Loi d'orientation et de programmation pour la justice (Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 et décision du Conseil constitutionnel n° 2002-461 DC du 29 août 2002, J.O. du 10-09-02, circulaire DACG du 10 septembre 2002, à paraître au B.O.M.J.)
Au-delà de ses dispositions relatives à la justice des mineurs, aux droits des détenus et à l'aide aux victimes (voir encadré, ci-dessous), la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 instaure une justice de proximité et simplifie la procédure pénale.
Pour le garde des Sceaux, Dominique Perben, la mise en place de juges de proximité s'impose car « les Français attendent qu'une véritable justice de proximité soit entièrement consacrée en matière civile, comme en matière pénale, au traitement des petits litiges du quotidien qui restent trop souvent sans réponse » (J.O.A.N. [C.R.] n° 32 du 1-08-02). Il se fonde sur un constat : « au civil, les audiences des tribunaux d'instance sont surchargées et les délais de jugement encore trop longs. Qui plus est, bon nombre de ces petits conflits (factures impayées, livraison d'un bien non assurée, troubles de voisinage) ne sont pas toujours portés à la connaissance des juridictions, le coût des procédures étant jugé trop onéreux et la saisine du juge trop complexe. Au pénal, les infractions aux règles élémentaires de la vie en société, commises par certains jeunes, ne sont pas systématiquement poursuivies » (J.O.A.N. [C.R.]n° 32 du 1-08-02). D'où un sentiment de défiance à l'égard de l'institution judiciaire, conclut le ministre de la Justice. Aussi, le rapport annexé à la loi prévoit-il le recrutement de 3 300 de ces juges sur 5 ans. Toutefois, ce dispositif est subordonné à l'adoption d'un autre projet de loi organique, actuellement en cours de discussion devant le Parlement, qui doit préciser le statut de ces juges (1). En effet, selon la décision du Conseil constitutionnel du 29 août, « les juridictions de proximité ne pourront être mises en place qu'une fois promulguée une loi fixant les conditions de désignation et le statut de leurs membres ; [...] cette loi devra comporter des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, et aux exigences de capacité ». Le texte, dans sa rédaction actuelle, c'est- à-dire non définitive, prévoit, qu'avant le 1er janvier 2007, le gouvernement transmettra au Parlement un rapport détaillé établissant notamment le bilan de la mise en place de ces juridictions.
Autre volet de la loi Perben : la simplification de la procédure pénale, dont la complexité liée à l'intervention de plusieurs lois a, selon le gouvernement, « affaiblit considérablement l'efficacité de la répression » (J.O.A.N. [C.R.] n° 32 du 1-08-02). C'est dans cet esprit que la composition pénale est étendue. De même, en matière de détention provisoire, des simplifications sont apportées, portant notamment sur les seuils de placement. En ce qui concerne les demandes de mise en liberté, une nouvelle procédure de « référé-détention » est instituée. Elle a pour objectif de permettre au parquet, dans des hypothèses graves, de corriger les effets d'une éventuelle erreur d'appréciation du juge d'instruction ou du juge des libertés.
Pour améliorer l'efficacité de la justice au service des citoyens, le rapport annexé à la loi Perben du 9 septembre souhaite « réduire les délais de jugement et les stocks d'affaires en attente ». Objectif : raccourcir, en matière civile, le traitement des affaires à 12 mois (au lieu de 17,8 mois) devant les cours d'appel, à 6 mois devant les tribunaux de grande instance (contre 9,3 mois) et à 3 mois devant les tribunaux d'instance (à la place de 5,3 mois). Ce document propose, par ailleurs, de généraliser des guichets uniques de greffe permettant un accueil personnalisé des justiciables et leur meilleure orientation. Et projette également l'élargissement de la juridiction d'instance. Enfin, il envisage de créer un service central de traitement des réclamations des particuliers au sein du ministère de la Justice. Rappelons, toutefois, que selon le Conseil constitutionnel, ce texte n'a qu'une valeur indicative.
