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DE NOUVEAUX DROITS POUR LES DÉTENUS

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Au-delà de ses dispositions sur la capacité et la sécurité des établissements pénitentiaires, le titre V de la loi Perben procède à une réforme globale de la psychiatrie pénitentiaire et cherche à rendre le travail en prison plus attractif.

Loi d'orientation et de programmation pour la justice

(Titre V de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, J.O. du 10-09-02)

Beaucoup moins controversé que le volet sur la justice des mineurs (1), le titre V de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 comprend une série de dispositions « relatives à l'amélioration du fonctionnement et de la sécurité des établissements pénitentiaires ». Deux chapitres méritent d'être relevés en ce qu'ils concourent à l'amélioration du sort des détenus.

L'un s'intitule « De la réinsertion professionnelle des détenus ». Résultant d'amendements défendus par le sénateur Paul Loridant, auteur d'un récent rapport sur le travail en prison (2), il supprime le prélèvement pour frais d'entretien et autorise les personnes détenues à travailler pour leur propre compte.

L'autre procède à une réforme globale de la psychiatrie pénitentiaire, qui touche à la fois son organisation et ses procédures. A cette fin, il est créé dans le code de la santé publique, au sein du livre II sur la lutte contre les maladies mentales, un chapitre spécifique consacré à l'hospitalisation des personnes détenues souffrant de troubles mentaux (3).

A ces dispositions, s'ajoutent les orientations du rapport annexé à la loi (voir encadré) auquel le Conseil constitutionnel a cependant, rappelons-le, dénié toute valeur normative.

I - LA RÉINSERTION PROFESSIONNELLE DES DÉTENUS

A l'origine, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice ne comportait aucune disposition sur le travail carcéral. Mais forts des recommandations du rapport Loridant, rendu public en juin dernier, les sénateurs sont parvenus à l'enrichir de deux amendements destinés à valoriser davantage le travail en prison. Le premier prévoit, à compter de 2003, la suppression du prélèvement, sur la rémunération du détenu, des frais dits d'entretien. Une mesure que la commission d'enquête parlementaire sur la situation dans les prisons avait elle aussi, en son temps, appelé de ses vœux (4). L'autre amendement retenu vise à permettre une nouvelle forme de travail en prison :l'activité pour son propre compte. Laquelle était toutefois déjà autorisée par des dispositions réglementaires.

A - La suppression du prélèvement pour frais d'entretien (art. 51 de la loi)

Pour mémoire, le travail dans les établissements pénitentiaires se présente sous trois formes :

 le service général consiste dans l'exécution de missions liées au fonctionnement et à l'entretien de l'établissement ;

 le travail fourni par la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) permet de produire les fournitures et les équipements de l'administration pénitentiaire ;

 enfin, le travail en concession consiste à travailler pour une entreprise extérieure dans le cadre d'un contrat passé avec l'administration.

La rémunération du détenu fait l'objet de deux prélèvements :

 les frais d'entretien, limités à 30 % de la rémunération nette (les détenus travaillant au service général en sont exemptés). Versés au profit du Trésor public, ils prennent la forme d'une somme forfaitaire calculée selon un coût mensuel de 45,73  € pour 30 jours ou journalier de 10  € ;

 une provision de 20 % de la rémunération, la moitié étant destinée à l'indemnisation des parties civiles, l'autre au pécule de libération des détenus. En fait, les détenus sont souvent incités à verser, pour l'indemnisation des parties civiles, davantage que les 10 % obligatoires afin de donner des gages de réinsertion et de bonne conduite.

Au total, notait le rapport Loridant, les prélèvements bruts peuvent ainsi atteindre jusqu'à 50 % de la rémunération. Or, le montant de celle-ci a une importance essentielle pour le détenu, lui permettant de « cantiner », c'est-à-dire d'améliorer ses conditions de détention (achat d'aliments, de cigarettes, location d'un poste de télévision...).

Aussi est-il désormais expressément inscrit dans la loi que le produit du travail du détenu ne peut faire l'objet d'aucun prélèvement pour frais d'entretien en établissement pénitentiaire (code de procédure pénale [CPP], art. 720, dernier alinéa modifié). Ces dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2003.

Le rapport annexé à la loi annonce, dans la perspective de la suppression des frais d'entretien, l'étude d'une réforme de la gestion des comptes nominatifs. Il s'agira, en particulier, « d'augmenter la part réservée aux parties civiles et d'introduire un principe de progressivité sur l'ensemble des prélèvements ». Un rapport présentant les axes de cette réforme sera déposé au Parlement dans un délai de 6 mois, promet l'annexe.

