Comment les personnes âgées, dans l'incapacité d'effectuer certains actes de la vie quotidienne, se sont-elles vu apposer l'étiquette de personnes âgées dépendantes- catégorisation qui vaut stigmatisation ?Chercheur et praticien - l'auteur dirige depuis plus de 20 ans un service parisien d'aide à domicile -, Bernard Ennuyer s'appuie sur sa double expérience pour analyser l'acception et les conditions d'apparition de la notion de dépendance ainsi que celles, plus récentes, de l'outil destiné à la mesurer. Croisant les sources et les approches pour mieux interroger une vulgate d'obédience essentiellement biomédicale, l'auteur examine la manière dont, à partir des années 1975-1980, le champ de la vieillesse s'est structuré autour d'une partition entre les seniors qui vont bien, les retraités, et les personnes âgées qui posent problème. Point d'arrivée du processus : la loi créant, en 1997, la prestation spécifique dépendance (puis celle la réaménageant en allocation personnalisée d'autonomie) signe la consécration de la « dépendance instituée » - cet ensemble d'idées associant systématiquement grand âge, perte d'autonomie, nécessité d'aide importante, recours à l'hébergement, défi majeur pour la société, etc. « C'est à travers le discours tenu et énoncé à propos de la dépendance que s'est élaboré un nouveau regard sur la vieillesse et, par là, une nouvelle pratique », développe le sociologue. Mettant en cause cette vision incapacitaire qui réduit l'individu catalogué « dépendant » à n'être plus considéré que comme une charge - occultant ainsi la dynamique de l'échange et du don entre les personnes et les générations -, Bernard Ennuyer invite à reconnaître la nécessaire relation à l'autre comme fondement de l'existence individuelle.
Les malentendus de la dépendance. De l'incapacité au lien social - Bernard Ennuyer - Ed. Dunod -28 € .