Pendant la guerre, des soignants (médecins, infirmiers) ont connu les camps (déportation, captivité) et leur vie « communautaire », explique Philippe Koechlin, ancien médecin des hôpitaux psychiatriques et responsable de secteur. Une constatation s'imposa à ceux qui en sont revenus : les situations d'enfermement alors vécues ressemblaient à celles des « aliénés » qu'ils soignaient, et les troubles qu'elles avaient suscités en eux-mêmes étaient voisins, sinon similaires, de ceux de leurs patients. De là à considérer que les « fous » et les êtres dits normaux avaient en commun la même capacité de souffrance psychique et que la folie est un processus pathologique susceptible d'être provoqué et d'évoluer en fonction des conditions de la vie relationnelle, il n'y avait qu'un pas :celui qu'ont franchi, à la Libération, les soignants puis les instances sociales qui ont entrepris d'humaniser les asiles. Partie prenante de cette révolution, la Fédération Croix-Marine, née en 1952 - et qui regroupe aujourd'hui 400 associations et établissements -, a été l'un des fers de lance de la lutte pour une psychiatrie humaine et sociale :psychothérapie institutionnelle, mise en place du secteur, participation des malades à leur traitement, soins de réadaptation, réhabilitation psychosociale, insertion, réinsertion... Tout à la fois histoire de la psychiatrie et souvenirs personnels de praticiens qui l'ont faite, cet ouvrage entend faire reconnaître l'apport d'un mouvement dont l'appellation ne doit rien à l'Eglise ni à la Marine, mais renvoie à la Croix- Rouge : à l'instar de cette dernière qui porte secours aux blessés du corps, la Fédération d'aide à la santé mentale Croix-Marine s'emploie à agir auprès des blessés de l'esprit.
Pages réalisées par Caroline Helfter Pour une psychiatrie sociale. 50 ans d'action de la Croix-Marine - Sous la direction de Jean-Paul Arveiller - Ed. érès -23 € .