Parus dans les « ASH »
La réforme de la justice pénale des mineurs
ASH n° 2276 du 13-09-02, page 13
ASH n° 2278 du 27-09-02, page 15
De nouveaux droits pour les détenus
ASH n° 2282 du 25-10-02, page 13
L'aide aux victimes
ASH n° 2283 du 1-11-02, page 17
Plus concrètement, au-delà de ces ambitions affichées, la loi instaure des juridictions de proximité (code de l'organisation judiciaire [COJ], art. L. 331-1 nouveau). Lesquelles n'entreront en vigueur qu'une fois promulguée la loi organique fixant le statut des juges devant y officier.
« Bon nombre de petits litiges de la vie quotidienne[...] ne sont pas soumis à l'institution judiciaire pour des raisons de coût, de démarches jugées trop complexes ou de délais estimés trop importants » ce qui engendre un sentiment « d'incompréhension du justiciable » (exposé des motifs de la loi). Aussi est-ce pour y remédier que la loi prévoit l'instauration, dans le ressort de chaque cour d'appel, de juridictions de proximité (COJ, art. L. 331-1 nouveau).
La loi Perben précise qu'il s'agit de juridictions « de première instance », ce qui indique qu'elles seront, dans la hiérarchie judiciaire, de même niveau que les tribunaux de grande instance et d'instance auxquels les articles L. 311-1 et L. 321-1 du code de l'organisation judiciaire donnent la même qualification. L'ambition de la loi n'est pas, en effet, d'instituer un nouveau degré de juridiction mais de diversifier l'offre judiciaire au stade de la première instance. A moyen terme et comme la lecture du rapport annexé à la loi le laisse entendre, ces trois juridictions devraient voir leurs ressources humaines et budgétaires mutualisées dans le cadre d'un « futur tribunal de première instance ».
Consolidant l'assise juridique de la conciliation et de la médiation judiciaires, la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a fixé les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à une procédure de conciliation en cours d'instance.
La loi Perben précise que le juge peut enjoindre aux parties, s'il n'a pas recueilli leur accord « pour procéder aux tentatives de conciliation », de rencontrer « une personne qu'il désigne à cet effet », afin qu'elle les informe « sur l'objet et le déroulement de la mesure de conciliation » (loi n° 95-125 du 8 février 1995, art. 21 modifié) .
Il s'agit ainsi d'inciter les parties à recourir à une mesure de conciliation. Rappelons que la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a déjà introduit une disposition permettant au juge aux affaires familiales, en matière d'autorité parentale, d'enjoindre les parties de rencontrer un conciliateur qui les informera sur sa mission et les incitera à accepter une mesure de médiation familiale. La loi Perben étend cette faculté à toutes les conciliations que le juge civil, pénal ou administratif peut ordonner.
La loi définit, au plan civil et pénal, l'étendue des attributions de ces nouvelles instances ainsi que la procédure applicable.
Le juge de proximité ne pourra connaître que des demandes présentées par des personnes physiques. Les personnes morales telles que les associations ou les bailleurs institutionnels continueront de saisir le seul tribunal d'instance (2), y compris dans le cadre de demandes reconventionnelles (3) (COJ, art. L. 331-2 nouveau).
La compétence matérielle de la juridiction de proximité obéit à plusieurs critères cumulatifs :
les actions portées par un particulier devant la juridiction de proximité devront être relatives aux « besoins de sa vie non professionnelle » ;
elles devront concerner des affaires d'une valeur inférieure ou égale à 1 500 € ou d'une valeur indéterminée pour les affaires qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 1 500 € ;
seules les « actions personnelles mobilières », c'est-à- dire portant sur un bien meuble, pourront être portées devant les juridictions de proximité. Rappelons que constitue un droit personnel, le droit pour un créancier d'exiger du débiteur l'exécution de son engagement, par opposition au droit réel qui porte directement sur une chose (droit de propriété, hypothèque...).