B - Le travail des détenus pour leur propre compte (art. 52)

Le travail pour son propre compte « développe chez le détenu le sens de l'initiative et de l'autonomie et constitue à cet égard un gage très probant de réinsertion » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann). Les parlementaires ont donc décidé de permettre aux détenus de travailler pour leur propre compte, à condition d'y être autorisés par le chef d'établissement (CPP, art. 720-1 AA).

Cette disposition a été présentée comme introduisant une quatrième forme de travail, après celles du service général, de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires et de la concession. En fait, sa portée doit être relativisée. Le code de procédure pénale, dans sa partie réglementaire, autorisait déjà les détenus à travailler pour leur propre compte (art. D. 101). Selon nos informations, la direction de l'administration pénitentiaire pourrait cependant se saisir de la loi Perben pour rédiger une circulaire de portée générale, destinée à faciliter l'exercice de certaines activités compatibles avec la nature de l'infraction commise par le détenu et le milieu carcéral.

Les orientations du rapport annexé

Au-delà des mesures qui ont déjà trouvé une traduction concrète avec la loi, le rapport annexé à celle-ci annonce d'autres orientations qui devraient être mises en œuvre d'ici à 2007.

On y apprend notamment que « le gouvernement présentera [...] une loi d'orientation pénitentiaire qui aura pour objet de définir le sens de la peine et de préciser les missions assignées à la prison » (5) . Et qu' «  une réflexion sur les dispositifs d'individualisation des peines en cours d'exécution sera engagée » .

Plus loin, le gouvernement affirme que « les détenus doivent pouvoir bénéficier du même accès aux soins que celui qui est donné à la population générale tout en respectant les règles de sécurité liées à leur condition de détenus ». Puis admet qu' « une attention particulière doit être portée à la prévention et à la lutte contre la toxicomanie en détention ainsi qu'au suivi du toxicomane après son incarcération ». Le rapport se préoccupe aussi de l'incarcération des personnes âgées et des personnes handicapées : le nombre de cellules aménagées devra être accru et la prise en charge socio-sanitaire améliorée.

Plus généralement, le rapport juge « primordial de renforcer la lutte contre l'indigence [et] de veiller au maintien des liens familiaux » pour améliorer la prise en charge des personnes détenues et préparer leur sortie « dans un souci de réinsertion et de prévention de la récidive » .

Au menu également : le développement des structures en milieu ouvert et le renforcement des effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

II - L'HOSPITALISATION DES DéTENUS ATTEINTS DE TROUBLES MENTAUX  (art. 48)

La loi d'orientation et de programmation pour la justice réforme également le dispositif de santé mentale en milieu pénitentiaire. L'hospitalisation, avec ou sans consentement, d'une personne détenue atteinte de troubles mentaux sera désormais réalisée en milieu hospitalier, au sein d'une unité spécialement aménagée. Les services médico-psychologiques régionaux, instaurés au sein des établissements pénitentiaires, ne pourront donc plus assurer d'hospitalisation à temps complet. Les détenus se voient, en outre, reconnaître les mêmes droits que toute personne hospitalisée. Enfin, la loi modifie les critères de l'hospitalisation sous contrainte des détenus, jusqu'alors alignés sur ceux de l'hospitalisation d'office.

La définition de ce dispositif et de ses modalités de fonctionnement relève du domaine réglementaire. La direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (ministère de la Santé) et celle de l'administration pénitentiaire (ministère de la Justice) examinent actuellement les modalités de mise en œuvre de la loi.

A - La nouvelle organisation

1 - DES UNITÉS SPÉCIALEMENT AMÉNAGÉES EN MILIEU HOSPITALIER

Pour mémoire, depuis 1986, l'organisation du secteur de psychiatrie repose sur une structure de base, le service médico-psychologique régional (SMPR). Ce dernier s'est vu confier une mission générale de prévention de l'affection mentale en milieu pénitentiaire, ainsi que la mise en œuvre des traitements psychiatriques nécessaires et le suivi psychiatrique de la population post-pénale en coordination avec les équipes des autres secteurs de psychiatrie (le secteur de psychiatrie générale et celui de psychiatrie infanto-juvénile). Il existe 26 SMPR sur le plan national, tous implantés au sein d'un établissement pénitentiaire. Dans les établissements qui en sont dépourvus, une équipe psychiatrique est désignée par l'établissement hospitalier de rattachement pour prendre en charge la santé des détenus à travers des consultations régulières.

