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CEP : face aux besoins criants de formation, les responsables politiques doivent opérer des choix

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Le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie  (Crédoc)   (1), à qui a été confiée la réalisation du Contrat d'études prospectives de la branche sanitaire, sociale et médico- sociale à but non lucratif, vient d'achever ses travaux en mettant la dernière main à ses recommandations. Très attendues (le CEP devait s'achever initialement en novembre 2001),  ses conclusions- que les ASH ont pu se procurer - doivent permettre à la Commission paritaire nationale de l'emploi  (CPNE) et aux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) - Promofaf et Uniformation -de définir leurs orientations pour l'avenir de la branche. L'une des voies pourrait être, au premier trimestre 2003, la contractualisation d'un engagement de développement de la formation (EDDF) avec l'Etat, accord-cadre déterminant un plan de financement pour des actions de grande ampleur.

Une enquête auprès de 1 000 établissements

Lancé le 26 avril 2000 par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité de l'époque, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et l'Unifed avec le concours des deux OPCA, le CEP a le mérite de donner des éléments de diagnostic et de prospective sur l'emploi, les qualifications et les besoins de formation dans un secteur en pleine mutation. Même si le champ de la branche expertisé ne comprend pas le secteur sanitaire (qui devait faire l'objet d'un autre CEP) et n'a pas pris en compte, si ce n'est de façon marginale, le secteur de l'aide à domicile.

Si le CEP est fondé sur une enquête menée auprès de 1 000 établissements et apporte de ce fait des éléments intéressants, ses travaux ont néanmoins buté sur la difficulté de disposer d'une information statistique homogène et actualisée. Et l'on peut déplorer que les données chiffrées datent, pour les plus récentes, de 1999. Il est évident que l'anticipation des besoins en matière de démographie professionnelle- qui a fait défaut jusqu'ici - suppose l'instauration d'un système d'information fiable et mis à jour régulièrement. Plus précisément, le Crédoc estime nécessaire de construire des données spécifiques à la branche professionnelle et de créer en son sein une instance consacrée au suivi des évolutions sur un certain nombre de points identifiés par le CEP.

Alors que retenir de l'épais document de 400 pages ? En 1999, la partie sociale et médico-sociale de la branche représente près de 19 000 établissements et services et plus de 320 000 emplois. Elle est marquée par son ancrage dans le secteur du handicap (40 % des établissements) et du travail auprès des popu- lations « en difficulté » (21 % des établissements). Contrairement à ce que l'on pouvait penser a priori, son champ est en développement continu depuis 15 ans, que ce soit au plan des institutions, des emplois et des capacités d'accueil. Signe de sa vitalité : un peu plus du tiers des associations gestionnaires ont été créées dans les 20 dernières années.

Cependant ces évolutions se traduisent différemment. On note une baisse de l'accueil en établissement classique et une réorientation vers l'ambulatoire dans le secteur des mineurs handicapés ; un accroissement des mesures en milieu ordinaire de vie et une multiplication des prises en charge spécifiques en internat pour des publics plus lourds (troubles du comportement et délinquants récidivistes par exemple) dans le secteur des mineurs en difficulté ; une augmentation des structures (hébergement et insertion) pour les adultes et familles en difficulté. Tandis qu'on assiste à un développement important du secteur des adultes handicapés avec une médicalisation plus importante et du secteur des personnes âgées confronté aux enjeux de l'aide à domicile et de la professionnalisation de ses acteurs.

Globalement, on assiste donc à un développement sensible des emplois. En équivalent temps plein, ils ont crû de 29 % entre 1985 (152 555) et 1998 (197 282). Encore ces chiffres, issus des données de la DREES, ne tiennent-ils pas compte du secteur des personnes âgées ou de la petite enfance. Parmi les traits marquants de cette évolution : une baisse des personnels administratifs et des services généraux dans les secteurs du handicap (informatisation et externalisation de certaines activités)  ; une diminution des éducateurs techniques notamment dans le secteur des adultes handicapés (- 48 % de 1988 à 1998) contrebalancée par une augmentation des moniteurs d'atelier (+ 114 %)  ; la rareté des médecins psychiatres de plus en plus centrés sur le diagnostic et la prescription, tandis que la fonction thérapeutique est assurée de façon croissante par les psychologues dont le nombre grandit. Autres faits marquants : la forte poussée des aides médico-psychologiques (+ 179 % de 1988 à 1998 dans le secteur des adultes handicapés) et des métiers d'aide à la personne ; le développement des fonctions d'encadrement : le nombre de postes d'éducateur chef et de chef de service a doublé durant la dernière décennie.

