« A l'occasion de l'installation du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le 3 décembre, une réflexion lucide sur l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap s'impose.
Actuellement, 622 000 personnes handicapées ont un emploi soit dans le secteur privé (350 000) ou public (148 000), soit en milieu protégé (107 000) ou encore comme travailleurs indépendants (17 000), selon le rapport Blanc (1).
Derrière ces seuls chiffres, plusieurs évidences et réalités criantes :
fin 2001, le taux de chômage des travailleurs handicapés était proche de 26 %contre 9 % de la population française, soit 218 000 personnes handicapées demandeurs d'emploi ;
à la même date, 37 %des entreprises assujetties à l'obligation d'emploi (loi du 10 juillet 1987) n'emploient aucun travailleur handicapé et ne recourent à aucune forme de sous-traitance. Près de 26 700 entreprises préfèrent, en contrepartie de leur manquement, verser une taxe à l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées qui dispose ainsi d'un apport de 349 millions d'euros.
Le niveau de formation et de qualification des travailleurs handicapés est significativement inférieur à la moyenne nationale. Un tiers n'a aucun diplôme. Et 85 % des travailleurs handicapés inscrits à l'ANPE avaient un niveau de qualification inférieur ou égal au CAP/BEP en 2000.
Le travail “protégé” s'inscrit dans deux logiques complémentaires. En “ateliers protégés” (18 000 places), qui conduisent un objectif d'insertion professionnelle, les personnes relèvent du code du travail et des conventions collectives. Elles bénéficient d'une rémunération comprise entre 90 % et 130 % du SMIC. Dans le cadre des centres d'aide par le travail (95 800 places), la mission est avant tout d'ordre médico-social, l'Etat prenant à sa charge le financement principal. Les personnes accueillies, dont la capacité de travail est généralement inférieure à un tiers de la capacité normale, relèvent du code de la famille. Elles bénéficient d'une rémunération comprise entre 55 % et 110 % du SMIC. Mais ateliers protégés et centres d'aide par le travail (CAT) sont aujourd'hui totalement engorgés.
En matière d'emploi, l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) demande en priorité que soit offerte à toutes les personnes handicapées la possibilité d'exercer une activité professionnelle. Il s'agit de favoriser l'insertion professionnelle en milieu ordinaire de travail pour les personnes handicapées qui le peuvent et de permettre aux autres, qui ne peuvent y participer de manière transitoire ou durable, d'accéder à des structures de travail protégé.
Le constat de difficultés persistantes d'accès à l'emploi des personnes handicapées est dénoncé par les associations qui demandent de nouvelles dispositions pour inciter leur insertion professionnelle en milieu de travail ordinaire et pour moderniser le fonctionnement des structures de travail protégé. Des récents rapports Assante (2) et Blanc au colloque Handicap-Incapacité-Dépendance (3), tous les éléments sont aujourd'hui réunis pour organiser un vaste et large débat public sur l'insertion professionnelle des personnes handicapées que les associations appellent de leurs vœux, sans qu'il soit nécessaire de polémiquer, à partir d'allégations approximatives et provocatrices qui ne servent nullement les personnes handicapées qu'elles prétendent défendre.
L'insertion des personnes handicapées dans le marché du travail ordinaire rencontre aujourd'hui de multiples obstacles. Outre les effets d'une conjoncture économique défavorable qui conduisent les entreprises à une position attentiste et pénalisent plus fortement encore leur embauche, les personnes handicapées rencontrent dans leurs démarches de recherche d'emploi des difficultés liées également à leur âge moyen très supérieur à celui des salariés (l'écart est d'environ dix ans). Par ailleurs, les effets de seuil par rapport aux plafonds de ressources de certaines allocations (allocation aux adultes handicapés [AAH], allocation compensatrice pour tierce personne...) peuvent également constituer un facteur désincitatif à la recherche d'emploi pour les personnes handicapées.
Il s'agit dès lors de :
promouvoir la formation professionnelle ;
favoriser le développement des IMPro ;
soutenir un dispositif d'apprentissage adapté (centre de formation d'apprentis spécialisés) ;
engager la modernisation technique et pédagogique des centres de rééducation professionnelle ;
développer les contrats de qualifications adultes ;
créer un statut d'apprenti instituant un contrat de travail et un droit à la formation ;
renforcer la fonction d'accompagnement social dans l'emploi ordinaire et développer le réseau Cap-Emploi ;
autoriser à titre transitoire le cumul de l'AAH avec des revenus d'activité, dans l'attente de la mise en place du droit à la compensation des incapacités ;
augmenter le nombre de contrats aidés destinés aux personnes handicapées (contrat emploi- solidarité, contrat emploi consolidé, contrat initiative emploi) ;
mettre en œuvre les dispositifs pour la vie auto- nome ;
développer les services d'accompagnement à la vie sociale.
Les structures de travail protégé demeurent une véritable opportunité de participation à la vie économique pour les personnes handicapées dont la productivité est généralement très faible, en particulier pour les personnes handicapées mentales et psychiques.
Il est aujourd'hui nécessaire de souligner l'ampleur de la mission remplie par les structures de travail protégé, d'assurer une meilleure prise en compte des intérêts des personnes handicapées y travaillant et de favoriser leur insertion en milieu ordinaire de travail.
Il est donc à cet égard nécessaire :
d'établir un état des lieux quantitatif et qualitatif des CAT et des besoins de leurs employés ;
de mettre en place les conseils de la vie sociale institués par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale afin d'associer les personnes bénéficiaires des prestations au fonctionnement des établissements tels que les CAT ;
d'augmenter le nombre de places en CAT et de clarifier leur mode de financement ;
d'augmenter le nombre de places en ateliers protégés et d'engager leur modernisation ;
d'améliorer le statut juridique des employés handicapés en CAT afin de moderniser leur droit (droit d'expression et de représentation, formation continue...) ;
de prolonger, de manière transitoire, la garantie de ressources pour consolider l'intégration en entreprise.
Mais l'emploi n'est pas tout. L'Uniopss souhaite, de longue date, la mise en place d'une politique globale d'intégration des personnes en situation de handicap dans la société. Elle n'a cessé de rappeler que les personnes handicapées ont besoin de politiques volontaristes coordonnées en matière d'emploi, de logement, d'accès aux transports, de culture, de tourisme, etc.
La révision de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, annoncée par le nouveau gouvernement qui prévoit de déposer un projet de loi en 2003, constitue le cadre adapté pour engager le débat de société attendu. Cette loi devra répondre aux défis de l'intégration scolaire et professionnelle et de la garantie d'accès, pour toutes les personnes en situation de handicap, à toute la vie en société. »
Hubert Allier Directeur général de l'Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 Tél. 01 53 36 35 00.
(1) Paul Blanc, « La politique de compensation du handicap » - Commission des affaires sociales du Sénat - Juillet 2002.
(2) Vincent Assante, « Mission d'étude en vue de la révision de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées » - Ministère de la Solidarité - Mars 2002.
(3) Organisé par la DREES et l'Inserm, les 3 et 4 octobre 2002.