L'hospitalisation dans les SMPR est liée au consentement du malade. Les hospitalisations sans consentement font appel au secteur de psychiatrie générale, que ce soit dans les centres hospitaliers spécialisés (CHS) ou les unités de malades difficiles (UMD).

En dépit de son organisation récente, ce dispositif souffrait de carences, pointées en 2000 par les parlementaires des commissions d'enquête sur les prisons (6) et, plus récemment, par un rapport conjoint des inspections générales des services judiciaires et des affaires sociales (7). Notamment, si les services médico-psychologiques régionaux permettent des prises en charge ambulatoires de qualité des personnes détenues qui consentent aux soins (prises en charge diversifiées et incluant les hospitalisations de jour), ils sont inadaptés aux hospitalisations à temps complet. En particulier, les cellules affectées à ces services, qui ne diffèrent pas des autres, sont pour la plupart dépourvues de surveillance médicale la nuit. Et leur entretien, assuré par les détenus affectés au service général, n'est que rarement conforme aux règles d'hygiène très strictes en vigueur dans les hôpitaux.

La prise en charge psychiatrique exigeant un environnement, des normes sanitaires et des méthodes de soins incompatibles avec le cadre pénitentiaire, le nouvel article L. 3214-1 du code de la santé publique prévoit donc que l'hospitalisation d'un détenu atteint de troubles mentaux devra désormais avoir lieu dans un établissement de santé, au sein d'une unité spécialement aménagée. Autrement dit, il n'y aura plus d'hospitalisation à temps complet dans les services médico-psychologiques régionaux. Selon nos informations, leurs activités devraient être recentrées sur les soins ambulatoires renforcés, plus diversifiés.

L'exposé des motifs qui accompagnait le projet de loi confirme que ce dispositif s'ajoutera aux unités pour malades difficiles - il n'en existe actuellement que 4 -, où continueront d'être internés les détenus présentant « une dangerosité caractéristique » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann). De même, certaines unités peuvent déjà avoir un fonctionnement partiellement ou temporairement fermé permettant des hospitalisations de proximité ou de courte durée. «  La création de nouvelles unités psychiatriques sécurisées spécifiquement aménagées et destinées à recevoir exclusivement des personnes détenues devrait compléter utilement le dispositif » (exposé des motifs).

En outre, la loi n'opère plus de distinction, comme c'était le cas jusqu'à présent, entre détenus hospitalisés avec leur consentement et ceux hospitalisés d'office. Les unités auront vocation à accueillir tous les détenus nécessitant une hospitalisation.

Les travaux parlementaires nous en apprennent déjà un peu plus sur les nouvelles unités : l'administration pénitentiaire devrait, d'ici à 5 ans, en mettre 10 en service, sur l'ensemble du territoire. Pour les implantations, les centres hospitaliers spécialisés devraient être préférés aux hôpitaux généraux. Au total, 244 lits d'hospitalisation seraient ainsi créés, fonctionnant selon le même modèle que les unités d'hospitalisation sécurisées interrégionales (UHSI) existant pour les hospitalisations somatiques (8) (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).

La hausse du nombre de détenus atteints de troubles mentaux

Une récente étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques s'est penchée sur les pathologies psychiatriques en milieu carcéral et leur prise en charge (9) . Le vote de la loi Perben a été l'occasion de revenir sur les motifs de la hausse du nombre de détenus atteints de troubles mentaux, évalués à 25 % de la population pénale (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann, page 179 et suivantes).

Parmi les raisons avancées : l'évolution de la psychiatrie moderne, qui est sortie de sa vocation asilaire pour s'ouvrir sur l'extérieur. Les hospitalisations de long séjour diminuant, le nombre de lits en psychiatrie a été réduit de 32 % ces 10 dernières années. « La prison est ainsi devenue en 20 ans le lieu d'accueil de personnes qui, sans relever forcément de la catégorie de malades mentaux, souffrent de troubles du comportement importants à l'origine de leur passage à l'acte ».

