Remis le 19 novembre au président de la République, à la veille de la jour- née internationale des droits de l'enfant, le rapport annuel de la défenseure des enfants, Claire Brisset (1), s'intéresse plus particulièrement à leur santé cette année. Si « celle-ci est globalement bien prise en charge », il existe néanmoins des lacunes « qui appellent à l'évidence des réponses et des remèdes, dont certains ne peuvent attendre ».
Parmi les failles repérées, l'accompagnement insuffisant de la parentalité qui devrait commencer avant la naissance. « Notre système de santé est ainsi fait qu'il tend à négliger le fait que mettre un enfant au monde ne relève pas seulement de la médecine ; cela implique aussi de devenir parent », souligne le rapport. Qui plaide, entre autres, pour le développement des réseaux périnatals médico-psychosociaux. Autres carences : la situation « alarmante » d'un certain nombre de services de pointe de néonatalogie et le retour rapide des mères de la maternité à leur domicile, - en moyenne trois jours après l'accouchement -qui interdit la détection de certains problèmes physiologiques ou relationnels. Aussi, le rapport demande- t-il un suivi systématique des nouveau- nés à domicile jusqu'à l'âge de 3 mois.
L'une des propositions phares concerne la rénovation de la protection maternelle et infantile (PMI) qui « demeure un point d'ancrage essentiel pour la prévention précoce et le suivi des familles ». En 2000, en métropole, ses puéricultrices et infirmières ont effectué autour d'un million de visites à domicile et vu près de 520 000 enfants de moins de 6 ans. Placée sous la tutelle des conseils généraux, la PMI dispose de moyens hétérogènes et sa coordination avec la médecine scolaire demeure insuffisante. Afin qu'elle puisse remplir correctement son rôle de prévention, et par exception de prescription, le rapport propose de renforcer ses attributions et de les étendre - dans le droit-fil des préconisations déjà faites, notamment par Ségolène Royal (2) -jusqu'à la fin de l'école primaire. Cette refonte devrait alors s'accompagner, selon Claire Brisset, d'une rénovation de son mode de fonctionnement (horaires d'accueil, relations avec la pédiatrie libérale et l'école...) et d'une augmentation « considérable » de ses moyens.
Autre réforme préconisée, celle de la médecine scolaire. Malgré le plan de relance élaboré en 1998 par Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l'enseignement scolaire (3), elle est aussi en crise chronique depuis des années. Le bilan des 6 ans, pourtant obligatoire, n'est pas réalisé pour tous les élèves, les médecins scolaires manquent (on en compte un pour 5 800 élèves en moyenne). Constats auxquels s'ajoutent le manque de collaboration avec les autres intervenants ou encore l'absence de travailleurs sociaux en maternelle et en élémentaire. Or « sur les 33 343 signalements d'enfants en danger effectués en 2001 sur l'ensemble des élèves scolarisés, 60 % ont été faits en maternelle et primaire, alors même qu'il n'y a pas d'assistants sociaux pour effectuer un suivi des signalements et accompagner les familles en difficulté », déplore le rapport. Cette réforme, conduite simultanément avec l'extension jusqu'à la fin de l'école primaire des attributions de la PMI, aurait également l'avantage, selon Claire Brisset, de permettre de concentrer les effectifs de la médecine scolaire sur les collèges et les lycées. Et « éviterait le saupoudrage actuel de ses moyens, saupoudrage qui permet à tant d'adolescents, au collège notamment, de passer à travers les mailles du filet ».
Autre problème pointé par le document : la règle, qui ne s'appuie sur aucun texte législatif, selon laquelle la prise en charge pédiatrique cesse lorsque l'adolescent a atteint 15 ans et 3 mois, voire 16 ans. Ce dernier est alors accueilli dans un service adulte. Jugeant cette orientation « contestable car les adolescents ont des besoins particuliers », le rapport propose d'étendre jusqu'à 18 ans l'accueil et les soins dans les services de pédiatrie de tous les établissements de santé. Lesquels devraient systématiquement organiser un accueil spécifique pour les adolescents avec des personnels formés à cette approche. Dans les services d'urgence également, le rapport estime nécessaire de séparer l'accueil des adultes de celui des mineurs. Par ailleurs, il propose d'intensifier la prise en charge de la douleur de l'enfant, encore insuffisante malgré les multiples annonces en la matière. Chaque hôpital devrait ainsi comporter une équipe mobile de lutte contre la douleur et de soins palliatifs.
Claire Brisset suggère également que l'on reconnaisse le droit à l'expression des enfants hospitalisés et réclame la création dans chaque établissement comportant un service pédiatrique d' « un lieu d'expression des jeunes patients », interlocuteur légitime des instances de concertation hospitalière.
Autre cheval de bataille de la défenseure des enfants : la prise en charge globale des adolescents en souffrance psychique qui « reste à construire ». Notamment par le développement, dans chaque département, de « maisons de l'adolescence », à l'image de celle du Havre (4). Une idée d'ailleurs partagée par le président de la République. Lequel approuve également la proposition d'une conférence nationale de l'adolescence réunissant l'ensemble des spécialistes. Elle pourrait ainsi se tenir dans un an.
Au-delà, le rapport propose d'étendre le champ des responsabilités civiles des adolescents sans pour autant abaisser l'âge de la majorité. Il lui semble, en effet, déraisonnable de « n'abaisser que l'âge de la majorité pénale sans contrebalancer une telle mesure » par la possibilité d'autoriser les mineurs, en fonction de leur âge, à exercer davantage leurs droits d'expression, d'information, d'association et de réunion. Droits qui ne font actuellement l'objet, dans le code civil, que de dispositions disparates. En d'autres termes, Claire Brisset défend l'idée de créer un « nouveau droit civil des mineurs ». Par l'exercice de ces responsabilités civiles, il s'agirait de mettre en place « une sorte d'apprentissage de la majorité en instaurant un équilibre entre la nécessaire construction de l'autonomie du jeune et le maintien d'un contrôle parental permettant aux parents d'exercer leurs devoir de surveillance et de protection à l'égard de leur enfant ».
Pour finir, le rapport dénonce « le scandale » de la situation faite à un grand nombre d'enfants handicapés, en particulier polyhandicapés et autistes. Ce, du fait de la trop grande rigidité de l'organisation de l'accueil, de structures réparties de façon très inégale sur le territoire et d'une mauvaise prise en compte de l'urgence d'une éducation précoce.
S. A. et I. S.
(1) Qui a reçu 800 nouvelles plaintes, soit une hausse de 15 % par rapport à 2001 - Défenseure des enfants : 85, bd du Montparnasse - 75006 Paris - Rapport disp. à La Documentation française ou sur
(2) Voir ASH n° 2238 du 23-11-01.
(3) Voir ASH n° 2062 du 13-03-98.
(4) Voir ASH n° 2285 du 15-11-02.