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La question SDF

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Vagabonds, errants, mendiants ou clochards n'ont longtemps intéressé que très marginalement les politiques publiques, surtout sous l'angle de la coercition. Avec l'avènement d'un Etat social qui se veut à la fois assureur et protecteur, l'Après-guerre amorce bien le passage d'une optique répressive à une visée plus assistancielle des indigents sans logement, explique Julien Damon, responsable de la recherche et de la prospective à la caisse nationale des allocations familiales. Cependant, jusque dans les années 70, il n'existe aucune mesure spécifique de grande ampleur pour traiter les problèmes des sans-abri. Il faudra que ces derniers réapparaissent sous la figure de l'exclu pour les voir devenir une cible emblématique des interventions publiques dédiées à la lutte contre l'exclusion, promue au rang de priorité politique au cours de la décennie 80. Au départ néanmoins, souligne l'auteur, les premiers plans hivernaux pauvreté-précarité visaient des catégories plus générales comme les personnes « démunies » ou « défavorisées », avant de se concentrer toujours plus sur une cible qu'ils contribuent à définir : les SDF. Puis, alors que la prise en charge des « nouveaux pauvres » s'étend dans des politiques de plus grande ampleur (revenu minimum d'insertion, droit au logement), ces plans s'institutionnalisent et spécifient de façon croissante les mesures destinées aux SDF.

On observe notamment une dualisation sensible entre celles axées sur l'urgence pour les sans-abri en phase de sédentarisation et celles orientées sur l'insertion pour ceux jugés plus facilement « réinsérables ». Cependant la logique du système et celle des acteurs -bénéficiaires comme professionnels des différents services -, bouscule cette démarcation, démontre Julien Damon. En effet, les situations les plus lourdes se retrouvent évincées des dispositifs construits pour elles, au pro- fit de personnes moins mal loties. Parallèlement, les accueils, guichets et équipements dévolus aux sans-abri, ne réussissent pas à jouer leur rôle de relais vers les institutions généralistes. D'où la question récurrente qui traverse l'ouvrage : jusqu'où est-il légitime - et efficace - à la fois de spécifier les publics et de spécialiser les réponses pour les sans-abri, en fonction de leur niveau de difficultés ? Développant les effets pervers de cette double dichotomie, le sociologue plaide pour des réaménagements - et une simplification - du système général de protection sociale « dans une optique plus universaliste, laissant au ciblage la place subsidiaire (et pas nécessairement résiduelle) qui doit lui revenir ».

Autrement dit, si une attention particulière doit certainement être accordée aux « plus démunis », Julien Damon invite à se défier de la « naturalisation » excessive de singularités qui ne sont pas forcément évidentes. « Des définitions plus universelles des bénéficiaires, des assurés ou des clientèles des politiques sociales devraient viser à intégrer les différences plus qu'à les exacerber. »

La question SDF. Critique d'une action publique - Julien Damon - Ed. PUF -25 € .

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