En outre, la réforme du code pénal de 1990, qui a établi une distinction entre l'abolition (irresponsabilité pénale) et l'altération du discernement (circonstances prises en compte dans la détermination de la peine) aurait conduit à un recul de non-lieux prononcés pour irresponsabilité, « les experts ne retenant que l'altération du discernement dans les cas de psychoses avérées ».

Enfin, il a aussi été rappelé « le caractère profondément anxiogène de la vie carcérale pour un public qui est déjà très fragile à son arrivée en prison ».

2 - LES DISPOSITIONS TRANSITOIRES

A titre transitoire, dans l'attente de la prise en charge des détenus par les unités hospitalières spécialement aménagées, les hospitalisations continueront d'être assurées par un service médico-psychologique régional, pour celles qui sont librement consenties, ou par un établissement de santé du service public hospitalier, pour les autres.

B - Les droits des détenus en tant que patients hospitalisés

Les droits des détenus en tant que patients hospitalisés sont désormais reconnus et inscrits dans la loi.

Le nouvel article L. 3214-2 du code de la santé pose d'abord un principe général : les droits reconnus au détenu hospitalisé pour troubles mentaux s'appliquent sous réserve des restrictions rendues nécessaires par sa qualité de détenu ou, s'agissant d'une hospitalisation sans consentement, par son état de santé.

Il énumère ensuite les droits reconnus aux personnes hospitalisées par le chapitre premier (« Droits des personnes hospitalisées » ) du titre premier (« Modalités d'hospitalisation » ) du livre II ( « Lutte contre les maladies mentales » ) de la troisième partie (« Lutte contre les maladies et dépendances » ) du code de la santé publique qui sont applicables aux détenus.

Sont ainsi explicitement cités 6 articles :

 l'article L. 3211-3 qui permet, pour les hospitalisations d'office, un certain nombre de restrictions à l'exercice des libertés individuelles en fonction de l'état de santé du patient. Ces restrictions doivent toutefois être prescrites dans le respect de la dignité de l'intéressé et dans l'objectif de sa réinsertion. En tout état de cause, elles ne peuvent porter atteinte au droit :

- de communiquer avec le procureur de la République, le juge du tribunal d'instance, le président du tribunal de grande instance, le maire de la commune et le représentant de l'Etat, - de saisir la commission départementale des hospitalisations psychiatriques, - de prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix, - d'émettre ou de recevoir des courriers, - de consulter le règlement intérieur de l'établissement, - d'exercer son droit de vote, - de pratiquer une activité religieuse ou philosophique de son choix ;

 l'article L. 3211-4, qui précise la mise en œuvre des protocoles thérapeutiques dans le strict respect des règles déontologiques et thérapeutiques en vigueur ;

 l'article L. 3211-6 qui permet, sur constatation du médecin, de placer le malade sous sauvegarde de justice ;

 l'article L. 3211-8 qui prévoit le placement sous tutelle ou curatelle des patients hospitalisés ;

 l'article L. 3211-9 qui autorise la désignation d'un curateur chargé de veiller à ce que les revenus disponibles du malade soient employés à adoucir son sort, à accélérer sa guérison et à favoriser son insertion, ainsi qu'à favoriser son retour au plein exercice de ses droits ;

 l'article L. 3211-12 qui précise les conditions de sortie immédiate d'une hospitalisation sans consentement. La personne hospitalisée, son curateur ou son tuteur ou tout parent ou personne susceptible d'agir dans l'intérêt du malade, peuvent se pourvoir par simple requête auprès du juge des libertés et de la détention pour obtenir une sortie immédiate. Le juge statue par référé, après vérifications nécessaires et débat contradictoire. Lorsqu'il sera fait application de cette disposition à l'encontre d'un patient détenu, la loi Perben précise que l'établissement pénitentiaire devra aussitôt être prévenu par le procureur de la République afin d'organiser son retour en détention (code de la santé publique [CPP], art. L. 3214-2, al. 2 nouveau).

Les autres dispositions du code de la santé publique relatives aux droits des personnes hospitalisées qui ne sont pas citées par le nouvel article L. 3214-2 ne sont donc pas applicables aux détenus. Ces exclusions relatives notamment à la sortie définitive des patients, aux sorties d'essai et autorisations de sortie, répondent à la logique de l'incarcération.

