Environ 3 000 personnes se sont retrou- vées le 26 octobre au Zénith, à Paris, lors du meeting contre la « double peine », cette interdiction du territoire français (ITF) créée par la loi de décembre 1970 qui frappe dans certains cas les étrangers après l'accomplissement en France de leur peine de prison. C'était le point d'aboutissement de la campagne nationale lancée il y a un an par le collectif « Une peine, point barre » regroupant une quinzaine d'organisations (1).
Aura-t-elle été fructueuse ? Diverses initiatives récentes peuvent le laisser penser. Ainsi, à la mi-octobre, le maire de Versailles, et député UMP des Yvelines, Etienne Pinte, a écrit à Jacques Chirac pour souligner le caractère « intolérable » de la double peine. Aux déclarations de cet élu, assez isolé sur ce sujet dans la majorité, sont venues s'ajouter, la veille même du meeting du Zénith, celles du ministre de l'Intérieur lui-même. « Le débat sur la double peine est ouvert », a affirmé Nicolas Sarkozy, ajoutant qu'il était « difficile de mettre dehors » des personnes quand elles ont « créé des liens en France », « y compris des gens [au] passé judiciaire chargé ». Un constat qui avait déjà entraîné une conséquence concrète le 17 octobre, quand le ministre avait pris la décision d'assigner à résidence en France Chérif Bouchelaleg, un Algérien père de six enfants français menacé d'expulsion après de nombreuses condamnations pénales. Le 30 octobre, Nicolas Sarkozy est même allé plus loin, déclarant à l'Assemblée qu'il faudra « avoir le courage » de réformer le système de la double peine.
De ces signes de bonne volonté (2), les organisateurs de la campagne « Une peine, point barre » se réjouissent. « Quand on voit l'inertie sur ce sujet jusqu'à présent, on est très satisfaits », souligne Bernard Bolze, coordinateur du collectif. Qui précise : « On ne se bat pas pour que le dealer de passage en France ne soit pas expulsé après sa condamnation, mais pour que soient rendues impossibles les expulsions des étrangers ayant leurs attaches personnelles et familiales en France. » Or elles ne sont pas rares, puisque, selon le collectif, 60 % de ces mesures d'interdiction du territoire sont prononcées plus de dix ans après la délivrance du premier titre de séjour, près d'un tiers concernent des personnes arrivées en France avant l'âge de 6 ans, et 48 % visent des parents d'au moins un enfant français. En 2000, 6 500 ITF ont été prononcées (contre 15 000 en 1995), dont 2 600 exécutées.
(1) Campagne nationale contre la double peine : 33, rue Imbert-Colomès - 69001 Lyon - Tél. 04 78 29 56 91 -
(2) Auxquels on peut ajouter le dépôt, annoncé pour la semaine prochaine, d'une proposition de loi du groupe PS à l'Assemblée visant à supprimer la double peine.