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Le projet de loi sur la sécurité intérieure en conseil des ministres

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Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, a défendu le 23 octobre, en conseil des ministres, son projet de loi sur la sécurité intérieure qui a, d'ores et déjà, fait couler beaucoup d'encre. Au centre de la polémique (voir ASH n° 2279 du 4-10-02, page 41 et ce numéro, , les réactions des associations), un ensemble de dispositions « visant à protéger la tranquillité et la sécurité publique ».

La pénalisation de la prostitution

Le texte s'attaque, en premier lieu, à la prostitution. Il transforme ainsi le racolage en un délit passible de prison, peu important qu'il soit actif ou passif. Actuellement, seul le racolage actif est sanctionné, d'une simple contravention. Avec la future loi, « le fait par tout moyen, y compris par sa tenue vestimentaire ou son attitude, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération » serait puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750  € d'amende. En outre, les clients des prostitué (e) s mineur (e) s, qui peuvent aujourd'hui être condamnés à trois ans d'emprisonnement et à 45 000  € d'amende, ne seraient plus les seuls à être inquiétés. Le projet prévoit en effet les mêmes peines pour les clients de prostitué (e) s dont la «  particulière vulnérabilité [...], due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse », est « apparente ou connue » de l'intéressé. L'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France devrait par ailleurs subir de nouvelles modifications, destinées à faciliter l'éloignement des prostitué (e) s et proxénètes étrangers. L'idée étant de permettre le retrait de leur carte de séjour temporaire, ouvrant ainsi la porte à un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Une autorisation provisoire de séjour serait toutefois accordée aux prostitué (e) s qui déposent une plainte ou témoignent contre leur proxénète. Autorisation qui pourrait être « renouvelée jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait statué sur l'action pénale engagée ». Signalons au passage que les étrangers auteurs de trafics de drogue, de participation à de tels trafics, d'exhibition sexuelle ou encore d'exploitation de la mendicité pourraient, eux aussi, se voir retirer leur carte de séjour temporaire. Et que plus généralement, un étranger qui, sans avoir de carte de séjour, serait en situation régulière   (1), pourrait être reconduit à la frontière si son comportement a constitué un « trouble à l'ordre public » .

Les gens du voyage dans le collimateur

Le projet de loi vient, par ailleurs, sanctionner pénalement « le fait de s'installer, en réunion, en vue d'y établir une habitation, sur un terrain appartenant soit à une commune [qui s'est conformée aux obligations relatives à l'accueil des gens du voyage], soit à tout autre propriétaire, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du titulaire du droit d'usage du terrain ». Une infraction qui vise donc directement les nomades et qui serait punie de six mois d'emprisonnement et de 3 750  € d'amende. Pour Nicolas Sarkozy, ce dispositif devrait inciter davantage les maires à se conformer aux prescriptions de la loi Besson, « puisque l'aménagement d'aires de stationnement conditionnera pour ceux-ci le recours à la procédure pénale ». Le véhicule automobile ayant servi à cette installation pourrait, en outre, être saisi « en vue de sa confiscation par la juridiction pénale ». Et les auteurs du délit s'exposeraient, en plus, à une suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans.

Signalons que le ministre de l'Intérieur a, au dernier moment, modifié sa copie et concédé un geste en faveur des mal-logés contraints de squatter des immeubles pour avoir un toit. Les sanctions prévues à leur encontre ont, en effet, disparu de la version définitive du projet de loi.

L'exploitation de la mendicité réprimée

Le gouvernement veut, d'autre part, punir ceux qui exploitent les mendiants. Le projet de loi sanctionne ainsi le fait « d'organiser la mendicité d'autrui en vue d'en tirer profit », de « tirer profit de la mendicité d'autrui, d'en partager les bénéfices ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la mendicité », « d'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité, ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle mendie ou continue de le faire ». Peines encourues : trois ans d'emprisonnement et une amende de 45 000  €. Mêmes sanctions pour celui qui ne peut « justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en étant en relation habituelle avec une ou plusieurs personnes se livrant à la mendicité ». L'exploitation de la mendicité devrait, en outre, être condamnée plus sévèrement - cinq ans d'emprisonnement et 75 000  € -lorsqu'il y a plusieurs personnes qui mendient ou si la victime est un mineur, une personne particulièrement vulnérable, ou encore une « personne qui a été incitée à se livrer à la mendicité soit hors du territoire de la République, soit à son arrivée sur le territoire de la République ». Il en va de même si elle a été commise « avec l'emploi de la contrainte, de violences ou de manœuvres dolosives », « par plusieurs personnes », ou encore « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif » du mendiant ou « par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ». Dernier cas de figure envisagé : la mendicité agressive ou « demande de fonds sous contrainte ». «  Le fait, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d'un animal dangereux, de solliciter la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien », est ainsi puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750  € d'amende dans le projet de loi.

Contre les regroupements dans les halls d'immeuble

Pour lutter contre le « phénomène d'envahissement des cages d'escaliers », le gouvernement précédent s'était attaché à sanctionner les propriétaires et gestionnaires d'immeubles n'ayant pas pris de « mesures permettant d'éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité des locaux » (2). Le projet de loi Sarkozy réprime, lui, directement l'entrave à la libre circulation des personnes, quand elle est commise « en réunion de plusieurs auteurs ou complices, dans les entrées, cages d'escalier  » et parties communes ( deux mois d'emprisonnement et 3 750  € d'amende).

Autres dispositions

Les personnes qui profèrent des menaces à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public encourent aujourd'hui une peine de deux ans d'emprisonnement et une amende de 30 000  €. Le projet de loi allonge la liste des personnes protégées aux gardiens d'immeubles, ainsi qu'aux familles (conjoint, ascendants, enfants) et à tout autre individu vivant habituellement au domicile de toutes ces personnes.

Signalons d'autres mesures destinées à faciliter les enquêtes judiciaires (possibilité de « ficher » des personnes mises en cause... ) et à accroître les pouvoirs des polices municipales.

Les sénateurs seront les premiers à plancher sur la future loi, le 5 novembre.

Notes

(1)  Parce qu'il est dans la période de validité de son visa ou peut prouver, par son passeport tamponné, qu'il est en France depuis moins de trois mois.

(2)  Dans la loi sur la sécurité quotidienne - Voir ASH n° 2264 du 24-05-02.

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