Concrètement, il pourra donc s'agir, par exemple, d'actions en paiement de dommages et intérêts en réparation d'un petit préjudice causé par une faute contractuelle, d'actions portant sur la réalisation de travaux ou la livraison d'une chose commandée.
Dans les mêmes conditions, les juridictions de proximité seront également aptes à connaître des procédures d'injonction de payer ou de faire. Pour mémoire, ces dispositifs constituent une procédure simple et rapide qui permet à une personne (le créancier) d'obtenir du juge le paiement d'une créance quand le débiteur ne paie pas à l'échéance (injonction de payer) ou l'exécution d'une obligation de faire non contestable (injonction de faire).
Enfin, le juge de proximité est compétent, dans les mêmes conditions, pour homologuer un accord intervenu devant un conciliateur dès lors que cet accord se situe dans son champ de compétence. Rappelons qu'une loi du 8 février 1995 a consolidé cette procédure de conciliation en cours d'instance (voir encadré ci-contre).
Dans un souci de simplicité, l'article L. 331-3 nouveau du code de l'organisation judiciaire prévoit que la juridiction de proximité statue selon les règles de procédure applicables devant le tribunal d'instance. Ainsi, les procédures devant les juridictions de proximité seront notamment orales.
Elle se prononce, par ailleurs, après avoir cherché à concilier les parties par elle-même ou, le cas échéant et avec l'accord de celles-ci, en désignant une personne remplissant des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat.
En outre, l'assistance et la représentation des parties sont organisées dans les mêmes conditions que devant le tribunal d'instance. L'assistance d'avocat ne sera donc pas obligatoire, « ce qui paraît cohérent avec le souci d'occasionner le minimum de frais pour les plaideurs et de privilégier des procédures simples » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).
En matière civile, les décisions du juge de proximité seront rendues « en dernier ressort », ce qui signifie qu'elles ne sont pas susceptibles d'appel mais uniquement d'un recours en cassation ou en révision (COJ, art. L. 331-2 nouveau). Les tiers pourront également former tierce opposition (voie de recours ouverte aux personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées dans une instance leur permettant d'attaquer une décision qui leur fait grief et de faire qu'elle leur soit inopposable) et le défendeur n'ayant pas comparu pourra former opposition si le jugement a été rendu par défaut (c'est-à-dire sans que le plaideur ne comparaisse ou n'accomplisse les actes de procédure).
La loi prévoit toutefois la possibilité pour le juge de proximité, lorsqu'il statue en matière civile, de renvoyer l'affaire au tribunal d'instance. Ce, s'il rencontre une « difficulté juridique sérieuse portant sur l'application d'une règle de droit ou sur l'interprétation du contrat liant les parties » (COJ, art. L. 331-4 nouveau). Il peut y procéder d'office ou à la demande de l'une des parties, après avoir recueilli l'avis, selon le cas, de l'autre ou des deux parties. Une fois le renvoi fait, le tribunal d'instance statue en tant que juridiction de proximité.
La loi fixe également les attributions du juge de proximité en matière pénale tant à l'égard des majeurs que des mineurs.
Pour renforcer le taux de réponse pénale et faire en sorte de ne laisser aucune infraction impunie, la loi Perben introduit dans le livre IV du code de procédure pénale un article unique - l'article 706-72. Un article auquel les dispositions du code de l'organisation judiciaire sur les compétences du juge de proximité en matière pénale renvoie (COJ, art. L. 331-5 nouveau). Ces compétences sont de deux ordres.
Les juges de proximité seront compétents pour juger les contraventions de police figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat. D'après les informations fournies par la chancellerie, les juridictions de proximité devraient connaître des contraventions de la première à la cinquième classe commises par les majeurs. Et seraient notamment compétentes face aux menaces réitérées de violences (classe 3), aux violences n'ayant entraîné aucune incapacité de travail (classe 4) ou une incapacité n'excédant pas 8 jours (classe 5), à l'intrusion dans l'enceinte d'un établissement scolaire (classe 5) (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).
