savoir-faire, gérer en interne l'accompagnement professionnel et la préparation à la sortie en les mettant en œuvre sous forme de formation, c'est qu'elles peuvent obtenir des financements, avance le rapport. Par ailleurs, l'accompagnement des personnes est principalement abondé par les conseils généraux, qui réservent souvent ce soutien aux seuls titulaires du revenu minimum d'insertion (3). Ce qui met un frein à la mixité des publics, « indispensable notamment pour permettre une certaine dynamique au sein des chantiers ». Mais pour les actions accueillant des publics variés, le financement de l'encadrement et de l'accompagnement est souvent aléatoire et précaire, variant d'un lieu à l'autre, reposant ici sur le conseil régional, là sur la direction départementale des affaires sanitaires et sociales... Pour y remédier, le cabinet SILOE suggère deux pistes : une aide au poste d'accompagnement ou la possibilité de commercialiser au-delà de la limite actuelle (4).

C. G.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2277 du 20-09-02 et n° 2283 du 1-11-02.

(2)  Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, Réseau national des acteurs de l'insertion et de la formation (chantiers-écoles), Fédération Coorace, Comité national de liaison des régies de quartier, Réseau Cocagne. Contact : FNARS : 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. 01 48 01 82 00.

(3)  Lesquels représentent 70 % du public des chantiers.

(4)  Selon la circulaire du 20 juin 2000 relative au secteur mixte, les structures qui à la fois proposent des activités d'utilité sociale et vendent des biens et services doivent faire en sorte, pour se voir attribuer des CES et CEC, que les recettes tirées de la commercialisation ne dépassent pas les 30 % de l'ensemble de leurs ressources financières. Voir ASH n° 2173 du 30-06-00.

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