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La France condamnée pour traitement inhumain sur un détenu malade

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Dans quelle mesure l'état de santé très préoccupant d'un détenu est-il compatible avec son maintien en détention ? C'est à cette délicate question que la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) vient de répondre dans une affaire mettant en cause la France. En l'espèce, l'intéressé, condamné pour vol en bande organisée avec arme, séquestration et escroquerie, est atteint d'une leucémie lymphoïde chronique. Alors que son état de santé nécessite des soins en hôpital de jour, le port de menottes lui est imposé pendant les transferts. Ce qu'il conteste notamment devant les juges en arguant de la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui interdit les traitements ou peines inhumains ou dégradants.

En réponse, la cour, se référant à sa jurisprudence antérieure, explique que « l'état de santé, l'âge et un lourd handicap physique constituent désormais des situations pour lesquelles la capacité à la détention est[...] posée au regard de l'article 3 de la convention ». Elle ajoute ensuite que bien qu'il n'y ait pas d'obligation générale de libérer un détenu en raison de son état de santé, cette disposition impose aux Etats de protéger l'intégrité physique des personnes privées de liberté notamment par l'administration des soins requis. Enfin, pour la Haute Juridiction, les modalités d'exécution des mesures prises ne doivent pas soumettre le détenu à une détresse ou une épreuve d'une intensité excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention.

Ce contexte établi, la CEDH estime que, dans l'affaire en question, les conditions du transfert du requérant en milieu hospitalier posent problème. Elle considère, en effet, qu'en raison de l'état de santé, du fait qu'il s'agit d'une hospitalisation, de la nature du traitement et de la faiblesse physique du requérant, le port des menottes était disproportionné au regard des nécessités de la sécurité. Aussi, condamne-t-elle la France pour violation de l'article 3 et alloue-t-elle au requérant 15 000  € au titre du préjudice moral.

Pour autant, les juges de Strasbourg ne se veulent pas trop accablants. Ils relèvent l'évolution de la législation française - quoique non applicable juridiquement étant donné l'antériorité des faits - qui permet aux autorités d'intervenir lorsque des détenus souffrent de maladies graves. Ainsi, selon la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence et aux droits des victimes, une libération conditionnelle peut être accordée à un détenu quand il y a « nécessité de subir un traitement »   (1). Et, aux termes de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, une suspension de peine peut être prononcée à l'encontre des condamnés atteints de pathologie engageant le pronostic vital ou dont l'état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention (2). Dès lors, conclut-elle, « la santé de la personne privée de liberté fait désormais partie des facteurs à prendre en compte dans les modalités de l'exécution de la peine privative de liberté, notamment en ce qui concerne la durée du maintien en détention ».

(Cour européenne des droits de l'Homme, 14 novembre 2002, Mouisel contre France, requête n° 67263/01)
Notes

(1)  Voir ASH n° 2180 du 15-09-00.

(2)  Voir ASH n° 2261 du 3-05-02 et n° 2264 du 24-05-02.

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