S'agissant de la procédure applicable devant les juridictions de proximité, la loi Perben prévoit qu'elle sera identique aux règles actuellement applicables devant les tribunaux de police, prévues aux articles 521 à 549 du code de procédure pénale.
Autre attribution : la capacité de valider, sur délégation donnée par le président du tribunal de grande instance, les mesures de composition pénale. Prévue aux articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale et uniquement applicable aux personnes majeures, la composition pénale est une mesure alternative aux poursuites pénales, applicable pour certains délits ou en cas de violences ou de dégradations contraventionnelles. Son régime a été parallèlement modifié par la loi Perben .
S'agissant des mineurs, comme nous l'avons vu (4), les juges de proximité connaîtront des contraventions des quatre premières classes, jusque-là de la compétence du tribunal de police (ord. 2 février 1945, art. 21 modifié). Il s'agit par exemple de la menace réitérée de destruction ou de dégradation (classe 1), de la divagation d'animal dangereux (classe 2), du bruit et du tapage nocturne ou diurne (classe 3). Dans ce cadre, « ces juges pourront notamment prononcer à l'égard des mineurs une admonestation ou une mesure de réparation, ainsi que des amendes » (J.O.A.N.[C.R.] n° 32 du 1-08-02).
L'entrée en vigueur de ces dispositions est toutefois subordonnée à la mise en place des juges de proximité et à la publication du décret fixant la liste des contraventions.
Les contraventions de la cinquième classe commises par les mineurs restent instruites par les juges des enfants et jugées par les tribunaux pour enfants.
La loi Perben renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination de la localité dans laquelle la juridiction de proximité va être implantée et de la circonscription dans laquelle elle exercera sa compétence (COJ, art. L. 331-6 nouveau). Dominique Perben a toutefois expliqué au cours des débats que le « ressort du juge de proximité, c'est celui du tribunal d'instance, c'est-à-dire l'arrondissement » (J.O.A.N. [C.R.]n° 33 du 2-08-02).
La juridiction de proximité statue « à juge unique ». Elle aura donc la même formation de jugement que le tribunal d'instance. Elle pourra également tenir des audiences foraines (5) en tout lieu public approprié dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (COJ, art. L. 331-8 nouveau). Pour mémoire, la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a prévu la possibilité pour les juridictions de tenir de telles audiences dans des communes de leur propre ressort autres que celles où est fixé leur siège. Concrètement, le choix des lieux devrait tenir compte de la concentration urbaine et des besoins de la population, notamment dans les zones urbaines difficiles ou les quartiers défavorisés. Les maisons de la justice et du droit, les antennes de justice ou encore les mairies pourraient être retenues (Rap. Sén. n° 370, juillet 2002, Schosteck et Fauchon).
Afin de pallier toute difficulté d'organisation de ces nouvelles juridictions et prendre la spécificité de ces futurs juges qui pourraient continuer à avoir une activité professionnelle, les fonctions de juge de proximité seront exercées par un juge du tribunal d'instance territorialement compétent, en cas d'absence, d'empêchement du juge de proximité ou « lorsque le nombre de juges de proximité se révèle insuffisant » (COJ, art. L. 331-9 nouveau). L'objectif de cette disposition- « mécanisme transitoire » selon le garde des Sceaux (J.O.A.N.[C.R.] n° 33 du 2-08-02) - est de remédier aux difficultés qui peuvent notamment résulter du recrutement de ces juges.
« Faciliter l'exercice des poursuites pénales et [...] mieux prendre en compte les formes nouvelles de criminalité. » C'est l'une des aspirations poursuivies par le rapport annexé à la loi Perben. Cette dernière simplifiant, à cette fin, la procédure pénale. Toujours dans cette perspective, le rapport annexé à la loi souhaite l'instauration « d'un traitement rénové de la réponse pénale ». Pour ce faire, il indique que le nombre de magistrats et de fonctionnaires de justice devrait augmenter, permettant ainsi la réduction des délais de jugement des affaires pénales. De même, il promet un renforcement du soutien aux associations œuvrant en amont des condamnations pénales afin de développer les « enquêtes sociales rapides, des enquêtes de personnalité et des mesures de contrôle judiciaire socio-éducatives ». Enfin, il prône la diminution des délais d'exécution des peines.
