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Quatre ans après, quel bilan de la loi contre les exclusions ?

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Bon texte, mais application lacunaire, en raison, surtout, de la complexité des dispositifs et de la multiplication des instances compétentes. Tel était en substance, en mai 2000, le jugement porté par le collectif Alerte (1), sur la loi contre les exclusions, deux ans après son adoption (2). Tel est encore celui qui transparaît dans le nouveau rapport qu'il devait remettre, le 15 novembre, à Dominique Versini, lors d'une journée organisée avec l'Union nationale des centres communaux d'action sociale. « Il est inquiétant de remarquer que, deux ans après, les difficultés n'ont pas changé. On n'est pas parvenu à améliorer l'opérationnalité des dispositifs. C'est sans doute pourquoi, malgré toutes les mesures sociales prises depuis cinq ans, la pauvreté n'a pas baissé dans notre pays [...] malgré la forte croissance », constatent les associations. Elles épinglent l' « excès de dispositifs complexes, de procédures, de commissions qui s'entrecroisent et qui sont mal coordonnées entre elles » et fixent comme objectif au prochain programme de lutte contre les exclusions, que Dominique Versini doit présenter en décembre, d' « élaguer dans ce maquis ». Par exemple en créant un « dispositif unique d'accueil et de coordination des demandes de prestations d'aide ».

Permettre l'accès aux droits de tous

L'une des conséquences de ce « patchwork extrêmement complexe », selon l'expression de Jean-Michel Bloch-Lainé, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, est évidemment la difficulté de rendre effectif l'accès de tous aux droits fondamentaux. Lequel « n'est pas, dans les faits, garanti au bout de quatre ans, loin s'en faut ». Pour y remédier, le collectif insiste sur la nécessité de dégager des moyens pour les campagnes d'information prévues et qui n'ont jamais vu le jour. Il convient aussi de « faire plus vite et plus simple », en trouvant des modalités plus rapides d'attribution des prestations et des aides et en déconnectant celles-ci du statut de la personne pour les fonder sur ses revenus. Le délai de réponse après le dépôt d'une demande et les délais de carence lors du passage d'un dispositif à un autre devraient également être réduits. Et développée l'avance sur droits supposés, avec contrôle a posteriori. Il faudrait aussi généraliser un droit de recours pour les personnes qui se voient refuser l'accès à un droit. « Cela obligerait les acteurs à motiver toutes leurs décisions, à les rendre plus transparentes et peut-être plus justes. »

En matière d'accès aux soins, par exemple, même la couverture maladie universelle  (CMU) -  « grande réforme sociale, incontestée, saluée par tous »  -pourrait être améliorée par une extension à tous les résidents stables en France et la suppression de l'aide médicale d'Etat, la fin de l'obligation de domiciliation - jugée superflue pour un dispositif national - ou encore l'introduction d'un droit à l'accès à une couverture complémentaire, différent d'une aide à la mutualisation reposant, comme actuellement, sur les fonds d'action sociale facultative des caisses d'assurance maladie. Ces dernières devraient en outre être incitées à aller au-devant des plus exclus, ceux qui ne viendront jamais spontanément à elles, « comme le font remarquablement bien des caisses comme celles du Calvados et de la Manche »   (3). Une démarche que l'ensemble des services ayant en charge la délivrance de droits sociaux devraient d'ailleurs adopter.

Fondamentalement, insistent les associations, c'est la logique d'accès aux droits qu'il faut transformer : « Les plus démunis doivent être associés à la mise en place de toutes les politiques qui les concernent. L'instauration d'un véritable partenariat avec eux doit être systématiquement recherchée ». Et cela passe notamment par la formation des travailleurs sociaux à la connaissance de la pauvreté, à l'écoute et au dialogue avec les plus démunis.

Prévenir les ruptures

Il ne s'agit pas seulement de faciliter l'accès aux droits, il faut encore prévenir les ruptures. Et de ce point de vue, la loi de 1998 n'a pas tenu toutes ses promesses. Ainsi, la prévention des expulsions - qui ont beaucoup augmenté depuis trois ans - est un échec. Paradoxalement, le dispositif prévu « ne permet souvent de trouver des solutions aux situations des ménages qu'en fin de procédure ». C'est pourquoi le collectif demande, entre autres, que les moyens des sections départementales des aides personnelles au logement, actuellement engorgées, soient renforcés, les interventions du fonds de solidarité logement mieux articulées avec le dispositif et la réalisation de toutes les enquêtes sociales garantie.