Autres dispositions

Renforcement du parc pénitentiaire (art.2)

L'article 2 de la loi Perben réaffirme la possibilité pour l'Etat de conclure avec des opérateurs privés des marchés à caractère global, portant sur la conception, la construction et l'aménagement d'établissements pénitentiaires. Leur fonctionnement pourra aussi être confié à des opérateurs publics ou privés, à l'exception des fonctions de direction, de greffe et de surveillance. La loi soumet en outre au code des marchés publics ces marchés globaux, qui relevaient précédemment d'appels d'offres avec concours.

Ces dispositions doivent contribuer à la réalisation du programme de construction d'établissements pénitentiaires, annoncé par ailleurs par le gouvernement (11 000 places, dont 7 000 consacrées à l'augmentation de la capacité du parc et 4 000 en remplacement de places obsolètes).

Répartition des détenus (art. 50)

La loi Perben modifie la classification des établissements pénitentiaires. Pour mémoire, ceux-ci se répartissent en deux catégories :

 les maisons d'arrêt reçoivent les prévenus (détenus en attente de jugement) ainsi que les condamnés dont le reliquat de peine n'excède pas un an lors de leur condamnation définitive ;

 les établissements pour peine, eux-mêmes divisés en centres de détention régionaux (détenus condamnés à des peines inférieures ou égales à 5 ans, voire 7 dans certains cas) et les centres de détention nationaux (détenus condamnés à des peines plus lourdes).

Cette dernière classification entre établissements pour peine est désormais supprimée (CPP, art. 717 modifié) .

Ainsi, expliquait l'exposé des motifs du projet de loi, « les condamnés seront-ils affectés en fonction de leur profil dans les établissements pour peines, sans que les critères liés au reliquat ou au quantum de la peine ne revêtent de dimension impérative » . Ces nouvelles dispositions devant permettre « en effet d'affecter les condamnés dans des établissements adaptés sur la base de critères liés à leur éventuelle dangerosité et à leur personnalité, et non plus sur celui du seul quantum de leur peine qui n'est pas un révélateur en soi de la réelle dangerosité d'un condamné » .

Neutralisation des téléphones mobiles dans les établissements pénitentiaires (art.47)

La nouvelle loi prévoit la mise en place d'un dispositif technique d'installations radioélectriques permettant de rendre inopérants dans l'enceinte des établissements pénitentiaires, tant pour l'émission que pour la réception, les appareils de télécommunication mobiles de tous types (code des postes et télécommunications, art. L. 33-3 modifié) .

Pour mémoire, l'accès au téléphone en détention est en principe strictement encadré. Il est ainsi interdit pour les personnes détenues en maison d'arrêt et autorisé, une fois par mois, pour les condamnés en centre de détention ou pour tous les détenus en établissements pour peines, lors de circonstances familiales ou personnelles importantes. Dans tous les cas, les conversations sont contrôlées.

C - L'hospitalisation sans consentement

1 - LES CRITÈRES DE L'HOSPITALISATION

Depuis le décret du 8 décembre 1998, la procédure d'hospitalisation sous contrainte des détenus souffrant de troubles mentaux était alignée sur celle de l'hospitalisation d'office. Le détenu devait donc présenter des troubles nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave à l'ordre public. Cet alignement a suscité de nombreuses difficultés. Notamment, un détenu, tout en ne répondant pas aux critères de l'hospitalisation d'office, peut exiger des soins nécessitant une hospitalisation.

La loi du 9 septembre réforme les critères d'hospitalisation en créant une nouvelle procédure spécifique aux détenus. L'hospitalisation doit désormais répondre à une triple condition  :

 le détenu nécessite des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier ;

 ses troubles mentaux constituent un danger pour lui-même ou pour autrui ;

 les troubles doivent également rendre impossible son consentement.

Selon l'exposé des motifs de la loi, ces dispositions permettront de « répondre à des situations actuellement insolubles, et qui conduisent à un maintien en détention parfois sans traitement de personnes dont les troubles mentaux graves n'affectent pas la vie en détention. Il s'agit de personnes qui restent dans une attitude de retrait, d'isolement, et dont l'état de santé mentale s'aggrave en milieu pénitentiaire, qui refusent des soins ambulatoires mais qui ne présentent aucun élément de dangerosité pour autrui. »

Cette notion d'hospitalisation sans consentement est inédite dans le code de la santé publique. Toujours selon le gouvernement, elle est « en parfaite cohérence avec le projet de refonte de la loi du 27 juin 1990 ». Conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe et aux conclusions de la commission Strohl (10), les deux régimes d'hospitalisation sous contrainte (d'office et à la demande d'un tiers) devraient en effet être fusionnés, pour retenir le seul critère de la nécessité des soins.

