20 nouveaux établissements pénitentiaires pour les majeurs permettant la création de 10 800 places, 8 pour les mineurs (400 places) et une réserve de 2 000 places expérimentales pour élaborer « une nouvelle conception de l'enfermement ». Un budget total de 1,4 milliard d'euros et une mise en service des premières structures envisagée dès 2006. Telle est l'étendue du programme pénitentiaire 2003-2007 présenté, le 21 novembre, par le garde des Sceaux, Dominique Perben, et son secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la Justice, Pierre Bédier. Un projet qui s'inscrit dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre dernier (1).
Au-delà de ces chiffres, le ministre de la Justice s'est appliqué à défendre sa philosophie. Laquelle, selon ses propos, enterre, pour l'heure, tout projet de loi pénitentiaire (2). Son ambition est, en revanche, de pallier le déséquilibre actuel de la carte pénitentiaire, certaines zones géographiques souffrant d'un déficit d'établissements alors que d'autres « connaissent un taux d'occupation des prisons incompatible avec le maintien de la dignité humaine ».
S'agissant des personnes détenues, la priorité du ministre est de favoriser la qualité de vie et l'hygiène. Il prévoit également des aménagements particuliers à l'intérieur de la prison : lieux de vie en commun pour préparer une meilleure réinsertion, facilités d'accès et d'information des familles de détenus. Par ailleurs, des cellules pour personnes handicapées devraient être équipées de sanitaires et de mobiliers adaptés. Et des cellules aménagées devraient permettre l'accueil des mères et des enfants dans des conditions « plus satisfaisantes » (salles de jeux, espace extérieur spécifique, accès aisé sur la cour de promenade). Enfin, chaque établissement devrait disposer d'espaces scolaires et de formation, d'ateliers de travail, d'équipements sportifs et culturels.
Le garde des Sceaux s'intéresse aussi aux populations spécifiques et, en premier lieu, aux mineurs. On souligne ainsi, place Vendôme, que pour la première fois, des établissements pénitentiaires vont être construits spécialement pour eux, avec une capacité de 40 à 60 places. Dominique Perben assurant qu' « une attention particulière » sera portée « à la dimension éducative » pendant la durée de leur séjour en détention. Ainsi, le mineur détenu devrait bénéficier d'un rythme d'activités encadrées : scolarité, formation professionnelle, sports, activités socio-culturelles... Et un suivi éducatif individualisé devrait permettre d'apporter « en temps réel une réponse aux difficultés rencontrées ou aux progrès constatés ». Cela devrait impliquer l'intervention permanente des professionnels compétents (médecins, psychiatres, psychologues, conseillers d'orientation, enseignants...) au côté de l'équipe pluridisciplinaire constituée des personnels de l'administration pénitentiaire et - ce qui est nouveau - de la protection judiciaire de la jeunesse (3). Dans cet esprit, un éducateur référent du mineur incarcéré aura pour fonction d'établir des contacts réguliers avec les parents pour les informer et les impliquer dans l'action auprès de leur enfant.
Quant à l'hébergement, il devrait être organisé en unités autonomes d'une dizaine de cellules, dotées des espaces nécessaires à une vie collective encadrée en permanence. L'une de ces unités, de taille plus réduite, pourrait accueillir les jeunes filles.
Autre population ciblée : les détenus atteints de troubles mentaux, ou dont l'état de santé ne permet pas de les maintenir dans une structure pénitentiaire classique, devraient être hospitalisés au sein d'unités spécialement aménagées dans un établissement hospitalier adapté (4). Une dizaine de sections pourrait ainsi être mises en place, peut-être d'ici à la fin de l'année, confirme-t-on au ministère de la Justice.
Enfin, les détenus âgés ou souffrant d'un handicap ont également retenu l'attention de la chancellerie. Une circulaire conjointe avec le ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées et devrait prochainement permettre à l'administration pénitentiaire de prendre l'initiative de suspendre la peine d'un détenu malade, conformément à la loi du 4 mars 2002 (5). En effet, les seuls détenus invoquant cette possibilité sont aujourd'hui ceux qui sont entourés de leur famille ou d'un avocat, et non les détenus malades isolés.
Enfin, le gouvernement a confié à Jean-Luc Warsmann, député UMP des Ardennes, une mission sur les courtes peines. Face à la surpopulation carcérale et aux effets désocialisants de la détention (conséquences sur la vie professionnelle, personnelle et familiale), il est chargé de déterminer un nouveau type de peine qui puisse être prononcé par les juridictions, à l'instar de la semi-liberté ou du bracelet électronique.
Autre mandat, donné cette fois à René Eladari, ingénieur général honoraire des Ponts et Chaussées : réfléchir à la conception de nouveaux établissements pénitentiaires, avec comme objectifs principaux d'améliorer les outils permettant d'établir une meilleure prévision des besoins en capacité du parc pénitentiaire et d'étudier le problème de l'accueil et du traitement en milieu hospitalier des détenus nécessitant une hospitalisation en milieu fermé et sécurisé. Tous les deux devraient remettre leurs travaux en janvier 2003.
(1) Sur cette loi, voir ASH n° 2276 du 13-09-02 et n° 2278 du 27-09-02 (délinquance des mineurs) ; n° 2282 du 25-10-02 (droits des détenus) ; n° 2283 du 1-11-02 (aide aux victimes) et n° 2284 du 8-11-02 (justice de proximité - procédure pénale).
(2) Le rapport annexé à la loi du 9 septembre annonçait pourtant une telle loi pénitentiaire - Voir ASH n° 2282 du 25-10-02.
(3) Un groupe de travail, réunissant des représentants de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), est chargé de définir le cadre de l'intervention du personnel éducatif de la PJJ en milieu carcéral. Il devrait rendre un rapport au début de l'année prochaine.
(4) Ces unités sont prévues par la loi Perben - Voir ASH n° 2282 du 25-10-02.
(5) Voir ASH n° 2261 du 3-05-02 et n° 2264 du 24-05-02.