D'une façon générale, les niveaux de qualification sont souvent insuffisants : plus de 50 %des effectifs sont de niveau VI et 30 % de niveau V, dans le secteur des personnes âgées ; 43 % sont de niveau VI et 35 % de niveau V, pour la petite enfance ;40 % sont de niveau VI, pour les adultes en difficulté. De plus, seulement la moitié des directeurs auraient une formation de niveau II ou plus.

Clarifier les contours de la branche

Quelles sont les recommandations du Crédoc ? Tout d'abord, il estime nécessaire de clarifier les contours de cette « mosaïque » de la branche professionnelle. D'organisation récente (ce n'est qu'en octobre 1993 qu'a été créée la CPNE), elle manque de visibilité d'autant que se pose la question de ses frontières avec la branche de l'aide à domicile. Sur ce point, on peut penser que la constitution d'un nouvel OPCA, dont le projet est actuellement à l'étude par les partenaires sociaux, permettra de renforcer l'identité et l'unité de la branche.

D'autres recommandations visent à développer les systèmes d'appui et de conseil auprès des associations gestionnaires d'établissements et de services. Par exemple, par la création de lieux d'analyse au niveau régional qui s'ajouteraient à l'instance d'observation nationale qu'est la CPNE. Outre le renforcement du rôle d'ingénierie et de conseil en formation des OPCA, le Crédoc estime que les centres de formation ne remplissent pas suffisamment le rôle de pôles régionaux de ressources pour la branche. Par ailleurs, il formule des préconisations pour « épauler », sur le plan de la gestion des ressources humaines, les organisations dans leur évolution.

Du pragmatisme avant tout

En matière d'emplois, le constat est largement connu. « Il est urgent de prévenir le renouvellement des personnels, dans la mesure où les pyramides des âges constituent un handicap à juguler pour les dix années à venir pour la quasi-totalité des emplois », martèle, à son tour, le Crédoc. Sachant que les zones de plus grande faiblesse concernent le personnel éducatif et l'encadrement. Alors comment faire face ? Le rapport adopte une démarche pragmatique : il propose de déterminer les besoins, qualification par qualification, année après année, sur les dix ans à venir et d'établir un plan d'action qui définisse des priorités. Avec des choix sans doute douloureux à opérer : « Tout ne peut être immédiatement réalisé, il faudra choisir de répondre soit au déficit de qualification dans certains secteurs, soit élever le niveau ailleurs sans disperser les moyens. » Pas question donc de se voiler la face, les solutions passeront au vu de l'ampleur des besoins par des choix tranchés et assumés, et donc des abandons... Ce qui suppose une volonté politique et un réel pilotage concerté de la formation.

Rejoignant d'autres analyses, le CEP met également en évidence que la nature des qualifications et des diplômes ne semble pas pertinente pour aborder l'activité des professionnels. La notion de cœur de métier est remise en cause au profit de notions telles que « faisceaux d'activités » pour un même emploi et de poly-activités exercées par un salarié. Aussi, pour stabiliser les emplois et les compétences, le Crédoc propose-t-il d' « organiser les emplois en grandes filières à l'intérieur desquelles figurent des qualifications génériques ». De même plaide-t-il pour des modes de management et des politiques d'embauche facilitant les parcours professionnels valorisants.

Les recrutements de personnels non qualifiés, qu'il faudra former en cours d'emploi, vont être de plus en plus nécessaires. D'où l'obligation, selon le Crédoc, à la fois de clarifier les responsabilités en matière de formation qualifiante entre la branche professionnelle et l'Etat, et de veiller à la cohérence globale du système de formation. Il apparaît indispensable de  « fixer clairement tous les mécanismes qui de près ou de loin vont contribuer à fabriquer de la formation pour éviter les “bricolages” souvent déconnectés du terrain » et dont l'entrée dans une classification initiale n'a pas été pensée. Parmi les pistes évoquées, le rapport revient sur l'apprentissage- dont le dispositif et le financement doivent être pérennisés -, la validation des acquis professionnels, l'adaptation de certains contenus de formation. Il rappelle la nécessité de renforcer l'encadrement en développant les diplômes de niveau II. Mais surtout, il s'interroge sur la légitimité de l'Etat à diriger ces types de formation pour « des postes à forte connotation stratégique ». Renvoyant à la CPNE la possibilité de reconnaître certains titres et diplômes. Le débat sur l'encadrement est sans doute loin d'être clos. Nul doute que, sur ce point comme sur d'autres, le CEP fournit de nombreux éléments de discussion dont les partenaires sociaux ne manqueront pas de se saisir.

I. S.

Notes

(1)  En prenant appui sur les bureaux d'études et de recherches associés : LERFAS/GREFOSS.

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