Garde et escorte des détenus hospitalisés pour troubles mentaux

La loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités de garde, d'escorte et de transport des détenus hospitalisés en raison de leurs troubles mentaux (code de la santé publique, art. L. 3214-5 nouveau) .

Actuellement, l'administration pénitentiaire est chargée de l'escorte et de la garde lorsqu'il s'agit de consultations médicales, les forces de police et de gendarmerie étant compétentes pour tout ce qui concerne les hospitalisations. Une répartition « pas totalement satisfaisante dans la mesure où la frontière entre l'hospitalisation et la consultation n'est pas claire » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann).

Le rapport annexé à la loi annonce une réflexion interministérielle sur les conditions de transfert à l'administration pénitentiaire de missions nouvelles (surveillance des détenus hospitalisés et, plus généralement, garde et escorte des détenus).

2 - LA PROCÉDURE

a - L'admission dans une unité spécialement aménagée

Reposant sur des critères différents, la procédure reste, quant à elle, identique à celle prévue actuellement pour l'hospitalisation d'office.

Le préfet de police (à Paris) ou le représentant de l'Etat du département siège de l'établissement dans lequel est affecté le détenu, prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, son hospitalisation dans l'une des unités spécialement créées à cet effet . Le certificat médical ne peut pas émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil.

L'arrêté préfectoral doit être motivé et énoncer avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire. Dans les 24 heures suivant l'admission, le directeur de l'établissement d'accueil transmet au représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, au préfet de police, ainsi qu'à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques, un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement.

Les arrêtés préfectoraux doivent être inscrits sur le registre que tient l'hôpital pour les personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sous contrainte.

b - La prolongation de l'hospitalisation

La loi rend applicable aux détenus hospitalisés les article L. 3213-3 à L. 3213-5 du code de la santé publique relatifs aux conditions de prolongement des hospitalisations d'office.

Ainsi, dans les 15 jours, puis un mois après l'hospitalisation et ensuite au moins tous les mois, le malade doit être examiné par un psychiatre de l'établissement qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant s'il y a lieu, les observations contenues dans le précédent certificat et précisant notamment les caractéristiques de l'évolution ou la disparition des troubles justifiant l'hospitalisation. Chaque certificat étant transmis au représentant de l'Etat et à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques.

Dans les 3 jours précédant l'expiration du premier mois d'hospitalisation, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer, après avis motivé d'un psychiatre, le maintien de l'hospitalisation d'office pour une nouvelle durée de 3 mois. Au-delà, il peut maintenir l'hospitalisation pour des périodes de 6 mois au maximum renouvelables selon les mêmes modalités. Faute de décision à l'issue de chacun de ces délais, la mainlevée de l'hospitalisation est acquise. Enfin, le représentant de l'Etat dans le département peut, à tout moment, mettre fin à l'hospitalisation après avis d'un psychiatre ou sur proposition de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques.

Enfin, le préfet doit être informé par le directeur de l'établissement, dans les 24 heures, de la décision d'un psychiatre déclarant sur un certificat médical ou sur le registre de l'hôpital que la sortie peut être ordonnée, et statuer sans délai.

Florence Elguiz

Le bracelet électronique : ce qui change

Autorisé par une loi de 1997, le placement sous surveillance électronique est aujourd'hui entré dans une phase de généralisation, après avoir été progressivement expérimenté dans 9 établissements (11) . La loi Perben entend accélérer et rationaliser le développement de ce dispositif, sur l'ensemble du territoire national.

Pour mémoire, ce dernier s'adresse à des personnes, majeures ou non, qui doivent purger une peine de prison égale ou inférieure à un an (ou qui doivent encore y passer un an) et, depuis la loi sur la présomption d'innocence, aux personnes en détention provisoire. Concrètement, les intéressés portent au poignet ou à la cheville un bracelet électronique, qui transmet des signaux à un récepteur placé sur leur lieu d'assignation (domicile, lieu de travail ou de formation...) et relié par ligne téléphonique à un centre de surveillance.

Les personnes concernées (art. 49 I et II)

En premier lieu, la nouvelle loi autorise le placement sous surveillance électronique d'une personne mise sous contrôle judiciaire.