De manière plus effective, la loi Perben comporte plusieurs dispositions inspirées de cette ambition :l'aménagement de la composition pénale et l'assouplissement du placement en détention provisoire. Et, dans un souci de meilleure efficacité, elle crée une nouvelle procédure, le référé-détention.
La loi du 9 septembre modifie sur plusieurs points la procédure de la composition pénale, destinées à étendre son champ d'application et son efficacité. Pour mémoire, cette procédure alternative aux poursuites, introduite dans le code de procédure pénale par la loi du 23 juin 1999 (6), permet à un délinquant majeur, avec son accord, lorsqu'il a reconnu sa culpabilité, d'exécuter une mesure en échange de l'extinction des poursuites pénales. Toutefois, cette mesure n'est possible que pour certains délits et pour les violences et dégradations contraventionnelles.
Le code de procédure pénale fixe les délits susceptibles de faire l'objet d'une composition pénale (CPP, art. 41-2 modifié). Il s'agit notamment des violences aggravées, des appels téléphoniques malveillants, des menaces et des atteintes à l'exercice de l'autorité parentale. A cette liste est désormais ajouté le délit de recel (code pénal, art.321-1). Cet élargissement, qui est d'application immédiate, devrait permettre de sanctionner plus efficacement les auteurs de vols simples pour lesquels il est parfois difficile de prouver qu'ils sont à l'origine du vol du bien trouvé en leur possession.
De plus, la loi étend également cette procédure aux contraventions « dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat » (CPP, art. 41-3 modifié). Pour mémoire, la composition pénale était jusque-là applicable seulement aux violences et dégradations contraventionnelles. Selon les rapports parlementaires, la composition pénale pourrait ainsi être proposée pour des infractions telles que l'intrusion dans un établissement scolaire, le racolage ou encore les mauvais traitements envers un animal (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann, page151).
La composition pénale se traduit par une ou plusieurs obligations qui sont élargies par la loi du 9 septembre (CPP, art. 41-2 modifié). Ces modifications sont d'application immédiate (circulaire du 10 septembre 2002).
Parmi elles figure l'obligation de remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de conduire pour une période maximale portée de 4 à 6 mois par la loi du 9 septembre. L'ambition est principalement de renforcer la lutte contre l'alcool au volant, puisque la conduite sous l'empire d'un état alcoolique fait partie de la liste des infractions susceptibles de faire l'objet d'une composition pénale.
Surtout, la loi complète les différentes mesures susceptibles d'être prononcées dans ce cadre par l'obligation de suivre un stage ou une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel, pour une durée maximale de 3 mois et dans un délai qui ne pourra être supérieur à 18 mois. Cette obligation devrait non seulement s'appliquer aux conducteurs en état d'alcoolémie mais également aux usagers de stupéfiants.
Autres modifications : les compositions pénales exécutées seront inscrites au casier judiciaire de l'intéressé, sur le bulletin n° 1 (CPP, art. 768 et 775 modifiés). Lequel n'est accessible qu'aux autorités judiciaires.
L'article 769 du code de procédure pénale, relatif au retrait des fiches du casier judiciaire, est également complété, afin de permettre le retrait des mentions relatives à la composition pénale à l'expiration d'un délai de 3 ans à compter de leur exécution, lorsque l'intéressé n'a pas, pendant ce délai, soit été condamné pour un crime ou un délit ou soit exécuté une nouvelle composition pénale. La circulaire du 10 septembre 2002 précise toutefois que cette disposition requiert un décret pour être applicable.
Pour finir, la loi permet désormais au procureur de la République de proposer une mesure de composition pénale pendant la garde à vue de l'intéressé. Jusque-là, il lui était, en effet, impossible de le faire parce que l'auteur des faits n'était pas accompagné par son avocat lors de sa garde à vue, ce qui n'est plus le cas actuellement (CPP, art. 41-2, al. 7 modifié). Cette disposition est d'application immédiate.
