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L'AIDE AUX VICTIMES

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Avec la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre, Dominique Perben a donné le coup d'envoi du plan national d'action que le gouvernement entend mener, sur cinq ans, pour améliorer la situation des victimes.

Loi d'orientation et de programmation pour la justice

(Titre VIII de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, J.O. du 10-09-02)

Replacer la victime au centre des préoccupations de l'institution judiciaire. Et faire que, dans les procédures, elle ne bénéficie plus de droits moindres que la personne mise en cause. C'est l'ambition affichée par le garde des Sceaux, Dominique Perben, qui, avec sa loi d'orientation et de programmation pour la justice, a posé les jalons d'un plan d'action destiné à améliorer, dans les cinq prochaines années, l'information des victimes d'infractions sur leurs droits, le déroulement de l'ensemble de la procédure et l'exécution de la peine par l'auteur de l'infraction. Un chantier en cohérence avec la loi de programmation et d'orientation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, dans laquelle est annoncée, en annexe, l'établissement d'une « charte de qualité » fixant, pour la police et la gendarmerie, les modalités d'accueil, d'information et d'aide aux victimes (1).

Le titre VIII de la nouvelle loi comprend ainsi 3 des 14 mesures du programme d'action (voir encadré). La première complète la liste des droits devant être notifiés aux victimes par les enquêteurs dès la première audition. La deuxième ouvre la possibilité pour les victimes d'obtenir la désignation d'un avocat par le bâtonnier. Et la dernière étend le bénéfice de l'aide juridictionnelle de plein droit au profit des victimes d'infractions graves. La loi Perben crée aussi deux nouvelles procédures judiciaires d'enquête ou d'information pour rechercher les causes d'une disparition suspecte (voir encadré).

Ces dispositions sont applicables depuis le 11 septembre, date d'entrée en vigueur de la loi.

I - L'INFORMATION DES VICTIMES D'INFRACTIONS (art. 63 de la loi)

La personne placée en garde à vue peut toujours, à défaut de choisir un avocat, demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier (code de procédure pénale [CPP], art. 63-4 inchangé). A l'inverse, jusqu'à présent, la victime d'infractions se retrouvait souvent seule pour faire valoir sa position. C'est cette différence de traitement qui a conduit le législateur à intervenir pour améliorer son information sur son droit d'obtenir réparation du préjudice subi, d'être soutenue par une association d'aide aux victimes, de se constituer partie civile, d'être assistée d'un avocat et de saisir, le cas échéant, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI).

L'objectif ? « Rendre la justice plus lisible et plus compréhensible pour la victime, souvent démunie lors de sa première audition par les services d'enquête, et éviter qu'elle se sente tenue à distance du fonctionnement de l'institution judiciaire » (Rap. Sén. n° 370, juillet 2002, Schosteck et Fauchon).

A - La réparation du préjudice

La loi du 9 septembre maintient l'obligation, pour les enquêteurs, d'informer les victimes de leur droit d'obtenir la réparation du préjudice subi. Une disposition issue de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence (2) et qui, concrètement, impose aux officiers et agents de police judiciaire de présenter aux victimes, dès la première audition, les différents recours dont elles disposent, qu'ils soient de nature juridictionnelle ou qu'ils relèvent d'une procédure de règlement amiable. La nouvelle loi précise que cette information doit s'effectuer « par tout moyen » (CPP, art. 53-1 al. 2 nouveau et art. 75 al. 3 modifié).

B - L'assistance d'une association d'aide aux victimes

Les officiers et agents de police judiciaire doivent désormais s'acquitter « par tout moyen » de l'obligation d'informer les victimes de leur droit « d'être aidées par un service relevant d'une ou plusieurs collectivités publiques ou d'une association conventionnée d'aide aux victimes » (CPP, art. 53-1 4° nouveau et art. 75 al. 3 modifié).

En 2000, les associations d'aide aux victimes ont reçu 176 158 personnes dont 105 117 victimes d'infractions pénales. Près de 50 000 ont nécessité un suivi (Rap. Sén. n° 370, juillet 2002, Schosteck et Fauchon).

C - La constitution de partie civile

La loi d'orientation et de programmation pour la justice rend par ailleurs obligatoire l'information « par tout moyen » de la victime sur la possibilité de se constituer partie civile et sur les modalités permettant d'engager une telle action (CPP, art. 53-1 2° nouveau et art. 75 al. 3 modifié). On doit ainsi systématiquement lui indiquer qu'elle peut agir :

 soit dans le cadre d'une procédure ouverte à l'initiative du ministère public  ;

 soit de sa propre initiative, par une citation directe de l'auteur des faits devant la juridiction compétente ou par un dépôt de plainte devant le juge d'instruction.