L'accord de l'intéressé doit avoir été recueilli en présence de son avocat (code de procédure pénale [CPP], art. 138 modifié) . Le juge d'instruction exerce, dans ce cas, les compétences attribuées au juge de l'application des peines dans le cadre d'un placement sous surveillance électronique en cas de condamnation. L'entrée en vigueur de cette disposition est subordonnée à la modification du décret d'application (circulaire DACG du 10 septembre 2002, à paraître au B.O.M.J.) .

Par contre, le bracelet électronique ne peut plus être prescrit dans le cadre d'une détention provisoire (CPP, art. 144-2 supprimé). Cet article est d'application immédiate. Les dispositions relatives au placement sous surveillance électronique des personnes en détention provisoire figurant aux articles R. 51-1 et R. 57-13 et suivants du code de procédure pénale, issus du décret du 3 avril 2002, sont caduques et seront prochainement supprimées (circulaire du 10 septembre 2002) .

Les obligations des porteurs de bracelet (art.49-III)

La loi Perben fait peser sur le condamné une nouvelle obligation : répondre, sous peine de retrait de la décision de placement sous surveillance électronique, aux convocations de toute autorité publique désignée par le juge de l'application des peines (CPP, art. 723-7 al. 3 modifié) .

Pour le reste, pas de changement : il est ainsi toujours interdit à l'intéressé de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le juge d'application des peines en dehors des périodes fixées par celui-ci.

Le contrôle des condamnés (art. 49-IV)

Jusqu'à présent, le contrôle à distance du placement sous surveillance électronique était assuré uniquement par des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire. La nouvelle loi permet de confier dorénavant ce contrôle également à des personnes de droit privé habilitées dans des conditions qui doivent être précisées par décret (CPP, art. 723-9 al. 3 nouveau) .

Il s'agit de « pouvoir déléguer à une ou plusieurs sociétés privées la surveillance des écrans de contrôle et la pratique des contre-appels » (Rap. A.N. n° 157, juillet 2002, Warsmann) . L'objectif de « 3 000 placements » étant désormais envisageable « à court terme » grâce à cette « externalisation » .

Le législateur a bien pris le soin de préciser que les visites à domicile permettant de s'assurer de la présence de la personne assignée ne peuvent être effectuées que par des agents de l'administration pénitentiaire (CPP, art. 723-9, al. 3 modifié) .

Le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions, la délégation au secteur privé concernant « des prestations techniques détachables des fonctions de souveraineté ».

Ces dispositions sont applicables depuis le 12 septembre (circulaire du 10 septembre 2002) .

Le retrait de la décision de placement (art.49-V)

Le retrait de la décision de placement sous surveillance électronique était, jusqu'à maintenant, réservé aux cas d'inobservation des conditions d'exécution constatée au cours d'un contrôle, d'inobservation des mesures prononcées, de nouvelle condamnation ou de refus par le condamné d'une modification nécessaire des conditions d'exécution. La loi Perben ajoute à ces critères de révocation les cas d'inconduite notoire (CPP, art. 723-13 al. 1 modifié) , rappelant ainsi les règles existantes en matière de libération conditionnelle.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2276 du 13-09-02 et n° 2278 du 27-09-02.

(2)  Voir ASH n° 2269 du 28-06-02.

(3)  Les critères et les modalités de l'hospitalisation des personnes détenues ne figuraient, jusqu'à présent, que dans des dispositions réglementaires alors que dans le code de la santé publique, les hospitalisations pour troubles mentaux relèvent de la partie législative.

(4)  Voir ASH n° 2174 du 7-07-00.

(5)  Le gouvernement Jospin s'était aussi attelé à l'élaboration d'une grande loi pénitentiaire (voir ASH n° 2224 du 20-07-01), restée dans les limbes.

(6)  Voir ASH n° 2174 du 7-07-00.

(7)  Voir ASH n° 2260 du 26-04-02. C'est d'ailleurs sur la base de ce constat alarmant que le gouvernement Jospin avait aussi promis, en avril 2002, « une réforme d'envergure » de l'hospitalisation pour motif psychiatrique des détenus, restée lettre morte faute de temps - Voir ASH n° 2259 du 19-04-02.

(8)  Sur la création de ces UHSI, voir ASH n° 2180 du 15-09-00.

(9)  Voir ASH n° 2273 du 23-08-02.

(10)  Voir ASH n° 2009 du 7-02-97.

(11)  Voir ASH n° 2272 du 19-07-02.

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