Autre grand échec, la prévention du saturnisme. « Il n'existe pas, à ce jour, de mobilisation politique pour en finir avec [cette maladie] , ce qui paraît scandaleux compte tenu de sa gravité et du fait qu'il suffit de faire des travaux pour éviter toute pathologie », s'indignent les associations. Relevant, après le rapport Ponchet de Langlade (4), la faible consommation des crédits dans ce domaine, elles demandent au gouvernement de « donner à la lutte contre ce fléau inadmissible une dimension forte qu'elle n'a jamais eue », en imposant aux préfets une obligation de résultat.

Sécuriser les ressources

Pour sécuriser les ressources - volet « notablement trop faible » de la loi - Alerte soutient l'idée, émise par Jean-Michel Belorgey dans son rapport « Minima sociaux, revenus d'activité, précarité »   (5), d'une nouvelle prestation souple, pour « venir en aide très vite à toute personne dans le besoin, sans [qu'elle] ait à entrer dans des cases administratives étroites et limitées ». Et elle demande le maintien du revenu minimum d'insertion « comme un droit inconditionnel », même si la personne n'est pas en mesure d'entrer dans une démarche d'insertion. Enfin, la lutte contre le surendettement qui, selon Alerte, concerne environ un million de personnes et en touche indirectement quatre millions, doit être renforcée. Par la constitution, par exemple, d'un fichier recensant l'ensemble des crédits souscrits par les ménages. Par l'extension des prérogatives des commissions de surendettement « depuis la veille, jusqu'à l'accompagnement des familles, pendant et après le plan d'apurement » et l'amélioration de leur liaison avec les services sociaux. Ou encore par le renforcement de l'arsenal législatif « contre les sollicitations excessives des établissements de crédits et contre certaines pratiques abusives de recouvrement ». Quant au décret du 11 septembre instaurant un solde bancaire insaisissable (6), il représente une « avancée importante » mais impose un délai de réaction trop rapide (15 jours) pour les personnes concernées et le formulaire à remplir « est hélas totalement incompréhensible pour le plus grand nombre ».

Le collectif souligne également la nécessité d'apporter des réponses rapides aux difficultés des plus défavorisés. Et à cet égard, la suppression de l'agrément qui doit être donné par l'ANPE pour l'entrée de chaque personne en structure d'insertion par l'activité économique « ferait gagner du temps ». De même que l'élargissement des missions du 115, qui pourrait devenir un numéro d'urgence sociale « accueillant tout public qui se déclare en urgence et informant sur l'ensemble du champ social ».

Pour une loi de programmation budgétaire

Que deviendront ces multiples propositions dans le plan gouvernemental à venir ? Les associations demandent en tout cas que ce programme soit « véritablement interministériel » et mobilise « tous les acteurs de la société, notamment les partenaires sociaux, entreprises et syndicats de salariés, dont l'importance est grande dans les phénomènes d'exclusion et d'insertion ». Et surtout qu'il « soit accompagné d'un volet financier qui précise, pour chaque mesure, les moyens engagés sur une durée pluriannuelle » et renforce significativement les moyens donnés aux administrations et aux associations pour agir. « C'est une condition sine qua non si l'on se donne comme ambition d'éradiquer la pauvreté en France », insiste le collectif.

Celui-ci craint cependant que certaines mesures annoncées ou envisagées par le gouvernement « ne viennent marquer un fort recul et rendre caduque une partie des effets de la loi de lutte contre les exclusions et des efforts faits au quotidien sur le terrain depuis quatre ans pour essayer d'endiguer la pauvreté ». C'est le cas de la réduction du nombre de contrats emploi-solidarité et emploi consolidé, de l'extinction des emplois jeunes, de la remise en cause de l'article 55 de la loi « solidarité et renouvellement urbains », de l'abrogation de la loi de 1948, mais aussi de certaines dispositions de la loi sur la sécurité intérieure actuellement en discussion...

C. G.

Notes

(1)  Contact : Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.

(2)  Voir ASH n° 2173 du 30-06-00.

(3)  Voir ASH n° 2144 du 3-12-99.

(4)  Voir ASH n° 2262-2263 du 17-05-02.

(5)  Voir ASH n° 2170 du 9-06-00.

(6)  Voir ASH n° 2280 du 11-10-02.

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