D - L'assistance d'un avocat

Les officiers et agents de police judiciaire ont désormais l'obligation d'informer les victimes « par tout moyen » de leur droit d'être assistées d'un avocat, dans l'hypothèse où elles souhaiteraient se constituer partie civile (CPP, art.53-1 3° nouveau et art. 75 al. 3 modifié).

Les victimes sont libres de choisir elles-mêmes leur avocat mais peuvent également demander à ce qu'il soit désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats près la juridiction compétente. Le législateur a pris le soin de préciser les modalités d'application de cette dernière faculté et distingue ainsi deux hypothèses (CPP, art. 40-1 nouveau)  :

 dans le cas où le parquet décide, de sa propre initiative, de mettre l'action publique en mouvement, il appartient alors au procureur de la République d'informer « sans délai » le bâtonnier de la demande des parties ;

 si, au contraire, le parquet décide de ne pas engager de poursuites et si la victime maintient son intention d'obtenir la réparation de son préjudice (par citation directe ou plainte avec constitution de partie civile), cette dernière doit adresser sa demande directement au bâtonnier.

L'idée est de permettre à la victime de bénéficier le plus tôt possible de l'assistance d'un avocat de permanence en cas de renvoi à bref délai du prévenu devant la justice. Un cas de figure loin d'être exceptionnel au vu des chiffres donnés au cours des travaux parlementaires : les citations directes, les convocations par officier de police judiciaire et les comparutions immédiates représentent ainsi « près de 71 %des procédures de comparution » (contre 34 % il y a 10 ans). Les modes de comparution dits rapide ont ainsi « augmenté de 83 % entre 1991 et 2000 » (Rap. Sén. n° 370, juillet 2002, Schosteck et Fauchon).

La rémunération de l'avocat, choisi ou désigné, est à la charge des victimes, sauf si elles remplissent les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle ou si elles bénéficient d'une assurance de protection juridique (CPP, art. 53-1 3° nouveau).

« L'élargissement des modalités de désignation de l'avocat d'une victime présente l'avantage de placer cette dernière sur un pied d'égalité », analysent les sénateurs Jean-Pierre Schosteck (UMP-RPR) et Pierre Fauchon (UMP-UC). En effet, expliquent-ils, « sans remettre en cause l'exercice des droits de la défense, il [pouvait] apparaître choquant que l'accusé, le prévenu, le gardé à vu, le témoin assisté puissent se voir désigner un avocat commis d'office alors que la victime est souvent contrainte de multiplier les démarches pour être assistée d'un avocat ».

E - La saisine de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction

Le législateur prévoit enfin que les enquêteurs doivent informer « par tout moyen » les victimes de leur droit de saisir, « le cas échéant », la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) (CPP, art. 53-1 5° nouveau et art. 75 al. 3 modifié). Une possibilité qui leur est toutefois ouverte uniquement si les faits (CPP, art. 706-3 et 706-14 inchangés)  :

 ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou totale de travail personnelle égale ou supérieure à 1 mois ;

 ou sont constitutifs d'une agression sexuelle, d'un viol ou d'une atteinte sexuelle.

Instituées dans le ressort de chaque tribunal de grande instance, ces commissions d'indemnisation ont reçu 13 910 demandes en 2000 contre 9 918 en 1996 tandis que le montant des indemnités qu'elles ont versées a atteint 147,5 millions d'euros en 2000 contre 89,6 millions d'euros en 1996 (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).

Deux nouvelles procédures en cas de disparition suspecte (art. 66)

L'affaire des « disparues de l'Yonne » a mis en évidence les insuffisances du droit pour permettre un traitement judiciaire efficace des disparitions inquiétantes (3) . Jusqu'à présent, il existait en effet un vide juridique entre l'enquête administrative de recherche d'une personne disparue - pour laquelle les enquêteurs ne disposent que de peu de moyens juridiques - et le recours à des investigations judiciaires - qui nécessitent l'existence d'indices objectifs de la commission d'un crime ou d'un délit.

Une lacune que le gouvernement espère combler avec la loi Perben, qui rend possible l'ouverture d'une enquête judiciaire en cas de disparition d'un mineur ou d'un majeur protégé d'une part, ou de toute autre personne qui ne donne plus signe de vie dans des conditions inquiétantes ou suspectes d'autre part, eu égard aux circonstances, à l'âge de l'intéressé ou à son état de santé (CPP, art. 74-1 et 80-4 nouveaux) .

Chaque année, en France, 6 565 personnes, mineures et majeures, disparaissent dans des circonstances qui peuvent faire craindre qu'elles aient été victimes d'un crime ou d'un délit susceptible de mettre leur vie en danger.

