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Handicap : le Conseil d'Etat valide le dispositif législatif « anti-arrêt Perruche »

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Sans un avis du 6 décembre, le Conseil d'Etat a validé le dispositif de dédommagement du handicap instauré par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Pour mémoire, après les remous suscités par la jurisprudence Perruche sur l'indemnisation d'un handicap congénital non décelé avant la naissance à la suite d'une faute médicale (1), le législateur a, dans un article 1er, modifié les principes dégagés tant par le Conseil d'Etat que par la Cour de cassation. Sans remettre en cause le régime de responsabilité du médecin libéral ou de l'établissement hospitalier lorsque le handicap découle directement d'un acte fautif (erreur commise à l'occasion de l'accouchement...), il a, en revanche, bouleversé ce dispositif dans l'hypothèse où la faute a « seulement » eu pour conséquence de ne pas révéler, au cours de la grossesse, un handicap ayant une cause génétique. De fait, la loi du 4 mars 2002 refuse l'indemnisation par l'auteur de la faute du préjudice lié « aux charges particulières » découlant du handicap, tout au long de la vie de l'intéressé (2). Ce, à l'égard des parents comme de l'enfant. Et prévoit en contrepartie que sa compensation relève de la solidarité nationale, sans toutefois en organiser les modalités.

Aussi, très vite, ce nouveau dispositif légal a-t-il suscité des interrogations. Le Conseil d'Etat a ainsi été saisi pour avis par le tribunal administratif de Paris dans une affaire où un couple, victime d'une erreur de lecture de caryotype pendant la grossesse, avait obtenu, en référé, la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser des indemnités provisionnelles à titre de réparation.

La conformité de la loi à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme

Le premier pan de l'avis du Conseil d'Etat porte sur la conformité de la loi du 4 mars 2002 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et en particulier ses articles 6 (procès équitable), 13 (droit de recours devant une instance nationale), 14  (absence de discrimination). Et au pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un débat qui avait été soulevé au moment du vote de cette loi qui n'avait pourtant pas été déférée devant le Conseil constitutionnel.

Se référant aux motifs d'intérêt général ayant présidé à l'adoption de la loi - à savoir « des raisons d'ordre éthique, [...] la bonne organisation du système de santé et [le] traitement équitable de l'ensemble des personnes handicapées » -, les juges estiment que la loi n'est pas incompatible avec les stipulations de ces textes internationaux.

L'application du nouveau dispositif dans le temps

Une seconde question se posait à la Haute Juridiction : ce nouveau régime peut-il entrer en vigueur alors que la prise en charge de l'ensemble des personnes handicapées par la solidarité nationale n'est pas encore organisée ?

Pour les sages du Palais Royal, le régime de responsabilité institué au profit de la personne née avec un handicap dû à une faute médicale et, surtout, celui instauré au profit des parents d'un enfant né avec un handicap congénital non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, sont définis « avec une précision suffisante » pour être appliqués par les juridictions compétentes sans que l'intervention d'un nouveau texte soit nécessaire pour en préciser la portée.

S'agissant plus spécifiquement de l'hypothèse d'un handicap congénital, ils justifient notamment leur position à l'aune des intentions du législateur. Ce dernier, selon le Conseil d'Etat, en prévoyant que la compensation du handicap relève de la solidarité nationale, n'a pas voulu subordonner « la mise en œuvre du régime de responsabilité pour faute qu'il a défini à l'intervention de textes ultérieurs destinés à fixer les conditions dans lesquelles la solidarité nationale s'exercera à l'égard des personnes handicapées ».

Conclusion : en l'absence de dispositions dans la loi prévoyant une entrée en vigueur différée de l'article 1er et au vu de la volonté du Parlement, les dispositions de l'article 1er sont,  selon la Haute Juridiction, applicables dans les conditions du droit commun à la suite de la publication de la loi au Journal officiel.

Au-delà, dans quelle mesure ce nouveau régime, moins favorable que le dispositif antérieur, s'applique-t-il aux instances en cours et aux situations intervenues antérieurement à l'adoption de la loi ? Là encore, les juges valident le dispositif législatif. Ils font à nouveau référence aux motifs d'intérêt général ayant conduit à l'adoption de la loi pour justifier l'application des dispositions nouvelles aux situations apparues antérieurement et aux instances en cours, tout en réservant les décisions juridictionnelles devenues définitives.

Dès lors, concrètement, les intéressés auront, sauf accord avec l'autre partie, sans doute à rembourser une partie des sommes perçues à titre provisionnel en indemnisation de leur préjudice matériel. Rappelons que, dans une affaire similaire, la cour administrative de Paris a divisé par dix les indemnités fixées dans un premier temps par le juge des référés, l'autre partie ayant toutefois indiqué qu'elle ne réclamerait pas le remboursement dans l'attente d'une clarification (3). Un espoir pourrait aussi venir du gouvernement. En effet, prenant acte de cet avis, le ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, Jean-François Mattei, et la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, Marie-Thérèse Boisseau, indiquent, dans un communiqué du même jour, qu'ils porteront « une attention spécifique » à la situation particulière des familles engagées dans des procédures en cours qui les ont conduites à recevoir des indemnités à titre de provision. Ils affirment aussi que « des mesures adaptées permettront de faire pleinement jouer la solidarité nationale ». Une promesse qui devrait prendre forme dans le cadre de la réforme de la loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées (4).

(Avis du Conseil d'Etat du 6 décembre 2002, requête n° 250167, M. et Mme Draon)
Notes

(1)  Voir ASH n° 2250 du 15-02-02. La Cour d'appel de Paris devait le 11 décembre se prononcer sur l'étendue de l'indemnisation du jeune Nicolas Perruche.

(2)  Il a, en revanche, admis l'indemnisation du préjudice moral des parents constitué par la perte de choix de recourir à une interruption volontaire de grossesse - Voir ASH n° 2268 du 21-06-02.

(3)  Voir ASH n° 2268 du 21-06-02.

(4)  Marie-Thérèse Boisseau doit présenter son projet de loi avant l'été - Voir ASH n° 2288 du 6-12-02.

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