Par ailleurs, la loi supprime le droit pour les intéressés d'obtenir leur audition par le juge (CPP, art. 41-2, al. 10 modifié). Explications : lorsque l'auteur des faits donne son accord aux mesures proposées, le procureur de la République saisit le président du tribunal pour valider la composition. L'auteur des faits et les victimes étaient alors en droit d'être auditionnés par le juge, s'ils le demandaient. C'est ce droit qui disparaît. Autrement dit, le juge pourra refuser de les entendre même s'ils en font la requête. La circulaire du 10 septembre 2002 précise que cette disposition est d'application immédiate. Ce droit ne doit donc plus être notifié aux intéressés mais aucune nullité ne résulterait d'une notification erronée, souligne-t-elle.
La loi du 9 septembre modifie également sur plusieurs points le régime de la détention provisoire. En plus de renforcer le rôle du procureur de la République (CPP, art. 137-4 nouveau), elle modifie les seuils ainsi que les critères de placement et de prolongation de la détention provisoire. Ces dispositions s'appliquent depuis le 11 septembre, date d'entrée en vigueur de la loi.
Les seuils de placement en détention provisoire connaissent une nouvelle modification après celle intervenue avec la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence et aux droits des victimes (7) puis avec la loi du 4 mars 2002 qui y a apporté des ajustements (8). Objectif : simplifier le dispositif complexe instauré par ces deux lois.
La détention provisoire sera toujours possible si la personne encourt une peine criminelle ou, désormais, lorsque le quantum de la peine correctionnelle encourue est égal ou supérieur à 3 ans, quels que soient la nature de l'infraction en cause et les antécédents judiciaires de la personne mise en examen (CPP, art. 143-1, al.4 supprimé). La prise en compte d'une éventuelle récidive et la distinction entre les délits contre les biens et les autres délits sont donc supprimées. Rappelons que la détention provisoire peut également être ordonnée lorsque la personne mise en examen se soustrait aux obligations d'un contrôle judiciaire (mesure prononcée par le juge contraignant une personne mise en examen pour un délit ou un crime, mais restée libre, à se mettre à la disposition de la justice et à respecter certaines obligations).
La loi du 15 juin 2000 a juridictionnalisé les mesures d'aménagement de peines.
En principe, les mesures de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et de suspension de peines, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle sont accordées, ajournées, refusées, retirées ou révoquées par décision motivée du juge de l'application des peines, après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, à l'issue d'un débat contradictoire. La loi Perben autorise la suppression du débat contradictoire, lorsque le procureur de la République et le condamné ou son avocat ont donné leur accord (code de procédure pénale, art. 722 modifié). Cette disposition est d'application immédiate.
L'article 144 du code de procédure pénale énumère les critères de placement (ou de prolongation) de la détention provisoire. Cette mesure ne peut, en effet, être ordonnée ou prolongée que si elle constitue l'unique moyen:
de conserver les preuves ou d'empêcher une pression sur les témoins et les victimes ou une concertation entre les mis en examen et les complices de l'infraction ;
de protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice ou de mettre fin à l'infraction ;
ou encore de mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public. Ce motif, depuis la loi du 15 juin 2000, ne pouvait toutefois justifier la prolongation de la détention provisoire sauf en matière criminelle ou lorsque la peine correctionnelle encourue était supérieure ou égale à 10 ans d'emprisonnement. La loi Perben supprime cette restriction, autorisant ainsi la prolongation de la détention provisoire pour mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, quel que soit le quantum de la peine encourue.
Cette modification devrait permettre, par exemple, de maintenir en détention les auteurs d'agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans qui encourent une peine de 7 ans d'emprisonnement, pour lesquels il était parfois difficile de justifier la prolongation de la détention sans recourir à ce critère.