II - L'AIDE JURIDICTIONNELLE DE PLEIN DROIT (art. 65)

Les victimes d'infractions pénales ne bénéficiaient auparavant d'aucune dérogation en matière d'aide juridictionnelle. A l'instar des autres justiciables, elles n'y étaient ainsi éligibles que sous réserve, d'une part, du caractère sérieux de la demande et, d'autre part, de ne pas dépasser les plafonds mensuels de ressources fixés par la loi, soit actuellement 802  € pour l'aide totale et 1 203  € pour l'aide partielle  (majoration pour personne à charge supplémentaire de 91 €). Seuls les plaideurs en matière de pension militaire, les mineurs entendus en justice dans toute procédure les concernant et les personnes dont la situation « apparaît digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès » échappaient à cette condition de ressources.

La loi Perben a introduit une nouvelle dérogation au dispositif en vigueur et rend automatique l'attribution de l'aide aux victimes de certains crimes et à leurs ayants droit sans tenir compte des plafonds de ressources (CPP, art.9-2 nouveau).

Les infractions visées sont :

 les atteintes volontaires à la vie (meurtre ou empoisonnement) (code pénal [CP], art. 221-1 à 221-5)  ;

 les atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne (tortures, actes de barbarie) (CP, art. 222-1 à 222-6)  ;

 les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur une personne vulnérable (mineur de 15 ans, personne âgée...), sur une personne d'autorité (magistrat, fonctionnaire de police...), un parent... (CP, art.222-8 et 222-10)  ;

 les violences habituelles commises sur une personne particulièrement vulnérable ayant entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité permanente (CP, art. 222-14 1° et 2°)  ;

 le viol aggravé (viol ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ou commis sur une personne vulnérable...) (CP, art. 222-23 à 222-26)  ;

 la séquestration, l'enlèvement, les atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité physique de la personne, et le détournement d'aéronef ou de toute autre moyen de transport, en lien avec une entreprise terroriste (CP, art.421-1 1°).

Selon le ministère de la Justice, les modifications de coordination qui devront être apportées au décret du 19 décembre 1991 sur l'aide juridique ne conditionnent pas l'application de ces nouvelles dispositions. Lesquelles sont donc effectives depuis le 11 septembre (circulaire DACG du 10 septembre 2002 à paraître au B.O.M.J.).

Olivier Songoro

Le programme d'action gouvernemental en faveur des victimes

Le garde des Sceaux, Dominique Perben, a présenté le 19 septembre, au Conseil national de l'aide aux victimes, son programme d'action, sur cinq ans, en faveur des victimes (4) . Il comprend 14 mesures en tout.

La première moitié d'entre elles vise à « garantir la place de la victime à tous les stades de la procédure pénale ».

Au-delà des trois mesures figurant d'ores et déjà dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice, le gouvernement s'engage ainsi à :

 apporter une attention particulière à la parole de l'enfant dans les procédures où sont allégués des abus sexuels, notamment dans le cadre de conflits familiaux ;

 permettre à la victime d'être renseignée sur l'exécution de la peine ;

 développer des permanences spécialisées d'avocats pour les victimes ;

 améliorer l'accessibilité et la lisibilité des documents remis aux victimes, notamment des avis de classement sans suite ;

 recourir aux nouvelles technologies afin d'assurer une meilleure information des victimes et faciliter la mise en œuvre de leurs droits.

Un deuxième train de mesures tend à « faire bénéficier la victime d'une plus grande solidarité ». Le gouvernement prévoit ainsi :

 la couverture de l'ensemble du territoire national par des associations structurées d'aide aux victimes ;

 un renforcement des dispositifs de réponse en urgence par un accès plus large au numéro national d'aide aux victimes (0 810 09 86 09)  ;

 la mobilisation d'une aide financière d'urgence pour permettre aux victimes les plus démunies de surmonter les difficultés matérielles immédiates auxquelles elles sont confrontées après les faits ;

 des modalités d'indemnisation de la victime « plus justes et plus transparentes »  ;

 une amélioration du fonctionnement des commissions d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI), « trop souvent méconnues du grand public et même des professionnels »  ;

 une réponse rapide et coordonnée en cas d'accidents collectifs.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2273 du 23-08-02.

(2)  Voir ASH n° 2178 du 1-09-00.

(3)  Elle concernait la disparition de sept jeunes femmes à Auxerre et dans ses environs proches, entre 1975 et 1979, et n'avait abouti à la découverte du présumé coupable qu'en 2000.

(4)  Voir ASH n° 2277 du 20-09-02.

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