« Rapportés au contexte dramatique du début de la décennie 90 où le nombre de cas de sida ne cesse de s'accroître en dépit des actions menées par les acteurs publics et privés, les progrès enregistrés depuis 1994 plaident en faveur de la politique menée. » Tel est de prime abord le constat dressé par le Commissariat général du Plan (1) qui s'est penché sur la politique de lutte contre le sida entre 1994 et 2000 autour de trois thèmes : la prévention, la solidarité et l'accès aux soins.
Ainsi, le rapporteur, Christian Rollet, relève l'importante mobilisation de moyens sur toute cette période- 684,19 millions d'euros (4 488 millions de francs) ont été engagés en 1999 (hors collectivités territoriales). Un « effort financier [ayant] permis un niveau d'intervention dont aucune autre maladie n'a bénéficié et dont la mise en place des nouveaux traitements a particulièrement témoigné ». Et qui a peut-être porté ses fruits puisque 1 615 cas ont été diagnostiqués en 2001, contre près de 5 762 en 1994.
Le rapport, rendu public le 29 novembre, indique également que la prise en charge médicale des personnes atteintes a été globalement satisfaisante. Plus particulièrement, il souligne les « progrès notables » dans la prise en charge médicale des intéressés en détention. Ce, même si quelques difficultés persistent, tenant notamment aux conditions de vie carcérale (transfert d'établissement ne favorisant pas la continuité des traitements...) et à une forte sous-estimation des difficultés psychologiques.
Ce rapport n'en dénonce pas moins certaines carences des pouvoirs publics. En premier lieu, l'insuffisance des instruments de suivi et des outils épidémiologiques. « Les données indispensables, sur la séropositivité en particulier, ont manqué et manquent encore [...], le suivi des actions déconcentrées est resté lacunaire », constate ainsi l'auteur. Et la politique de lutte contre le sida a souffert de la « dilution des actions dans un programme trop vaste, trop ambitieux et trop imprécis à la fois ».
Autre écueil pointé du doigt : le dispositif de dépistage présente une couverture large mais connaît des difficultés d'accès persistantes. Pour 20 % des malades atteignant le stade du sida, en 1995, la séropositivité était inconnue et a été découverte en même temps que la maladie. Ce chiffre est passé à 51 % en 1999. Par ailleurs, en milieu pénitentiaire, particulièrement exposé aux risques, le niveau de dépistage est élevé mais insuffisant.
Côté prévention, de bons résultats ont été enregistrés auprès des usagers de drogues par voie intraveineuse et des homosexuels mais « de graves lacunes [persistent] pour les migrants et les personnes précaires » (2).
Surtout, le Commissariat déplore les lenteurs et les inadaptations des dispositifs de droit commun sur lesquels la prise en charge sociale des personnes atteintes s'est adossée : allocation aux adultes handicapés (AAH), aide à domicile. La principale critique, concernant l'AAH, porte sur les délais de traitement des demandes de prestations (parfois plus de six mois). Quant à l'aide à domicile, elle nécessiterait d'être rénovée pour répondre aux nouveaux besoins de prise en charge.
Dernier grief : des déficiences demeurent en matière d'aide au retour au travail. Les auteurs montrent, en effet, que la politique de lutte contre le sida n'a pas développé de cadre d'action spécifique en matière d'insertion professionnelle et s'est entièrement reposée sur le dispositif de prise en charge sociale et professionnelle du handicap. « Or différentes études mettent en évidence les limites de ce dispositif pour permettre une véritable réinsertion des personnes séropositives en particulier et, plus généralement, des personnes souffrant de maladies graves, évolutives au long cours. »
Aussi, face à ces insuffisances, Christian Rollet formule-t-il plusieurs recommandations. Au premier rang desquelles la création d'une allocation pour longue maladie « dont le montant serait modulé, sur la base d'un principe différentiel, en fonction des phases de l'état de santé ». Les personnes atteintes du VIH/sida auraient, comme d'autres catégories de malades, vocation à en bénéficier. Cette réforme, qui pourrait s'inspirer d'antécédents tels que l'allocation personnalisée d'autonomie, devrait alors « conduire à intégrer, dans une même appréciation de la situation individuelle, les dispositifs d'accès aux appartements de coordination thérapeutique et à l'aide à domicile ».
Au-delà, le Commissariat général du Plan souhaite réorienter plus nettement le dispositif de lutte contre le sida en développant en priorité des campagnes de communication ciblées sur les groupes les plus exposés (les femmes, les personnes en situation de précarité et les populations migrantes). Une évolution, selon lui, réalisable et qui ne devrait pas présenter de risques de stigmatisation en raison de la maturité de la société actuelle. Dans la même optique, l'instance insiste particulièrement sur la nécessité de l'accès au dépistage. Et préconise une meilleure connaissance des motifs du non-recours au dépistage chez les personnes étrangères. Des revendications d'ores et déjà entendues par le ministère de la Santé (voir ci-dessous ).
S. A.
(1) La politique de lutte contre le sida 1994-2000 - Commissariat général du plan - Novembre 2002 - La Documentation française.
(2) Voir ASH n° 2287 du 29-11-02.