La loi du 15 juin 2000 a institué des délais butoirs en matière de détention provisoire. Pour mémoire, sa durée en matière correctionnelle ne peut être supérieure à 4 mois, 1 an ou 2 ans selon, notamment, le quantum de la peine encourue, le passé pénal du mis en examen ou la nature de l'infraction. Il en est de même, en matière criminelle, puisqu'une mesure de détention provisoire ne peut être d'une durée supérieure à 2 ans, 3 ans ou 4 ans selon la situation de la personne mise en examen au regard de critères tenant à la peine encourue, au nombre de faits criminels poursuivis ou à la nature de ces derniers.
Sans remettre en cause ces délais butoirs, la loi Perben met en place une « soupape de sécurité permettant d'éviter la remise en liberté des délinquants dangereux » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann). Elle complète pour cela les articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale en précisant que, à titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d'une « particulière gravité », la détention peut être prolongée de 4 à 8 mois, dans certaines conditions fixées par la loi.
L'enquête (art. 34 et 35)
La loi Perben supprime le contrôle du juge des libertés et de la détention sur la durée des enquêtes préliminaires et prévoit la possibilité d'utiliser des moyens de télécommunication audiovisuelle pour prolonger les gardes à vue ou les retenues judiciaires, évitant la présentation de la personne devant le magistrat.
L'instruction (art. 39)
La loi cherche à renforcer les règles en matière d'instruction. Ainsi, elle allonge le délai de convocation pour l'interrogatoire de première comparution. Elle permet également au juge d'instruction qui rend une ordonnance de non-lieu à l'issue d'une information ouverte sur constitution de partie civile de prononcer, sur réquisitions du parquet et par ordonnance motivée, une amende civile lorsqu'il estime que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire.
Elle élargit, par ailleurs, également le recours à la procédure de témoin anonyme.
Le jugement des délits (art. 40 à 42)
La loi du 9 septembre étend et simplifie l'utilisation de la procédure de comparution immédiate. En outre, la loi rétablit les délais dans lesquels les prévenus détenus doivent être jugés, en vigueur avant l'adoption de la loi du 15 juin 2000 (à savoir dans les 2 mois ou les 4 mois pour le jugement sur le fond ou pour la décision de la cour d'appel).
La loi du 9 septembre 2002 crée une nouvelle procédure - le référé-détention - offrant la possibilité d'un « nouveau regard » en urgence sur les décisions de détention et de libération lors de la procédure de détention provisoire (CPP, art.148-1-1 et 187-3 nouveaux).
Ainsi, en cas de décision de remise en liberté prise par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention, la loi donne au procureur de la République un délai de 4 heures, à compter de la notification de cette décision rendue contrairement à ses réquisitions, pour faire appel devant la chambre d'instruction et saisir la cour d'appel afin de faire déclarer cet appel suspensif. Cette dernière saisine suspend les effets de l'ordonnance de remise en liberté pendant un délai maximal de 2 jours ouvrables, la cour d'appel disposant de ce délai pour statuer. Ainsi, l'intéressé ne sera pas libéré dans l'attente de sa décision. Mais le sera, sauf s'il est détenu pour une autre cause, si la juridiction outrepasse cette échéance.
Le détail de la procédure, qui est entrée en vigueur le 1er novembre, est fixé par la loi. Une circulaire doit, en outre, très prochainement expliciter le dispositif.
Sophie André
(1) Voir ASH n° 2273 du 23-08-02.
(2) Ce, pour les litiges d'une valeur maximale de 7 600 €.
(3) Situation dans laquelle le défendeur dans un procès prend l'offensive en formant à son tour une demande qui, si elle réussit, entraîne la condamnation de son adversaire.
(4) Voir ASH n° 2278 du 27-09-02.
(5) Les audiences d'une juridiction se déroulent en principe dans le palais de justice. Toutefois, des audiences peuvent parfois se tenir hors leurs murs et dans une autre commune que celle où siège cette juridiction.
(6) Voir ASH n° 2125 du 25-06-99.
(7) Voir ASH n°2179 du 08-09-00.
(8) Voir ASH n° 2252 du 1-03-02.