Il ne faut pas biaiser les chiffres, mais examiner sereinement, « sans parti pris », les dispositifs de rétention administrative et d'éloignement du territoire des différents pays de l'Union européenne. Telle est la teneur de la lettre ouverte au ministre de l'Intérieur, rendue publi- que le 6 novembre par la Cimade (1), réagissant à l'intention manifestée à plusieurs reprises au cours des derniers mois par Nicolas Sarkozy d'augmenter la durée de la rétention administrative, qui permet de priver de liberté un étranger dépourvu de titre de séjour dans l'attente de son éloignement du territoire (2).
L'association, seule habilitée à intervenir dans les centres de rétention, conteste l'argumentation du ministre, pour qui la durée de rétention, limitée actuellement à 12 jours, est insuffisante pour organiser les reconduites à la frontière, dont 80 % ne seraient pas exécutées. D'une part, estime la Cimade, si l'on s'en tient strictement au pourcentage de personnes éloignées par rapport au nombre d'étrangers maintenus en rétention, on arrive à 40 % de reconduites effectives. L'association réfute, d'autre part, l'idée qu'une rétention plus longue permettrait de procéder à l'éloignement des 60 %restants : « La durée moyenne de rétention demeure, avec une constance confondante depuis 1992, entre trois et cinq jours », constate- t-elle. La mise en place, entre 1993 et 1998, de la rétention judiciaire, rendant possible dans certains cas un placement de trois mois pour favoriser les recherches d'identité et la réalisation des expulsions, s'était d'ailleurs soldée par le même taux de 40 %d'éloignements .
Par ailleurs, à Nicolas Sarkozy qui avance que les autres pays de l'Union européenne ont tous opté pour des délais de rétention plus longs, la Cimade répond qu' « aucune donnée chiffrée ne peut aujourd'hui prouver » l'efficacité supérieure de ces systèmes. En Belgique, où la rétention peut atteindre huit mois, « le taux d'exécution des mesures à partir des centres ne dépasse pas 50 % », pointe l'association. Qui demande la création d'une commission d'enquête, à l'échelle européenne, sur « les coûts et les conséquences [...] des dispositifs d'éloignement forcé des étrangers ».
(1) Cimade : 176, rue de Grenelle - 75007 Paris - Tél. 01 44 18 60 50.
(2) Voir ASH n° 2273 du 23-08-02.